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Vaimu’a Muliava

82. Maison de la reine et la cathédrale de Mata-Utu William Fasken (1862)

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Il faut dès aujourd’hui que les populations océaniennes se réveillent et s’unissent non pas pour contrer l’Occident car nous sommes de par notre éducation scolaire et universitaire Occidentaux et qu’on ne peut pas refaire l’histoire mais pour discuter sur le même plan d’égalité peut-être pas économique mais sur le plan politique. Cela devient urgent car les grandes puissances économiques qui ne cessent d’exploiter les richesses de notre océan (pêche intensive, gisements de gaz naturels, de pétrole etc...) ne cesseront de s’intensifier lorsqu’ils en auront fini avec le continent africain.

Si vous voulez, je rêve que nous soyons, un jour, véritablement acteurs de l’exploitation et de la protection de nos ressources.

Quelles sources, quels héritages et traditions, quels auteurs souligneriez-vous parmi vos plus grandes influences ?

Ma source d’inspiration première est ma famille, mes anciens. Je suis issu d’une lignée d’orateurs. Mon père, Polikalepo Tupalelagi Muliava (pour ne citer que lui), était de son vivant un brillant orateur, chef coutumier et homme politique. Il défendait et pronait déjà dans les années 1980 cette idée d’union océanienne à travers ses discours et son journal culturel et d’informations en langue faka ‘uvea et fakafutuna qu’il a crée en 1973 en Nouvelle-Calédonie (il s’agissait déjà du premier journal culturel et d’informations en langue vernaculaire d’Océanie à cette époque). Ma grand-mère maternelle, Elisapeta Sialetaginoa Galu’ola, était également connue pour sa verve et sa dextérité dans le maniement du verbe lors des rassemblements familiaux et coutumiers.

Je lis les articles des océanistes (ethno-archéologues, archéologues, linguistes) par ce que mon métier le veut, et aussi parce que dans mon esprit ces articles matérialisent, certes par le prisme de l’analyse d’un océaniste, la parole des mes anciens.

À mon grand regret, je ne suis pas un lecteur de productions littéraires et je pense que cela se ressent dans mon écriture. De la littérature, je ne retiens que les auteurs dont on a appris par cœur quelques poèmes ou textes à l’école primaire, ou analysés dans le secondaire.

En définitive, je dirais que je suis influencé dans mon écriture par ma culture océanienne que ce soit par transmission directe ou indirecte par l’intermédiaire d’ouvrages en sciences humaines.

Vous écrivez de l’unité régionale, de l’histoire et de l’héritage partagé, de liaisons linguistiques, culturelles, identitaires. Comment saisir et caractériser cette volonté de mise en commun, cette visée d’interconnection supranationale, cette communauté régionale ? Cette unité régionale et historique n’est pas une vue de l’esprit, j’ai baigné dans cette réalité que me montrait tous les jours mon père.

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Pourquoi je prône cette unité ? Je pense qu’il est d’intérêt publique aujourd’hui, pour nous et pour l’Autre de porter cette parole d’unité. C’est cette unité qui a permis aux anciens de survivre dans cet écosystème essentiellement marin. Une unité entre les hommes basée sur la notion de solidarité gagnée au prix du sang et/ou d’alliances et une unité avec la nature basée sur la notion de gestion des ressources naturelles et animales (réglementation de la pêche, forêts frappées de tabou qui étaient en quelque sorte des réserves).

Vous savez, j’ai assisté en 2008 au symposium des musées du Pacifique au Vanuatu à la conférence de Serge Tcherkézoff où il exposait le produit de ses recherches compacté dans son ouvrage de l’époque Polynésie / Mélanésie – L’invention française des races et des régions de l’Océanie (XVIe-XXe) devant une assemblée de professionnels océaniens des musées regroupés par région les Fidjiens avec les Salomonais, Vanuatuans, Kanak etc.… et puis les Tongiens, et Samoans, Cookiens etc.... Après sa conférence, tout le monde l’a applaudi et l’a remercié, quand j’ai demandé le micro je l’ai également remercié tout en reconnaissant le côté incongru du moment, j’ai dit :

« Quelle ironie, vous avez des années, des siècles si on prend en compte les années de recherches de vos aînées pour comprendre votre erreur et venir nous l’exposer par votre bouche ! Quel gaspillage de l’argent public de l’État français ! Quelle ironie, vous venez ici dire - aux Océaniens qui ont été conditionnés par cette vision européocentrée et raciale de l’Océanie – qu’être Mélanésien et être Polynésien ne veut rien dire, ne correspond à aucune réalité et en quelque sorte qu’il s’agit là d’un héritage colonial ? Mais regardez l’assistance, voyez comment sont regroupés les professionnels océaniens ! Et en plus ils vous applaudissent !

