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Gravure montrant l’église de Mu’a, au sud de Wallis – 1885 Emile Deschamps – Th Weber

Vaimu’a Muliava

86. Gravure montrant l’église de Mu’a, au sud de Wallis – 1885 Emile Deschamps – Th Weber

86. Gravure montrant l’église de Mu’a, au sud de Wallis – 1885 Emile Deschamps – Th Weber

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Si vous prenez Wallis-et-Futuna, la littérature incarnée par Virginie Tafilagi qui écrit mais qui compose également car elle s’inscrit dans la lignée des maîtres de paroles de l’île, celle des Maau (conteurs et compositeurs de chants), il n’y a pas de revendications identitaires, mais de la valorisation de notre culture ‘uvéenne. Et pourtant Wallis-et-Futuna a un régime beaucoup plus autonome que ses voisins français, les chefs de district (Faipule) et les chefs de village (Pule kolo) administrent la population et non pas les maires.

Que pensez-vous, quels sont les principaux malaises auxquels la société wallisienne et futunienne doit faire face ?

Selon moi, les sociétés wallisienne et futunienne souffrent d’endormissement. Elles ont conservé le système de chefferie intacte qui détient encore un certain pouvoir, parce qu’il n’y a pas de développement touristique, ces sociétés pensent être à l’abri de l’acculturation. Mais ce n’est pas vrai, la modernité frappe à leur porte tous les jours dès qu’ils se connectent sur Internet, qu’ils allument leurs postes de télés etc... S’ils ne réagissent pas, ils seront eux-mêmes responsables de leur acculturation.

Prenez l’exemple de deux feux de bois. Vous avez un feu doux avec de faibles flammes et au dessus de ce feu, vous avez une casserole remplie d’eau, vous avez un autre feu ardent avec une plaque de grillade que les flammes lèchent, l’Uvéen et le Futunien ont la main dans la casserole remplie d’eau, la sensation est douce car la main baigne dans une eau légèrement chauffée tandis que le Kanak ou le Tahitien ou encore le Maori ou le Hawaiien ont eu la main calcinée sur la grille.

Les uns ont souffert et se sont réveillés au monde qui les entoure et leur pèlerinage colonial les a amenés à une maturité politique relative qui leur a permis durant des années de se préparer aux défis de demain et de peser sur la politique française en Océanie (Mise en place d’une usine en province Nord de la NC dirigée par les Kanak, financée en grande partie et soutenue par la France, mise en place du financement d’un programme de formation de futurs cadres dans les différents secteurs économiques, politiques, culturels en N.C, Arrêt des essais nucléaires à Tahiti, financement d’une ligne aérienne Air Tahiti Nui etc.).

Les autres n’ont pas souffert et n’ont pas conscience de la réalité du monde moderne, ils pensent être sauvés par leur isolement et par le fait d’avoir sauvegardé les rois et leurs chefferies. Mais qu’en sera-t-il demain ? Aucun programme de développement, ni de pêche, ni de formation des hommes et des femmes etc.… Ils ne sont pas préparés au déferlement de la révolution technologique, au phénomène de la globalisation, il y a trop à en dire…

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D’après vous, est-ce que la pluralité identitaire et l’hybridité linguistique, culturelle sont aptes à lutter contre la violence géographique, symbolique, historique, psychologique de l’héritage colonial (même s’il ne s’agissait pas, à proprement parler, de colonisation, comme c’étaient la reine Amélia et les rois qui ont demandé leur rattachement à la France (1887, 1961, 2003)11 ? Quelles sont les autres stratégies et techniques qui pourront être effectives ? Comment voyez-vous l’état actuel et le futur de la littérature de Wallis-et-Futuna ?

C’est une question qu’il faut poser à un auteur de Wallis-et-Futuna. Je pense qu’il faut déjà qu’elle naisse, qu’elle dépasse les contours de livrets de contes pour enfants pour véritablement traiter des questions du XXIe siècle. En tout cas, celle que j’écris ou que Virginie Tafilagi écrit s’inscrit dans une continuité culturelle et non dans une résurgence culturelle. C’est la raison pour laquelle notre patrimoine oral et linguistique demeure notre source d’inspiration : Pourquoi aller chercher ailleurs ce qu’on trouve à portée d’ouïe et de vue ? Non seulement pour contribuer à la transmission de notre patrimoine mais également pour apporter notre pierre à l’immense édifice de la littérature française comme l’Afrique ou les Antilles l’ont fait.

