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La falsification des francs

In document Aurélien Sauvageot (Pldal 122-140)

M. de Carbonnel venait d’être muté et remplacé par M. Clinchant quand éclata un scandale qui fit beaucoup de bruit et quelques victimes.

Un dénommé Jankovich, pourvu d’un ordre de mission, était venu apporter le courrier diplomatique hongrois au ministre plénipoten-tiaire de Hongrie à La Haye, qui s’appelait Förster. À peine arrivé, il était allé changer des billets de mille francs français dans l’une des grandes banques de la ville. L’employé auquel il s’était adressé, après avoir examiné les billets qu’il avait tout de suite reconnus faux, avait demandé un instant de patience à ce client suspect et était allé dans le bureau de son directeur qui avait aussitôt alerté la police. Quelques instants plus tard, Jankovich était sous les verrous et la police néer-landaise enquêtait.

Le ministre de Hongrie auprès de Sa Gracieuse Majesté la reine de Hollande commença par ne rien comprendre à l’affaire. En bon diplo-mate, il en référa à son « département » en envoyant une dépêche dûment chiffré (que le service de contre-espionnage néerlandais avait su intercepter et décrypter), où il signalait l’incident et demandait des explications. Il les reçut aussitôt sous la forme d’une brève dépêche chiffrée aussi, et décryptée également, dont le texte était Pénzváltás kétségtelenül jóhiszemű. Küldetés fennáll. Ce qui fut traduit par

« Change de bonne foi, sans aucun doute. Mission vérifiée ». Ce télé-gramme allait quelque temps après être cause d’un autre incident.

L’opération Jankovich s’ébruita. Elle avait été montée par un groupe de « patriotes » hongrois exacerbés. Ils n’avaient rien ima-giné de mieux, pour se venger de la France, coupable principale du Traité de Trianon, que de ruiner son crédit en inondant l’Europe de faux billets de la Banque de France. Par la même occasion, ils escomptaient qu’ils se procureraient des ressources pour financer et monter une opération de commando dans la bande du territoire de l’ancienne Hongrie qui avait été cédée à l’Autriche et avait été appe-lée Burgenland. On découvrit que les billets, si mal imités, avaient été imprimés à l’Institut de Cartographie dont le directeur n’était personne d’autre que le comte Pál Teleki, ancien premier ministre, qui avait été chargé par le Tribunal International de La Haye d’arbi-trer le litige mettant aux prises la France et la Grande-Bretagne dans l’affaire des champs de pétrole de Mossoul. Il s’était d’ailleurs prononcé en faveur de la France, ce qui l’avait rendu sympathique au Quai d’Orsay où l’on avait un faible pour les personnages titrés, surtout quand il s’agissait de titres authentiques, denrée rare dans le personnel français de l’époque.

Ce n’était pas tout, le préfet de police en personne, un certain Nádosy, était également mêlé très intimement à cette façon de com-plot et il en était de même, naturellement, des techniciens de l’Insti-tut de Cartographie, notamment leur chef qui s’appelait Gerő, sans parler de quelques autres dont le prince Windischgrätz.

Les choses ne pouvaient être étouffées. La presse française pu-blia des articles indignés. Celle des pays successeurs renchérissait.

La Banque de France avait intenté une action devant la justice

« royale » hongroise et dépêché sur place, c’est-à-dire à Budapest, toute une délégation d’experts à la tête desquels figurait un certain Collard-Hostingue, inspecteur général, qui fit l’effet le plus pitoyable par la négligence de sa tenue vestimentaire et par la médiocrité de sa personne passablement vulgaire et dont les incongruités exaspérèrent le ministre Clinchant. Le parlement croupion dont s’enorgueillissait le régime eut à débattre l’affaire et le gouvernement dut répondre aux interpellations des sociaux-démocrates et de ce qu’on appelait le parti Kossuth, sorte de parti national anti-Habsbourg qui se vantait d’être républicain et libéral. Des propos vifs furent échangés entre le gouvernement, c’est-à-dire le comte Bethlen et l’opposition quand s’ouvrit le procès dont le déroulement fut marqué par de nombreux incidents, notamment quand le président Töreky, interrogeant Gerő et ses collaborateurs, qui étaient coupables d’avoir fabriqué les faux, les admonesta d’abord en leur intimant d’avoir à dire la vérité, en bons Hongrois qu’ils étaient. On ne pouvait se moquer du monde avec plus de désinvolture et le ministre de France publia un commu-niqué où il accusait Töreky de forfaiture pour avoir tenté de suborner les témoins. À un moment, on se demanda du côté français s’il ne fallait pas tout simplement rompre les relations diplomatiques. C’est alors que le Ministère Hongrois des Affaires Étrangères eut l’idée de publier le texte des dépêches échangées entre lui et son représentant aux Pays-Bas. Le ministère hongrois en donnait la traduction fran-çaise reproduite plus haut qui était selon ses traducteurs officiels

