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LE FAUCON LANIER DANS FIERABRAS

In document La joie des cours (Pldal 116-119)

Dans Fierabras6, on rencontre d’abord « de grifons esragier »7 puis « .I. lienier ».

L’épisode de songe se trouve à la fin du récit, l’empereur prévoit qu’il ira en guerre contre les Sarrasins dans trois ans. Naîmes, en interprétant le sens du rêve, avertit son seigneur que l’un de ses barons va causer la perte de l’armée française à Roncevaux.

L’emperere se dort ens ou palais plenier, Et a songié .I. songe mirabillous et fier, Que à Ais la Capele se devoit haubergier.

De la tere d’Espaigne ot une vois hucier, Que il alast la tere et le païs aidier, Et de paiene gent nostre Signeur vengier.

Tout le monde véoit de grifons esragier ; De sa gent li faisoient mervilleus encombrier : A .I. seul jour en furent mort plus de .xxm.

En sa court à Paris avoit : .I. lienier

[Qui li voloit] du ventre tous les boiaus sacier ; N’avoit baron en France qui l’osast aprocier.

Pour le songe se print Karles à esvillier,

De Damediu de glore se prinst à sinier. (v. 6124–6156.)

Le faucon lanier ici présent attaque furieusement Charlemagne. Dans le diction-naire de Godefroy il se retrouve sous sept orthographes différentes8. En premier lieu, il est défini en tant qu’ « oiseau de proie, espece de faucin dégénérée »9.

Bru-6 Auguste Kroeber, Marie Joseph Servois Gustave, Les anciens poètes de la France, Fierabras, Paris, F.

Vieweg Libraire-Éditeur, 1860, p. 186.

7 C’est l’armée sarrasine qui prend cette forme.

8 «lanier, lannier, laner, lenier, lenyer, lainier, lasnier » ; Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du ixe au xve siècle, Édition de Paris, 1881, p. 718.

9 Idem.

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net Latin dans son Livre du Trésor rapporte que « Faucon sont de .VII. ligniees »10 et chacun est chargé des natures biens différentes, ainsi leur fonction dans des textes littéraires se diversifient.

La représentation du faucon lanier est toujours défavorable, il apparaît en tant qu’antonyme du faucon gentil. En premier lieu, la différence se manifeste dans l’apparence : « qu’il a le bec et les pieds bleuz, et les plumes de devant meslees de noir avec le blanc, non pas traversees, comme au faucon, mais de taches droictes le long des plumes »11. Le faucon gentil est vu comme un rapace apprivoisé pour la chasse avec l’autour et l’épervier. On le rencontre dans bon nombre de romans et lais d’inspiration courtoise. Il y apparaît souvent en tant que signe de mode de vie noble. Les seigneurs et les demoiselles apparaissent souvent munis d’un oiseau rapace. « Le port d’un oiseau rapace est un signe de différenciation sociale »12.

Le lanier est le premier entre les sept espèces de faucon : «Faucon sont de .VII.

ligniees dont la premiere est faucon lainiers »13. Il est toujours objet de compa-raisons dépréciatives14. L’adjectif lanier en ancien français a un sens péjoratif : il représente les défauts humains de sens moral et de sens physiques. Il signi-fie « lâche » ou « couard » selon le dictionnaire de Godefroy. D. Evans, dans son analyse lexicologique et littéraire sur lanier le qualifie (de même que Godefroy) en tant qu’oiseau dégénéré15. Cette acception morale s’efface dans les traités de fauconnerie. Il y connaît une existence différente, ces descriptions le qualifient volontiers de vilain16 de même que chez Latini : « faucon lainiers, qui est autressi comme vilains entre les autres »17 parce qu’il cherche les adversaires qui sont plus faibles que lui. « Le lannier est proprement sur les champs : il est mol et sans courage, il volle de faim et de nécessité »18. Le faucon y est représenté par ses défauts physiques comme faible, paresseux, lent19.

