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L’image de la Hongrie dans les récits de voyage

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Pour faciliter la compréhension de ce genre littéraire, l’auteur consacre un chapitre entier à la présentation de l’histoire du récit de voyage avant et pendant la période analysée ainsi que de l’évolution des coutumes de voyage au début du XIXe siècle. Le récit de voyage en tant que genre spécial existe déjà à l’Antiquité, mais devient plus populaire à partir du XVIIe siècle quand le nombre de voyages connaît une croissance exponentielle et les lecteurs sont également intéressés par les expériences des voyageurs. Ces derniers sont traditionnellement militaires, marins, commerçants ou diplomates, dont le déplacement est lié indissociablement à leur métier. Cette époque apporte un changement important, car on voit l’apparition des jeunes aristocrates surtout britanniques qui font un grand voyage durant pendant plusieurs années en Europe appelé communément le Grand Tour leur permettant de faire la connaissance avec la vie du continent. Cet exemple est suivi par les membres de la noblesse des autres nations, ainsi ce type de voyage devient généralement répandu lors du XVIIIe siècle. Ce changement éveille l’intérêt pour les récits de voyage qui donnent des informations importantes pour les voyageurs. Cette tendance est bien présente en France, d’où un nombre de personnes partent vers les quatre coins du monde, poussés par le désir de la découverte. En même temps, ces efforts sont souvent soutenus et financés par l’État, qui espère d’acquérir des connaissances précises sur les autres territoires européens et d’outre-mer. Pendant la première moitié du XIXe siècle, le Grand Tour est remplacé par les voyages vers l’Orient, dont la situation politique floue et l’exotisme attire les hommes. De plus, les déplacements sont facilités par le développement des moyens de transport, surtout du chemin de fer qui contribue également à l’apparition des premières formes du tourisme.

La méthode du voyage et de l’écriture du récit de voyage évolue considérablement au cours du XVIIIe siècle. Avec l’augmentation du nombre de voyages utiles, on essaye de définir les règles selon lesquelles ces déplacements et leur enregistrement écrit doivent être aboutis. C’est Denis Diderot, parmi d’autres, qui donne des prescriptions pour la réalisation correcte des voyages dans son ouvrage intitulé Voyage de Hollande. Selon lui, il faut préparer un plan détaillé pour des recherches minutieuses réalisées auprès des populations locales avec un emploi du temps strict et un questionnaire détaillé. Ces principes sont précisés par d’autres auteurs concernant les méthodes de communication et d’observation permettant de créer un véritable guide facilitant le travail des voyageurs qui font un périple utile à n’importe quel coin du monde.

Szász mentionne que le public de ces ouvrages est particulièrement large. D’une part, on y trouve les citoyens lambda qui lisent ces récits de voyage comme des œuvres littéraires présentant des paysages lointains et exotiques. D’autre part, les savants (géographes, historiens, etc.) peuvent les utiliser en tant que sources d’informations pour une meilleure

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connaissance du monde. Ils sont en même temps des lectures extrêmement utiles pour les politiciens qui peuvent baser leur politique sur les données recueillies dans ces ouvrages. Par conséquent, les voyages et leur présentation sont souvent commandés par les dirigeants de la vie politique française ayant besoin d’informations supplémentaires pour les décisions politiques concernant les pays étrangers.

Les voyageurs français sont présents en Hongrie depuis le Moyen Âge, lors des pèlerinages vers la Terre Sainte touchant le pays. En même temps, ces visites sont de moins en moins fréquentes au cours du temps avec la dégradation de la position de la Hongrie en Europe (occupation turque, guerres de reconquête, etc.). Cette perte d’intérêt est durable, car les voyageurs et leurs récits restent rares au cours du XVIIIe siècle, et même au début du XIXe siècle. La période la plus prospère des voyages est celle entre 1837 et 1847 quand une bonne quinzaine de publications voient le jour au sein desquelles les auteurs parlent de leurs expériences acquises en Hongrie.