« Change de bonne foi, sans aucun doute. Mission vérifiée. » À la lec-ture de ce texte, Clinchant bondit. Ce fils de général était un homme énergique, peu cultivé, mais de bon sens et qui avait plus de cran que la plupart de ses collègues de l’époque. Il estima inadmissible que le ministère hongrois eût « vérifié » la mission étrange confiée à Jankovich et il en déduisit que le gouvernement hongrois endossait de ce fait la responsabilité de cette agression contre la France. Mais, sous l’effet de je ne sais quel réflexe, il me convoqua par téléphone à 8 heures du soir et me demanda comment je traduirais le texte original. Je lui fis remarquer que la traduction qui avait été publiée

ne répondait pas à la signification exacte du texte incriminé. Il fallait lire en français : « Change sans nul doute de bonne foi. Il y a bien eu mission. » La « vérification » avait consisté à chercher dans le bordereau une trace du document fourni à Jankovich, mais elle ne concernait pas la nature secrète de la dite « mission ». Clinchant sai-sit aussai-sitôt le ministre Walkó de cette divergence entre la traduction fournie par ses services et celle que lui donnaient les siens. Ce qui était prévisible arriva. Le service de traduction hongrois persista dans son interprétation sans se rendre compte qu’il aggravait le cas de son ministre et le compromettait. Clinchant me rappela et je m’expli-quai avec lui. Ma situation était difficile, car j’étais étranger, mais d’un autre côté je savais le français et je sortais d’une grande école dont la renommée n’était plus à faire. La question restait de savoir si je savais assez de hongrois. Je priai alors le professeur Alexandre Eckhardt d’intervenir. Il n’hésita pas à me donner raison et fustigea par la même occasion l’ignorance des auteurs de l’autre traduction, ce qui était très courageux de sa part. Dans l’intervalle, Clinchant avait brusqué les choses et déclaré que si le gouvernement hongrois estimait que sa version était juste, il ne lui resterait plus qu’à faire ses bagages, car il ne voyait pas comment il pourrait entretenir des rela-tions avec un organisme aussi gravement compromis dans l’affaire.

Je fus alors convoqué au ministère hongrois et reçu par le ministre en personne. Je lui expliquai pourquoi j’avais traduit autrement le texte de la fameuse dépêche. Il se rendit à mes raisons, me félicita d’avoir si bien appris sa langue maternelle et, après s’être excusé, ajouta :

« Vous savez, quand une administration s’est mis quelque chose dans la tête, elle préfère que le monde s’écroule plutôt que de reconnaître qu’elle s’est trompée. » Les fauteurs de la traduction (ils étaient deux) en furent pour leur courte honte. Tous les indices tendaient à démon-trer que la diplomatie hongroise avait été elle-même trompée. Le dé-nommé Jankovich passait pour un patriote éprouvé qui s’était bien battu pendant la guerre et qui avait de hautes personnalités dans ses relations. On croyait simplement lui avoir accordé une petite faveur en lui faisant faire aux frais de l’État un petit voyage à l’étranger, un de ces voyages dont ont toujours raffolé les Hongrois et qui les

attirent encore maintenant. La chose s’expliquait dans ce régime de copinage et de corruption.

La conséquence de ce scandale ne fut pas de nature à réchauffer les relations entre les deux pays. Pour moi, il fut une révélation fort instructive. Je découvrais l’un des visages du régime. Plus tard, en y réfléchissant, j’y vis aussi une manifestation malsaine du patrio-tisme hongrois, tel qu’il était perverti par une idéologie absurde.