10 Brunet Latin, Livre du Trésor, Paris, Chabaille, 1863, p. 202.

11 Pierre Belon, « L’ histoire de la Nature des oyseaux », 2. xxII, in : Frédéric Godefroy, op.cit., p. 718.

12 Baudouin Van Den Abeele, La fauconnerie dans les lettres françaises du xiie au xive siècle, Leuven, Leuven University Press (Medievalia Lovaniensia. Series I. Studia, 18), 1990, p. 250.

13 Brunet Latin, op.cit., p. 202.

14 Dafydd Evans, Lanier. Histoire d’un mot, Genève, Librairie Droz, 1967. (Publications romanes et françaises, xCIII.)

15 Baudouin Van Den Abeele, op. cit., p. 197.

16 Olivier Linder, Un monde d’oiseux de proie, in « Déduits d’oiseaux au Moyen Age », éd. Chantal

Connochie-Bourgne, Aix-en-Provence, Publications de L’ Université de Provence (« Senefiance » 54) 2009, p. 182.

17 Brunet Latin, op. cit., p. 202.

18 Pierre Harmont, Miroir de la fauconnerie, à la suite de la Venerie du Fouilloux, Rouen, Clément Malassis, 1650, p. 17.

19 Baudouin Van Den Abeele, op.cit., p. 199.

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À partir du xiiie siècle les textes littéraires mettent l’accent plutôt sur sa fai-blesse physique à cause de sa petite taille et de sa nature paresseuse20. En effet, on verra que nos textes (qui se datent avant le xiiie siècle) n’adoptent pas cette valorisation cynégétique et leur image est conforme à celle de la description de Godefroy. Là, on ne trouve aucun renseignement sur la petite taille, ou sur la nature paresseuse. Dans Fierabras, notre rapace s’empresse à s’élancer vers sa proie, Charlemagne, qui est plus fort que celui-ci.

L’auteur donne des renseignements exacts concernant les origines de ce lanier : il est sans doute un des gens de l’empereur, quelqu’un parmi ses barons qui résident « En sa court à Paris ». Le personnage symbolisé par ce rapace va s’opposer à son seigneur parce qu’il attaque le ventre de celui-ci et cherche à lui arracher les boyaux du ventre. Une image assez frappante et sanglante renvoie à l’oiseau. Si on veut dessiner une image détaillée de celui-ci, il faut parcourir la signification symbolique du ventre qui est en relation étroite avec notre animal.

Le ventre est le symbole de la mère, analogue à la caverne, un refuge, et assure la protection21. Charlemagne agit de tout temps en tant que souverain protec-teur. C’est la fonction de l’empereur en face de ses barons. On déduit que cet oiseau attaque un personnage qui lui assurait la protection, alors cet oiseau est parmi les barons de Charlemagne. Ce rapace de mauvaise nature qui fait face à son seigneur n’est autre que Ganelon. Parce qu’au lieu de se consacrer à son sei-gneur et servir l’intérêt général, il prépare la vengeance privée contre Roland et trahit ainsi sa patrie. Le crime de Ganelon est avant tout un crime contre l’ordre féodal représenté par l’empereur. Ganelon pense surtout à lui. Le fond de son personnage coïncide avec celui du lanier.

Une autre source qui est née quelques siècles plus tard, nous conduit à une explication plus complète pour comprendre d’où vient l’agressivité de notre oiseau. Aubert explique dans son dictionnaire l’origine du nom lanier de la façon suivante : « Mais il y a le petit Lanier qu’ALBIN nomme le Lanier François…

Cet oiseau tire son nom de Laniarius, du mot laniare, qui veut dire déchirer »22.

Cet espèce de faucon est déjà prédestiné à être agressif par sa dénomination qui signifie enlever quelque chose de force. Ce n’est sûrement pas l’œuvre du hasard que l’auteur a représenté cet oiseau en relation avec l’acte d’arracher.

20 Idem.

21 Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, Paris, Robert Laffont et Éditions Jupiter, 1991, p. 998.

22 François-Alexandre De la Chenaye-Aubert, Dictionnaire raisonné universel des animaux, ou le règne animal, consistant en quadrupèdes, cétacés, oiseaux, reptiles, poissons, insectes, vers, etc., Volume 2, Paris, C.-J.-B. Bauche, 1759, p. 598.

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ROLAND À SARAGOSSE – UN FAUCON

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