Laissez-moi vous expliquer le découpage du Pacifique et entendez car nul n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre : En Océanie, il y a deux catégories de populations à classifier non pas par des critères raciaux mais par critères de ressources terrestres : Il y a les peuples de la Terre / et les peuples de la mer. Les peuples de la mer parlent une langue intercompréhensible parce qu’elles ont été et doivent le demeurer aujourd’hui plus qu’hier les sociétés vectrices de l’Océanie.

Si ces scientifiques avaient écouté les anciens et avaient su interpréter les représentations qu’ils avaient d’eux-même au lieu de tenter de plaquer leur vision sur la réalité des miens, peut-être qu’ils n’auraient pas mis autant de temps pour comprendre la réalité qui les entourait. Je ne l’ai pas remercié pour le contenu de son intervention mais de s’être enfin réveillé avec l’espoir, d’assister au réveil prochain de mes frères et sœurs océaniens ».

Comment y arriver à ce réveil identitaire océanien ? La solution est de se décoloniser l’esprit. C’est difficile mais ce n’est pas impossible, le prix à payer est celui de mettre au jour cette identité commune sous l’épaisse

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couche stratigraphique des repères identitaires hérités de l’histoire coloniale.

Je reconnais que c’est compliqué mais l’enjeu est trop important pour que je ne relaye pas ce message porté par mon père et bien d’autres avant lui.

La tradition orale est d’une importance vitale à Wallis-et-Futuna et pour les communautés wallisiennes et futuniennes ailleurs. Quel est le rôle des langues faka ‘uvea et faka futuna dans la transmission mémorielle, dans la (re)vivification et l’éducation de l’histoire et de l’héritage, dans la littérature orale et écrite aujourd’hui et dans votre œuvre ?

La tradition orale matérialise une philosophie de vie, un environnement de pensées qui activent des actions parce qu’elle est formulée et véhiculée par des langues. C’est certain qu’apprendre uniquement à chanter frères Jacques ou des comptines de ce genre dès l’enfance à un petit océanien aura forcément des répercussions sur la construction de son identité. C’est l’une des causes des problèmes identitaires, sources de nombreux problèmes d’une jeunesse qui finit par se chercher ou par s’oublier et être assimilée. Au contraire, il faut dès le début faire cohabiter les comptines océaniennes en langues régionales et en français, c’est une manière de faire cohabiter très tôt ces deux identités qui ne peuvent qu’enrichir l’enfant. C’est pour cela que j’écris dans les deux langues dans un même texte pour l’instant car c’est une manière pour moi de les faire cohabiter.

Mon travail d’écriture s’inscrit également dans une quête personnelle, celle de transcrire en français ma pensée ‘uvéenne et de la formaliser. De mon point de vue, ce qu’on qualifie aujourd’hui de littérature océanienne n’en est pas une. La littérature océanienne réside dans la tradition orale, dans les contes et les chants des anciens et de ceux qui perpétuent cette tradition orale. C’est là qu’elle est la littérature océanienne, moi, je m’inscris finalement comme les autres dans la littérature française ou francophone si vous le voulez. C’est une quête qui me correspond mieux à moi qui suis issu un élément d’une diaspora, un élément qui se veut être l’ambassadeur de son île et de sa région.

Votre œuvre est axée sur la (re)mémoration, mais votre écriture dépasse les contraintes géopolitiques, elle est marquée par une volonté d’ouverture. Pensez-vous que la littérature doit être à la fois locale et globale ?

Je ne sais pas si on peut parler d’œuvre me concernant, mais ce que j’entreprends est marqué par une volonté d’ouverture parce qu’on ne peut pas refaire l’histoire. Et on ne peut pas nager à contre-courant. Pour apaiser les conflits d’identité qui peuvent habiter ou pas d’ailleurs un océanien, il faut absolument assumer et épouser pleinement son occidentalité.

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83. Indiens de l’île de Hoorn – Gravure tirée du récit du voyage de

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