Il n’en demeurait pas moins que la nation hongroise, en tant que telle, ne parvenait pas à surmonter sa défaite. Je le comprenais d’autant mieux que, durant toute mon enfance, notre propre défaite, celle de 1870-1871, avait constamment hanté mon esprit. La France non plus ne s’était jamais résignée à subir les effets du Traité de Francfort.

Les hommes qui étaient partis en août 1914 affronter l’envahisseur n’avaient que Metz et Strasbourg en tête, prêts à aller jusqu’à Berlin s’il le fallait, et s’ils le pouvaient. Et pourtant, la France de 1914 passait encore pour être une grande puissance. Elle s’était conquis un vaste empire colonial. Ses trois couleurs flottaient fièrement partout où elle faisait régner sa loi. Cela aussi, je l’avais éprouvé. Le cas de la Hongrie n’était pas aussi enviable, loin de là. Elle s’était crue puis-sante et elle était tombée d’une chute dont elle craignait, non sans raison, ne plus jamais pouvoir se relever. Je savais ce que cela pouvait signifier pour les individus comme pour la multitude.

Ce qui demeurait, c’était que cette tentative de falsification des bil-lets de la Banque de France ne pouvait apparaître comme une sinistre bouffonnerie. Où avaient-ils donc la tête tous ces hommes qui avaient pu croire un seul instant qu’avec une poignée de faux billets, ils pour-raient porter tort à une nation telle que la France ? Ne leur était-il pas venu à l’esprit qu’ils risquaient de se rendre à la fois odieux et ridicules ? Et que par là ils nuiraient à cette patrie qu’ils prétendaient vouloir restaurer dans sa splendeur passée ? Qu’y avait-il de glorieux dans cette minable entreprise dans laquelle avait pu se fourvoyer un préfet de police ?

On ne pouvait que frémir à la pensée des folies que ces gens se-raient capables de commettre s’ils venaient un jour à se trouver de-vant une situation vraiment dramatique. Ce qui m’avait littéralement

commotionné dans cette affaire, c’était un total irréalisme. Vraiment, ils n’avaient pas l’air de comprendre quoi que ce soit à la redoutable réalité qui les entourait. Malheureuse Hongrie d’être tombée sous le pouvoir de tous ces irresponsables ! Un seul d’entre eux avait eu un sursaut de dignité et il avait publiquement battu sa coulpe. C’était le préfet Nádosy dont la confession publique avait malgré tout quelque chose d’émouvant et d’effrayant à la fois. Hélas, bien des années plus tard, des militaires français de haut rang n’allaient pas commettre à leur tour moins de folies. Avec cette différence qu’aucun n’allait re-connaître son erreur. Eux aussi, le patriotisme égaré les avait inspirés.

En prospection

Intéressée par ma tentative de saisir sur le vif la vie hongroise, Jô me ménagea un soir une entrevue avec l’un de ses anciens élèves qui, à ses yeux, pouvait passer pour un échantillon assez représentatif de la dzsentri. C’était un « fils de famille » qui avait fait d’assez bonnes études, avait acquis une remarquable maîtrise du français et montrait un très vif intérêt pour les problèmes généraux. Elle m’avait d’ailleurs averti « qu’ils n’étaient pas tous comme ça ». Il avait un frère de quelques années plus jeune que lui, d’un physique plus avan-tageux, passablement instruit lui aussi, mais qui se souciait assez peu de ce qui ne touchait pas à sa personne. Jô semblait avoir un faible pour ce dernier qu’elle traitait un peu maternellement. Ce cadet faisait davantage d’élégances, se révélait plus superficiel et montrait des signes assez inquiétants de nervosité. C’est ainsi que son premier geste, une fois entré dans le petit salon ou boudoir de la maîtresse de maison, avait été d’arrêter la pendulette posée sur un guéridon sous le prétexte que son tic-tac le rendait nerveux. Si j’expédie ainsi le personnage, c’est qu’il était oiseux de chercher à le faire parler d’autre chose que de futilités mondaines. L’aîné était d’une autre trempe. Nous mîmes tout de suite les choses au net. Il était Hongrois, faisait partie d’une classe qui revendiquait une place de choix dans la nation ; il s’enorgueillissait d’être le descendant d’une longue lignée d’hommes qui avaient fait l’histoire de son pays, mais il se disait aussi

homme de son temps, se prétendait exempt de préjugés et croyait être à la fois tolérant et « objectif ». Il m’exposa ses vues et je l’écou-tai avec la plus grande attention. Ce qui m’imporl’écou-tait n’él’écou-tait pas de discuter des mérites respectifs des divers types de sociétés, mais de savoir comment réagissait ce hobereau hongrois de mon temps.

