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OBJETS ET SIGNES SUGGÉRANT L’ATTENTE

In document La joie des cours (Pldal 28-31)

En dehors des actes imposés par l’encouragement ou par le découragement du héros, des signes, plus subtils, peuvent également orienter le héros sur son par-cours quasi rituel, en l’attirant vers une aventure qui l’attend. Dans la Deuxième Continuation, toute une série d’objets-signes ont cette fonction69. C’est ainsi que le cor d’ivoire pendu au portail du Château du Cor d’Ivoire n’est pas seulement un objet pour identifier un lieu d’aventure, annoncée à l’avance par un chasseur, mais aussi un signe d’appel, de provocation : Perceval saisit le cor et, accom-plissant ce geste, il provoque aussitôt la réaction du seigneur du château, lequel se prépare sans tarder au combat (v. 19684 sq.). Dans un autre château, c’est un échiquier, au milieu d’un château désert, qui entraîne Perceval dans une série d’aventures (v. 20150 sq.). Dans le Château des Pucelles, une table d’airain et un marteau d’argent l’attendent également dans un château désert. Plus tard, la dame du château lui révèle la fonction de ces objets. Les chevaliers lâches n’osent pas frapper la table : ils peuvent rester au château, mais personne ne viendra les accueillir, tandis que les chevaliers sages et courtois, qui frappent deux ou trois fois, seront richement hébergés (v. 24287 sq.). L’appel à l’aventure apparaît aussi au château désert du géant, où un repas, servi sur une table d’argent, sert d’appât (v. 21707 sq.). Le site du Mont Douloureux est particulièrement bien marqué : un pilier de cuivre doré est entouré par quinze croix de pierre, cinq blanches, cinq vermeilles et cinq azur (v. 31598 sq.). La Demoiselle du Mont Douloureux déclare qu’elle a fait dresser son pavillon près de la montagne pour attendre les che-valiers qui essayeraient d’attacher leur cheval au pilier magique : « Veoir voloie repairier / Les bons chevaliers esleüz » 70. Dans Le Bel Inconnu, le Gué Périlleux est marqué par un écu suspendu à la porte de la loge du gardien. Le signe d’appel

68 Voir Matilda Tomaryn Bruckner, Narrative Invention in Twelfth-Century French Romance. The Convention of Hospitality (1160–1200), Lexington, French Forum Monographs, No 17, 1980.

69 Voir E. Bozoky, « Quêtes entrelacées et itinéraire rituel. (Regard sur la structure de la Deuxième Continuation du Perceval), dans Mélanges Charles Foulon, t. I, Rennes, 1980, p. 49–57.

70 The Second Continuation, v. 31780 sq.

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peut être aussi une vision comme l’arbre illuminé dans les Continuations du Perceval, qui attire le héros à la Chapelle de la Main Noire71.

De même, des sites et des couleurs servent à ordonner l’itinéraire du héros.

Dans la Deuxième Continuation, c’est le blanc qui figure le plus souvent : le cor d’ivoire et le mur blanc du Château du Cor d’Ivoire ; le mulet blanc du frère du Chevalier Vermeil ; le cheval, l’écu et la lance du Chevalier Blanc ; le château blanc de Beaurepaire ; la tente à moitié blanche près de laquelle Perceval retrouve la tête du cerf ; le Cerf Blanc ; la mule blanche sur laquelle Perceval traverse le Pont de verre ; la mule blanche du Petit Chevalier ; les croix blanches du Mont Doulou-reux.

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Dans le roman arthurien, l’itinéraire du héros se déroule « dans un monde spé-cialement créé et agencé pour la mise à l’épreuve du chevalier »72. Il doit se com-porter selon les « règles de conduites » définies par Éliézar Meletinsky pour le conte : « Le principe de la réponse toujours affirmative, stimulant donc l’action, à n’importe quelle provocation définit la structure de tous les actes. Chaque interrogation doit recevoir une réponse, même si cette dernière est nuisible à celui qui répond. Chaque injonction, chaque prescription ou recommandation doit être exécutée […] [tandis que] chaque interdiction doit être violée, stimu-lant ainsi également une action »73.

L’observation des règles de conduite, en obligeant le héros à réagir d’une façon déterminée aux aventures qui l’attendent74, correspond à un « univers sans vides, où chaque élément assure une fonction » et où chaque message peut être perçu « comme un rappel de quelque rite ». Aidé ou empêché, conseillé ou découragé, le héros est constamment guidé dans ses actions. Les obstacles à vaincre, les quêtes matérielles ou spirituelles ont tous un sens, « permettant à un ‘héros’ de progresser vers un état de perfection exemplaire tel que, par là même, sera rétabli l’ordre commun »75. 

À l’époque contemporaine, la condition du « héros » connaît un renversement total, en particulier dans Le Château de Kafka. Ni son intervention ni même sa présence ne sont attendues par la société : au contraire, il se confine de plus

71 Ibid., v. 32070 sq.

72 Erich Auerbach, Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Paris, Gal-limard, p. 146.

73 E. Meletinsky, « Problème de la morphologie historique du conte populaire », Semiotica, 2 (1970), p. 134.

74 Voir E. Bozoky, « Roman arthurien et conte populaire : les règles de conduite et le héros élu », Cahiers de civilisation médiévale, 21 (1978), p. 31–36.

75 Paul Zumthor, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972, p. 361.

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en plus désespérément dans une attente d’appel qui prouverait l’utilité de son existence, alors que des barrières invisibles et absurdes le retiennent dans une situation sans issue. Se battre, braver les interdits ou bénéficier de complicités passagères ne lui sert qu’à atteindre une liberté trompeuse, qui lui donne l’im-pression « qu’il n’était maintenant que trop libre […] il pouvait attendre à l’en-droit interdit aussi longtemps qu’il le voudrait, […] mais – et cette conviction était au moins aussi forte que l’autre – rien n’était plus si dépourvu de sens ni si désespéré que cette liberté, cette attente et cette intangibilité »76. 

76 Franz Kafka, Le Château, Paris, Gallimard (coll. Folio), p. 158.

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