Parallèlement à la croissance de l’autonomie socio-économique, peut-on observer une croissance de responsabilité de la part des acteurs de la vie culturelle ? Quel est le rôle des écrivains et poètes dans ce processus ?

Si vous pensez écrivains et poètes au sens moderne, ils n’ont pas de place car ils n’existent pas, la seule que je connaisse est Virginie Tafilagi qui tarde à produire son premier recueil parce qu’elle est très exigeante avec elle-même. Elle sait que prendre la parole, c’est un acte lourd de sens et une responsabilité à ne pas prendre à la légère surtout que les maîtres de paroles sont toujours en activité.

Par contre, si vous me parlez des maîtres de paroles (les rois et leurs chefferies), oui ils sont au centre de la vie sociale. Sans eux, nous ne pourrions pas nous définir en tant qu’Uvéens et Futuniens. Ils matérialisent notre identité car ils sont le véhicule des échanges qui nourrissent notre identité. De la même manière, les Maau (dont fait partie Virginie qui, je dirais, est la seule à maîtriser autant la langue uvéenne que la langue française) cristallisent notre identité à un autre niveau car ils nous racontent, ils sont nos historiens, ils sont nos journalistes parce qu’ils composent autant sur des faits passés que sur l’instant.

11 1887 : protectorat, 1961 : statut de territoire d’outre-mer, 2003 : collectivité d’outre-mer.

Cf. Abalain 2007 : 82-87., Laux 2011 : 195-202., Dantonel-Cor 2007 : 55-62., Delannoy 2005 : 149-152.

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Le problème pour nos maîtres de paroles ‒ je parle de la chefferie ‒ est qu’ils ne travaillent pas en complémentarité avec les élus politiques locaux qui siègent à l’assemblée territoriale. Ils sont très souvent en opposition. Il faut rappeler les derniers heurts entre la chefferie du défunt roi Kulimoetoke et même du dernier Faupala avec l’administration française et les élus politiques locaux.

Wallis-et-Futuna n’a pas su exploiter son autonomie, capitaliser l’existence de la chefferie. Toute l’île est un musée vivant qui vit une transformation de l’intérieur, c’est une chance inouïe au XXIe siècle. Et il est dommage que les élus de l’assemblée territoriale ne travaillent pas en bonne intelligence avec le roi d’Uvea et sa chefferie. Les uns réclament plus de modernité et la chefferie ne la veut pas à n’importe quel prix. C’est aussi un conflit de générations. C’est unique car tout cela se fait au sein de la République française, ce n’est pas le cas de la royauté de Tonga par exemple qui a également connu ses périodes difficiles en 2005 (Tonga a été mis à feu par une fraction de Tongiens qui réclamaient plus de démocratie, plus de justice dans leur royaume). C’est aussi un conflit de générations. Les monarchies ou chefferies océaniennes devront rapidement s’adapter...

Le rôle des acteurs traditionnels de la culture doit apprendre à s’affirmer autrement que par des barrages ou la mise en arrêt des institutions publiques. Et pour cela, la chefferie a besoin de conseillers aguerris aux arcanes de la démocratie. J’avais pensé que ce rôle serait rempli par les élus politiques locaux car ils ont un but commun des communautés. Cela n’est pas le cas, ça a l’air plus compliqué que cela.

Je crois que les acteurs culturels doivent à tout prix s’adjoindre les services de conseillers, du moins être bien conseillés et avoir plus de pouvoir, notamment peser sur les questions de développement économique.

Les élus politiques locaux se sont dernièrement illustrés dans les faits divers après qu’une enquête ait mis au jour le détournement de milliards de francs pacifique et démantelé un réseau de politiques véreux de Wallis et de la Nouvelle Calédonie et de chefs d’entreprises qui ont profité de la défiscalisation....

C’est à ce moment que la France doit jouer un rôle d’accompagnement comme il le fait pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française. Je pense que l’État délaisse ‘Uvea mo Futuna qui n’est pas sa priorité, l’archipel est l’oublié des collectivités ultramarines.

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87. La reine de Wallis, Amelia, entourée de sa cour

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