Socialement, il se situait dans cette classe qui avait effectivement joué en son temps un rôle important dans la société et dans l’État. Mais elle s’était appauvrie et ses fils ne trouvaient toujours pas d’autres débouchés que le service de cet État, lui-même ruiné par la défaite de 1918. Les deux frères dont il est question avaient perdu leur père et leur mère, ne disposaient plus que de ressources très modestes et d’une propriété à Csopak sur le lac Balaton, cette mer hongroise qui est une des fiertés du pays. On y récoltait du vin, qu’on me fit goûter et qui était excellent. Cela dit, Sándor, l’aîné, m’exposa la situation telle qu’il la voyait. Il estimait que l’aristocratie ne gouvernait plus qu’à moitié le pays. Elle s’appuyait sur le grand capital, car c’était ce dernier qui soutenait l’activité industrielle. Le temps n’était plus où la propriété foncière s’était fortement endettée et elle se trouvait de ce fait dans la dépendance des grandes banques. Les hommes d’affaires qui tenaient en main la banque et l’industrie formaient une sorte de contre-pouvoir dont on ne pouvait pas ne pas tenir compte.

Autrefois, l’aristocratie s’était contentée de s’appuyer sur la noblesse moyenne et aussi sur les petits nobles. Les efforts de modernisation du pays avaient été dus d’abord aux initiatives prises soit par l’aris-tocratie soit par la moyenne noblesse, surtout avant 1848. Il me men-tionna les noms du comte Étienne Széchenyi89 et de tant d’autres ;

89 István Széchenyi, comte (1791-1860), homme d’État et écrivain politique, pion-nier et phare du mouvement réformateur en Hongrie. (Son père, le comte Ferenc Széchényi, fut le fondateur de la bibliothèque qui porte aujourd’hui son nom ; sa mère, la comtesse Júlia Festetics, était la sœur de György Festetics à qui on doit la fondation de la Georgikon, l’école de l’agriculture de Keszthely.) En 1825, il contribua à la création de l’Académie des Sciences de Hongrie, en donnant l’équi-valent de ses revenus d’une année. C’est à son nom que s’attache la construction du premier pont permanent reliant Pest à Buda, le pont István Széchenyi ou Pont des Chaînes.

il me rappela que Kossuth90, l’homme de 48, était un membre écouté de la noblesse moyenne, etc., qui avait voulu libérer les serfs, procla-mer la liberté d’expression et d’autres choses encore. C’était toujours cette caste à laquelle il se glorifiait d’appartenir. Selon lui tout s’était gâté lorsque la roture, une fois enrichie, avait voulu diriger le pays.

La noblesse avait le sens de l’honneur, de la responsabilité, du sacri-fice pour le bien commun, alors que les capitalistes, grands et petits, ne connaissaient qu’une valeur : l’argent. À ce propos, il me rappela l’adage français : « Noblesse oblige ». Le vrai patriotisme, c’était eux, les représentants de la noblesse, qui savaient le pratiquer.

L’ayant laissé parler jusqu’à sa péroraison, je lui posai cette ques-tion : « Pourriez-vous me dire ce qu’il en est aujourd’hui ? Que comp-tez-vous faire maintenant ? »

Mes questions l’embarrassèrent un instant, mais il se reprit et m’exposa qu’il convenait d’abord de consolider la situation intérieure.

