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De quelques conclusions démographique et historiques

5. Quelques enseignements 130

5.5. De quelques conclusions démographique et historiques

Deux conclusions découlent de ces constatations. La première est démographique.

Nous avons vu que d’après les recensements de 1985 au Laos, il y avait 70.382 Mankong et 20.902 Tri («Chli»)98. Les Sô, nous les avons retrouvés chez Chamberlain (1996) selon lequel leur nombre (estimé en 1992) dépasserait 30.000.

Au Vietnam, d’après le recensement de 1989, il existerait 40.132 Vân Kiêu. Au total, Brou et Sô compris, le chiffre s’élève à 161.000 âmes. Comme contrôle, nous rappelons les estimations faites par Bradley il y a quinze ans (in Wurm et Shorto, 1981). Selon celui-ci, la population des quatre sous-groupes Brou (Vân Kiêu, Tri, Mangkong, Khua) atteindrait 87.000 âmes, et celle des Sô 130.000, soit au total 217.000 personnes. Quoique la différence soit importante, le résultat qui en découle est semblable99: les Brou/Sô sont une des populations les plus importantes au point de vue démographique de la Cordillère Annamitique100.

97 Tout ceci est confirmé également par l’étymologie de l’ethnonyme Sô. Comme nous l’avons vu plus haut (page 143: notes inédites de Ferlus, 1974), c’est un ancien exonyme Lao, devenu plus ou moins autonyme dans les plaines.

98 Pour les Mangkong et les Tri, voir UNESCO, 1996: «Population de la RDP Lao par groupes ethniques»; pour les Sô, voir Chamberlain, 1995/II:180; pour les Vân Kiêu, voir

«Les ethnies minoritaires de Vietnam», 1993:84.

99 Les différences sont faciles à expliquer d’une part à partir des recensements peu fiables, sous-estimant intentionnellement la réalité; d’autre part par le fait que les estimations ne sont, par définition, jamais vraiment sures. La vérité doit être quelque part à mi-chemin entre les deux données.

100 D’après Les ethnies minoritaires du Vietnam, fondé sur des recensements de 1989, le

La deuxième concerne le territoire habité par les Sô/Brou. Si on jette un coup d’oeil sur les cartes ethnolinguistiques, il apparaît immédiatement que les Sô/

Brou habitent une région continue entre le Mékong et le littoral, des deux côtés de la Cordillère Annamitique, et occupent tout ce territoire, abstraction faite d’une zone étroite de 30-40 kms d’une part dans la vallée du Mékong, d’autre part sur le littoral. Au nord, ils habitent jusqu’à Nhommarat, ou même à Thakhek, au sud, quelque part au dessous de la route N° 9. C’est-à-dire, qu’ils habitent toute la vallée moyenne du Mékong, et ils sont dans une position centrale du point de vue tant géographique que démographique.

Deux questions se posent tout de suite. Quel rôle ont eu les Sô/Brou dans l’histoire, et comment est-il possible que cette population n’ait pas attiré l’attention des chercheurs? En ce qui concerne la deuxième question, nous avons essayé de donner une réponse plus haut. Concernant la première, selon nos connaissances, c’était Haudricourt qui a constaté le premier que «l’aire actuelle des langues So-kuy recouvre l’ancien territoire du Tchen-la... Doit-on attribuer au Tchen-la, l’expansion de la langue So jusqu’à la mer, au sud du binh et au Quang-nam?» (1966:138). Puis, se référant au cycle des douze animaux d’origine chinoise que les Khmer avaient emprunté aux langues «Poong-Mương - Vietnamien»101, il revient à la même question pour constater: «On doit supposer qu’il a existé entre Paksane et Thakhek un état civilisé capable de traduire les noms du cycle duodénaire empruntés au chinois et de la transmettre au khmer. S’agit-il du Tchen-la ou d’un état plus ancien?» (1966:138).

Nous avons vu plus haut que plusieurs de nos auteurs passés en revue (Valentin, Malpuech, Damprun etc.) ont également soulevé la question d’un (ou de plusieurs) ancien(s) empire(s) avec le(s)quel(s) les Brou (et Phu Tai etc.) auraient été en rapport dans leur histoire. Toutefois, en ce qui concerne l’identification dans le temps et dans l’espace de ces entités, ils ont été très vagues et contradictoires.

