• Nem Talált Eredményt

Stéphanie Ari’irau Richard-Vivi

63. Bora Bora – Peter Gill (UK)

138

Comment voyez-vous l’apport de la réflexion théorique et littéraire sur la condition féminine et la réalité vécue de la féminitude en Océanie, en Polynésie française ?

Nous sommes une majorité de femmes écrivains, et pourtant j’ai l’impression qu’on écoute toujours plus les hommes, ou qu’on les prend plus au sérieux, c’est juste une impression. Dans mon écriture, le corps de la femme est très important, on pourrait dire qu’il est une galaxie à lui-même ! Son corps est lui-même une arme : dans Je reviendrai à Tahiti, la femme couche à droite et à gauche, pour déstabiliser le vieux, elle lui emmène une copine… Dans « B.C » qui n’est pas sorti, le roman commence avec une femme attachée à un lit sous perfusion : on lie le corps de la femme, pour la museler, sans pouvoir museler sa pensée, elle se créé un récit de vie virtuel tellement puissant qu’il finit par se réaliser. Enfin dans Matamimi, il est clairement écrit qu’elle doit « respecter son corps », « son corps c’est son pays », elle est entièrement libre, symboliquement.

Je ne m’inscris dans aucun mouvement féministe ou pas, la seule chose qui compte, c’est la liberté de l’être.

Comment définiriez-vous la vocation de la littérature dans la réalité polynésienne (et océanienne) contemporaine ?

La vocation de la littérature dans la réalité polynésienne contemporaine est un retour à la source, une résurrection des légendes pour créer une fierté chez le lecteur, qu’il sache d’où il vient, qu’il en soit fier. Car l’Histoire a bien malmenée la culture polynésienne, qui a besoin de faire revivre ses héros et qui a besoin de mettre en avant de nouveaux héros.

Par quelles méthodes et stratégies d’écriture comptez-vous défaire les réécritures réductrices de l’histoire européocentrée et du mythe de l’Éden Polynésien qui perpétue les incompréhensions culturelles ? J’abandonne cette idée de déconstruire le mythe : On peut dénoncer le mythe, mais le mythe est tellement ancré dans les mentalités, même locales parfois, qu’on ne peut plus rien faire. Il suffit de voir les pubs de destinations touristiques pour le comprendre. Certains se complaisent dans le mythe et les préjugés.

En tant qu’écrivain, je passe à autre chose, je n’ai pas les épaules assez larges pour lutter contre un mythe instauré par un voyageur du XVIIIe siècle qui avait des comptes à rendre au roi de France.

La seule chose que je puisse faire c’est d’écrire sur les gens de mon pays, tels qu’ils sont, qu’ils soient beaux ou laids, je veux les « écrire » dans leur plus humble et sincère humanité.

139

Comment la littérature peut-elle assister, contribuer à l’émergence de valeurs nouvelles susceptibles d’unifier les différentes ethnies et cultures ?

Dans le Pacifique, nous commençons à faire traduire les romans en anglais, donc, on dépasse la question de la francophonie pour unifier les thèmes littéraires polynésiens : c’est surtout grâce à la maison d’édition au vent des îles, qui a regroupé une série « littérature du Pacifique ».

C’est intéressant de voir ce que nous partageons avec les Hawaiiens, les Samoans, les Néo-Zélandais… mais la meilleure façon d’unifier les différentes ethnies et cultures est tout simplement d’accepter les différences des autres, sans les juger.

Est-ce que les difficultés liées à l’éloignement géographique, à l’écart infrastructurel et culturel des archipels polynésiens éloignés du pôle urbain de Papeete sont présentes dans la littérature, dans la réflexion culturelle ? Devraient-elles l’être ?

Oui, les écrivains ou poètes des Australes, des Marquises, des Tuamotu etc.

devraient certainement être plus mis en avant, je suis d’accord ; je n’ai pas de réponse à ce sujet, en tant que Tahitienne, je suis déjà effacée, alors que penser des archipels éloignés ; il doit bien y avoir sur l’île de Rapa un poète ou une porteuse de savoirs. J’écris sur la matière qui m’entoure : la nature en premier lieu, donc ma vallée, la rivière… ; j’en conclus que la poésie marquisienne doit être tout aussi remarquable que les légendes des Tuamotu.

En parlant de la (re)construction des identités océaniennes et en tenant compte des tensions, de la fragilité de l’équilibre dans certains états et territoires océaniens, quels sont les principaux enjeux contemporains de l’Océanie au niveau identitaire, politique et littéraire ?

Je ne peux pas répondre à cette question, sinon que certains évènements comme les voyages de la pirogue traditionnelle Faafaite mettent en exergue une certaine sagesse ancestrale. La thèse de Jean-Claude Teriierooiterai sur les mythes polynésiens nous fait découvrir que tout un savoir conséquent sur les étoiles ou sur l’histoire est contenu dans ce que les Occidentaux considèrent comme de simples fictions. Certaines personnalités locales, comme Sunny Moana’Ura Walker à qui je consacre mon prochain roman, font ressurgir des valeurs ancestrales parfaitement adaptées à une société qui semble se perdre dans la modernité. Ce Polynésien pratique le culte des Ancêtres autrement que dans le folklore, et loin de l’obscurantisme, son culte a une approche très respectueuse de l’environnement, qui est le seul vrai capital de notre île : la Nature.

140

Outline

KAPCSOLÓDÓ DOKUMENTUMOK