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Vaimu’a Muliava

94. Coucher de soleil sur la plage de Vailala – Skimel

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Et j’ai toujours appréhendé les musées d’un point de vue personnel comme une banque d’« ADN » de spécimens scientifiques et/ou artistiques nous permettant de reproduire des artefacts dont on a oublié les techniques de fabrication. Après, on les intègre ou pas dans le fonctionnement de nos sociétés ou pour enrichir les productions artisanales destinées aux touristes, c’est une question de choix, mais la démarche doit avoir du sens pour nos sociétés : philosophique ou économique, mais du sens !

Mon approche de mon métier ou des activités annexes comme l’écriture a toujours été en quelque sorte à contre-courant. D’ailleurs, je travaille actuellement à la conception d’une exposition mêlant art contemporain océanien et tradition orale à travers la mise en scène des récits orchestrée par un maître de paroles autour d’une œuvre d’art monumentale... C’est en cours d’écriture.

Pourriez-vous parler de l’histoire du tatouage à Wallis-et-Futuna, de sa perception contemporaine, de son importance dans la culture wallisienne et futunienne ? Vous pratiquez la sculpture sur peau.

Quelle est la place de cette pratique culturelle dans la société wallisienne et futunienne ? Pourriez-vous parler de son histoire, de sa relation avec le tatouage ?

Je vous renvoie à l’article que j’ai écrit pour les Presses Universitaires de Rennes « La navigation, un acte identitaire, un acte religieux » et à l’article publié par le Centre for Pacific Island Studies d’Hawai’i « Aga’i Fenua ». J’en parle.

Le tatouage, vous allez me dire que je me répète, mais je me suis lancé dans cette pratique par nécessité voire obligation. Je sais que cela peut paraître prétentieux présenté comme cela, mais vous comprendrez mieux à la lecture de ce qui suit.

Le tatouage n’est plus rituel depuis le début du XXe siècle à Wallis-et-Futuna (Attesté par E. Burrows qui a fait un séjour ethnographique dans l’île en 1931 à ‘Uvea et en 1932 à Futuna. Il n’y a plus de cérémonies de tatouage etc.) comme dans les autres îles d’Océanie (Tahiti, Hawai’i, Nouvelle-Zélande, Tonga etc.) à l’exception des Samoa indépendant ou Occidentales par opposition aux Samoa américaines.

Mais dans les années 1980, un mouvement de renaissance culturelle surgit à Tahiti et dans toute la Polynésie française, Hawai’i, Nouvelle-Zélande à travers la redécouverte des danses, des langues, des chants et notamment du tatouage. Les Tahitiens plongent dans les ouvrages de Von Dei Steinen et Von Krusenstern (des navigateurs russes du XIXe siècle qui accostent les îles Marquises et répertorient tous les tatouages des îles de cet archipel) et se mettent à se les tatouer tout en les modernisant. Wallis-et-Futuna est resté longtemps à l’écart de ce mouvement mais ils ont finalement cédé comme tous les Européens de passage à cette mode. Ils ont

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commencé à la fin des années 1990 à se tatouer des motifs marquisiens. À force de voir de plus en plus mes compatriotes porter ces motifs sur le corps, cela m’a poussé à me lancer dans le tatouage.

Et à Paris, alors que j’étais encore étudiant, j’ai dit aux Wallisiens et Futuniens que je croisais que j’étais un tatoueur et qu’il était honteux et irrespectueux pour nos origines et pour nos cousins des îles Marquises de participer à ce « cambriolage culturel collectif ». Alors que nous avions nos propres graphismes hérités de nos anciens qui ornent les tapa. Je leur ai dit que cela n’était pas sérieux. Certains ont été convaincus et d’autres non et ils m’ont traité de fou en m’affublant du surnom de « Tagaloa » de manière péjorative, car cet illustre dieu comme Maui d’ailleurs est considéré comme un démon, mais moi j’en étais honoré. Quelques années plus tard, un rugbyman de l’équipe des Samoa (mais évoluant dans le championnat néozélandais dans l’équipe des Hurricanes) Lome Fa’atau fait sensation lors de la coupe du monde de rugby de 2003 sur les terrains car il arbore les tatouages samoans. Il est très vite suivi d’autres joueurs comme Ma’a Nonu (centre des All Blacks) ou encore Sonny Bill Williams (star du rugby à XIII et à XV, centre dans l’équipe des All Blacks) qui se font tatouer les bras en déclinant les motifs de tapa. Depuis, les Wallisiens et les Futuniens se tatouent désormais nos graphismes.

C’est un détail pour certains mais c’est important pour moi, c’est crucial car c’est peut-être la forme artistique la plus engagée autant pour celui qui le pratique que pour celui qui le reçoit, car on en sort marqué de manière indélébile. Il n’y avait plus aucun respect pour les Marquisiens mais aussi pour nous-mêmes.

Le tatouage n’a plus aucune fonction rituelle dans les sociétés uvéenne et futunienne, les pères maristes l’ont éradiqué car les maîtres tatoueurs comme les navigateurs ou les maîtres charpentiers constructeurs de pirogue étaient les intermédiaires qui reliaient les individus à leurs dieux pêcheurs d’îles : Tagaloa et Maui.

Je le pratique car je me suis bien rendu compte qu’une société ne pouvait pas longtemps nager à contre courant, et se tenir à l’écart d’un phénomène de mode... C’est comme cela que je me suis mis à tatouer d’abord à l’aiguille, puis à la machine et enfin au peigne et au maillet, à la

« traditionnelle ». Car entre-temps, j’ai rencontré des maîtres tatoueurs samoans à Hawai’i et quelques-uns de leurs apprentis qui sont devenus des maîtres tatoueurs à leur tour comme Keone Nunes (Hawaiien) et Aisea Toetu’u (Tongien de la diaspora d’Hawai’i). Tout phénomène de réveil culturel doit se faire avec la manière pour éviter des positions artificielles qui pour le coup nourrissent le mythe du « bon sauvage » de Rousseau.

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