Valentin par exemple l’identifia d’abord à l’empire non-localisé d’Ai Lao qui aurait subsisté selon lui pendant 1300 ans, du Vème au XVIIIème siècles, pour arriver finalement à la conclusion suivante: «Ce royaume n’était il pas celui de Viên tiane ou l’un des autres qui, situés dans la vallée du Mékong, furent si florissants?».

Faute de données historiques, il est difficile de se prononcer sur l’histoire médiévale et moderne de cette région. Nous ne sommes donc pas en mesure de répondre à la question posée par Valentin et d’autres.

nombre des Jörai s’élèverait à 242.000, celui des Mnong à 67.000, celui des Hre à 94.000, ce-lui des Bahnar à 137.000 âmes (voir Dang Nghiem Van, Chu Thai Son, Luu Hung, 1993).

Selon les estimations de Bradley quinze ans plus tôt (in: Wurm et Shorto, 1981), les mê-mes populations présentent des chiffres un peu différents, mais grosso modo identiques:

Jörai 200.000 âmes, Mnong 186.000, Hre 100.000 et Bahnar 85.000.

101 En fait, comme on le sait par une nouvelle publication de Ferlus (1989-1990), il s’agit du vietnamien ancien de l’époque des Tang.

Le problème du Tchen-la cependant mérite de retenir notre attention pour une circonstance particulière. Ce nom, désignant alors la vallée du Moyen Mékong, apparaît dans les annales chinoise à partir du VIIème siècle. La fondation de l’empire du Tchen La (de terre), en contact avec la Chine par l’ancien Vietnam alors sous domination chinoise, date des années 705-706. Or singulièrement, au VIIIème siècle, la Nouvelle Histoire des Tang désigne ce même Tchen La (de terre) également par un autre nom : 婆鏤 Po Lou/Bo Lou (Hoshino, 1986:25)102! Faut-il le dire, ce Po lou/ Bo lou n’est pas autre chose que la transcription chinoise de Brou et qu’il s’agit par conséquent de la première mention de cet ethnonyme.

Si cela est vrai, et nous le croyons, plusieurs conséquences s’en suivent. Tout d’abord, la population de ce royaume devait être majoritairement de langue Brou/

Sô pour pouvoir donner son nom à l’entité politique fréquentée par les Chinois.

Deuxièmement, contrairement à la situation d’aujourd’hui, la population Brou/Sô devait habiter plus à l’ouest et à une altitude plus basse qu’aujourd’hui. Autrement dit, à cette époque, les Brou/Sô étaient des habitants des plaines et leur poussée vers les montagnes serait un phénomène plus récent qui avait du se produire après l’arrivée, vers le XIVème siècle, d’abord des Lao dans la vallée du Mékong, puis plus tard des Phu Tai.

Tout ceci confirme l’hypothèse de Ferlus qui, en parlant du berceau linguistique des langues bahnariques, arrive à la conclusion que l’»on peut...déduire leur ancienne localisation par une translation imaginaire vers l’Ouest des limites nord et sud de leur répartition actuelle» (1989-90:58). Ce qui vaut pour les langues bahnariques, vaut également pour les langues katouiques, avec la différence mineure que ces langues sont encore aujourd’hui situées en majorité sur le versant occidental de la Cordillère, et donc restées plus près de leur berceau originaire. Ce dernier est situé par ailleurs par Ferlus sur le Moyen Mékong où «il s’est.... individualisé au sein de la branche restée sur place» (Ferlus, 1996:21).

Toujours selon Ferlus (1996:21), la propagation des langues en Asie du Sud-Est «semble obéir à un schéma assez régulier. Dans cette région...., les langues se propagent des populations sédentaires des plaines vers les populations des montagnes; c’est-à-dire, des régions culturellement dominantes vers les régions habitées par ces petits groupes naturellement moins évolués et donc plus influençables». D’après tout ce qui vient d’être dit, le cas des Brou/Sô dont la langue (mais probablement aussi la population) s’était répandue des plaines, de l’empire Tchen-la vers les montagnes, est un exemple flagrant de ce processus.

Le but de cet essai ne peut pas être une esquisse générale de l’histoire et des processus de l’ethnogenèse de la vallée du Moyen Mékong. Nous avons voulu souligner simplement que l’importance ethnographique de la population Brou/Sô se conjugue avec un fait historique important et que, par conséquent, leur étude peut contribuer également à une meilleure connaissance de l’histoire de cette région.

102 Nous remercions M. Ferlus pour avoir attiré notre attention sur ce fait d’importance majeure.

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