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Flora Devatine

75. Pirogues de guerre – William Hodges (1774)

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La revue (Littérama’ohi) permet de faire des progrès dans ce domaine aussi.

Très souvent, on n’ose pas écrire. On me dit qu’on ne sait pas écrire. Moi non plus, je ne sais pas écrire mais j’écris, et je publie quand même. Il se passe aussi que l’on a envie d’écrire et d’être publié, mais on ne le fait pas, et alors, on en garde frustration et quelque rancoeur. C’est dommage. C’est donc aussi l’un de mes combats : je veux que l’écriture soit libre. Aux réunions du comité de lecture de la revue, on me dit qu’il faudrait peut-être ne pas tout publier, qu’il y a des articles qui ne méritent pas d’être publiés.

Je réponds, si vous le pensez, il n’y a pas de problème, on le fait, et je vous charge de ce travail. Vous le faites. Moi, je ne le ferai pas. Et là, personne n’ose rien dire, et finalement, tout passe. C’est vrai, il y a un peu de tout.

Mais j’ai souffert durant ma scolarité du fait que mes textes étaient mal crits.

Je ne vais donc pas inciter les gens à écrire et en même temps être celle qui dira : c’est mal écrit. Je rappelle que les auteurs sont les seuls responsables de leur écriture. Nous (à Littérama’ohi), nous ne sommes qu’un lieu où on publie, et où on fait connaître celui qui écrit, et ce qu’il écrit. C’est tout.

Il est arrivé un jour, à la suite de cette discussion, où nous avons eu une rencontre avec les élèves de terminale. Le professeur avait fait travailler les élèves sur cette problématique, et à un moment donné de la rencontre, les élèves pouvaient lire les textes qu’ils ont aimés. Il s’est trouvé, parmi les textes choisis et lus par les lycéens, quelques poèmes dont on ne pensait pas qu’ils pourraient intéresser les élèves, et qu’ils seraient appréciés par des lecteurs. De fait, on ne peut pas savoir ce dont l’autre a besoin. Il peut avoir besoin de mots qui nous paraissent à nous peu importants. Mais l’important, cela est et cela reste ce dont il a besoin. Sinon, parmi les auteurs, la personnalité et les productions d’Henri Hiro ont marqué beaucoup d’esprits.

Est-ce que l’écrit et surtout l’oral a encore la fonction de structurer les vécus communautaires ? Si cette fonction est présente, s’agit-il d’un renouveau ou d’une tradition continue ? Quel futur pour cette fonction ?

Il faut dire que chez la grande majorité de la population tahitienne, polynésienne, ‒ bien qu’elle parle français ‒, il y a une façon de penser particulière, en grande partie polynésienne. Cela s’explique par le fait que dans une communauté, dans les îles, dans les districts, le mode de vie est encore polynésien, et très en lien avec les églises, avec la vie paroissiale. Or c’est dans les églises que l’on parle tahitien, que l’on s’exprime en tahitien, que l’on fait des commentaires bibliques en tahitien. Bien sûr, on parle des adultes et des jeunes qui suivent la formation religieuse, qui vont à l’école du dimanche. Cette formation, cette structuration de la pensée dans la langue y est présente. À l’école, c’est ce qu’on essaie de faire avec l’enseignement du tahitien. C’est un mouvement qui a commencé dans les

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années 1980. Mais on se rend compte aujourd’hui que cela n’a pas marché aussi vite qu’on l’avait pensé. Moi, j’ai trouvé que pouvoir enseigner le tahitien, c’était déjà un progrès, un énorme pas vers l’avant. On savait qu’il y aurait des examens à mettre en place. Au niveau universitaire, cela a été une grande reconnaissance aussi. Mais cela n’empêchait pas le fait que des locuteurs ne parlaient pas bien la langue, et que les gens parlaient plus en français qu’en tahitien.

Au niveau de l’enseignement, il y a un travail qui a été fait. On a pris conscience qu’il faut changer de mode d’enseignement, d’où la consigne récemment donnée aux parents : s’ils parlent bien tahitien, qu’ils ne s’adressent à leur enfant qu’en tahitien, et qu’ils ne mélangent plus les deux langues. On leur fait comprendre que ce qui importe, c’est la structuration de l’esprit de leur enfant, et que lorsqu’un enfant a acquis des réflexes de pensée, il est plus apte à passer dans une autre façon de penser. D’où tout le travail qui est fait par le centre d’enseignement du tahitien. C’est ce centre qui s’occupe de lancer les concours de ‘ōrero, qui est un moyen pour aider à l’appropriation de la langue et de la culture en même temps, et finalement, c’est aussi un enracinement dans la société, puisque ce travail est mené par les enseignants avec le soutien des parents d’élèves, de l’administration, des mairies. À mon sens, il n’y a pas d’opposition entre l’écrit et l’oral, entre la littérature, écrite, et l’oralité, bien que certains les opposent. Pour moi, ils sont complémentaires. Je vais reprendre les termes de l’une de mes filles, pour qui « l’oralité fait danser », et pour qui l’écriture ne danse pas : ainsi,

« si l’écriture ne fait pas danser d’emblée, il faut l’amener (l’écriture) à danser, il faut la faire danser. Et le meilleur orateur est celui qui peut agir, s’exprimer, aussi bien en tahitien qu’en français. » Il y a que l’on passe de l’oralité à l’écriture, où aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, le maître mot est l’expression qui structure la pensée : il s’agit de parler, et d’écrire, pour dire, raconter, inscrire. Mais il y a aussi la question de la langue. Dans quelle langue parler, écrire ? Et c’est toujours rupture et continuité.

En parlant de la génération du taui, du changement, on peut constater qu’il y a des auteurs qui vivent ces périodes de turbulence, de changement intense, ce renouveau culturel à l’âge de vingt ou trente ans. Si l’on regarde vers le futur, quels sont les enjeux les plus importants de la littérature polynésienne au niveau identitaire ? Quelles pistes, quel futur ?

Il est clair qu’il y a des générations d’auteurs, et je fais partie de l’ancienne génération. Les jeunes, c’est Titaua Peu, Stéphanie Ari’irau, Nathalie Heirani Salmon-Hudry, Moetai Brotherson, Philippe Neuffer… Puis, il y a ceux qui sont entre les deux générations, comme Jean-Marc Pambrun. Il y a également des auteurs qui font partie de l’ancienne génération mais qui ne publient que maintenant.

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76. Cession de Matavaï aux missionnaires anglicans

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