On allait développer l’industrie, moderniser l’agriculture, asseoir plus solidement le nouveau régime afin d’être en mesure de reprendre place dans le concert des nations européennes. Rien de tout cela ne pouvait être obtenu sans sacrifice, ni surtout sans discipline, et seul un pouvoir fort, voire autoritaire, pouvait mener à bien pareille tâche. Il m’exposa que les forces « destructives » avaient été vain-cues, mais non détruites totalement. Désormais, elles agissaient dans ce qu’il appelait l’illégalité. C’était la première fois que j’entendais appliquer le terme « illégalité » dans un cas de ce genre. Dans sa bouche, cela n’avait rien de choquant, puisqu’il reconnaissait la loi du régime qui gouvernait son pays, mais plus tard j’entendis souvent parler de l’action « illégale » des communistes, des francs-maçons, etc. J’avais de la peine à comprendre que des militants communistes opérant dans la clandestinité puissent se représenter que le pouvoir contre lequel ils s’insurgent incarnerait la loi ! Sándor A. était donc

90 Lajos Kossuth (1802-1894), homme politique, publiciste, une des grandes person-nalités historiques de la Hongrie du XIXe siècle. Responsable des finances dans le gouvernement de 1848 dirigé par Batthyány. En 1849, après la défaite suite à l’inter-vention de l’armée du tsar, en août, il quitta le pays et vécut en exil. Jusqu’au bout, il demeura opposé au « Compromis » avec l’Autriche.

au fait que des forces hostiles existaient dans la société hongroise où il vivait et qu’elles feraient tout pour mettre fin à l’état de choses que nous constations. Il estimait que leur succès serait la fin de tout et que la Hongrie tomberait alors dans un chaos dont elle ne pourrait être tirée que par un pouvoir communiste. Il répéta plusieurs fois de suite : « C’est nous ou les communistes ». Pour rendre plus explicite sa pensée, il se mit à analyser les facteurs qui pouvaient agir dans tel sens ou tel autre. Pour la consolidation, il y avait naturellement la noblesse, relativement nombreuse, mais qui était pour l’État un appui en même temps qu’une charge, puisque c’était elle qui fournissait la plus grande partie des cadres de l’administration. L’aristocratie se révélerait peu efficace, car elle n’était pas assez nombreuse et elle était incapable d’agir sur les masses. Ensuite, il y avait les églises, à commencer par la catholique, encore que certains ecclésiastiques paraissaient peu « orthodoxes » en matière de politique. Il précisa même que la plupart des rabbins ne voyaient pas d’un bon œil un changement éventuel du régime et cela en dépit de l’antisémitisme du pouvoir. C’est qu’une subversion engloutirait toute la bourgeoisie juive, riche et puissante, qui finançait les œuvres juives. Les petits et surtout les moyens propriétaires terriens n’iraient pas jusqu’à tout mettre à bas, de peur d’un inévitable partage des terres. L’artisanat,

au fait que des forces hostiles existaient dans la société hongroise où il vivait et qu’elles feraient tout pour mettre fin à l’état de choses que nous constations. Il estimait que leur succès serait la fin de tout et que la Hongrie tomberait alors dans un chaos dont elle ne pourrait être tirée que par un pouvoir communiste. Il répéta plusieurs fois de suite : « C’est nous ou les communistes ». Pour rendre plus explicite sa pensée, il se mit à analyser les facteurs qui pouvaient agir dans tel sens ou tel autre. Pour la consolidation, il y avait naturellement la noblesse, relativement nombreuse, mais qui était pour l’État un appui en même temps qu’une charge, puisque c’était elle qui fournissait la plus grande partie des cadres de l’administration. L’aristocratie se révélerait peu efficace, car elle n’était pas assez nombreuse et elle était incapable d’agir sur les masses. Ensuite, il y avait les églises, à commencer par la catholique, encore que certains ecclésiastiques paraissaient peu « orthodoxes » en matière de politique. Il précisa même que la plupart des rabbins ne voyaient pas d’un bon œil un changement éventuel du régime et cela en dépit de l’antisémitisme du pouvoir. C’est qu’une subversion engloutirait toute la bourgeoisie juive, riche et puissante, qui finançait les œuvres juives. Les petits et surtout les moyens propriétaires terriens n’iraient pas jusqu’à tout mettre à bas, de peur d’un inévitable partage des terres. L’artisanat,

In document Aurélien Sauvageot (Pldal 122-140)