Dans son ouvrage, Szász présente et analyse en détail quatre de ces publications. Il les choisit en raison de la position des auteurs et de la complexité des informations transmises permettant de connaître quatre différents types de voyageur et ainsi quatre récits de voyage divergeants, consacrés au moins partiellement à la Hongrie. Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont, maréchal de France, duc de Raguse, est obligé de quitter définitivement la France et fait plusieurs voyages en Europe lors desquels il visite également la Hongrie. Son ouvrage, constitué de quatre volumes et consacré à la présentation de ces déplacements, voit le jour en 1837. Anatole Nikolevich de Démidoff, aristocrate russe, dirige une expédition scientifique au départ de Paris jusqu’en Russie méridionale via Hongrie en 1837. Son récit de voyage paraît en plusieurs versions et en plusieurs langues au début des années 1840. Edouard-Antoine de Thouvenel, diplomate et homme politique français, fait un voyage initiatique en Europe centrale et orientale en 1838 dont les expériences sont publiées en 1839 et en 1840. Le quatrième personnage présenté par l’auteur est Xavier Marmier, homme de lettres, voyageur et traducteur français, qui visite la Hongrie en 1845. Son œuvre voit le jour un an plus tard et connaît encore deux autres rééditions.

Ce corpus vaste et relativement hétérogène constitue la base du travail de Szász qui essaye de recréer l’image de la Hongrie transmise pour les lecteurs français contemporains à travers l’analyse thématique des textes choisis. L’élément commun des récits observés est la présentation des données géographiques qui influencent considérablement les conditions et la qualité du voyage. Les voies, terrestres ou fluviales, et les moyens de transports empruntés reçoivent également une importance particulière dans les textes. Ces derniers soulignent la lenteur du progrès, mais

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paradoxalement cette difficulté, en raison de la plus grande période du voyage, contribue à la meilleure connaissance du pays. Par conséquent, les auteurs de récits peuvent présenter le paysage hongrois qui est divisé en trois catégories : ceux citadin, cultivé et désert. D’une manière intéressante, le taux des paysages citadins et déserts est relativement élevé, s’expliquant par l’itinéraire spécial des voyageurs (notamment, surtout la voie fluviale) qui donne une image particulière sur la Hongrie. Un autre sujet privilégié est la population locale, c’est-à-dire l’observation et la présentation des hommes et de la société hongrois. Les auteurs mentionnent le retard du développement économique et social de la population hongroise qui se traduit par l’isolement de la classe populaire et le poids particulier de la noblesse (richesse, privilèges, etc.). Les ecclésiastiques et les bourgeois sont pratiquement absents dans les récits de voyage, tandis que la description des paysans est plutôt pittoresque que réelle. Le caractère superficiel de ces observations est prouvé également par la présentation des groupes ethniques en Hongrie qui ne reflète pas la réalité. A partir de ces expériences, ils formulent une certaine critique par rapport à l’ordre social hongrois et mentionnent la nécessité des réformes – selon le modèle français.

Le recueil des informations fiables est empêché par le manque de langue commune. La plupart des Hongrois ne parlent pas de langues connues par les voyageurs, ainsi la communication directe et spontanée avec les membres ordinaires de la société hongroise est pratiquement impossible. Des conversations ne sont menées qu’avec les membres de l’élite hongroise qui parlent des langues étrangères (latin, allemand ou français), mais ces entretiens sont plus ou moins officiels, ainsi les informations transmises sont certainement filtrées selon la volonté des participants. En conséquence, la source des informations des voyageurs est souvent issue des ouvrages écrits par d’autres voyageurs antérieurement, même si souvent ils ne les mentionnent pas. Szász attire l’attention des lecteurs sur le fait qu’il y a des sujets évoqués par tous les récits, notamment la cérémonie de couronnement des rois hongrois, la construction de la basilique d’Esztergom, le système d’imposition, les événements d’importance de l’histoire hongroise et les bains thermaux de Buda et de Pest.

Pour conclure, le livre de Géza Szász est un ouvrage intéressant, bien écrit et particulièrement important, car il contribue à une meilleure connaissance des relations franco-hongroises, un sujet trop de fois négligé dans les deux pays concernés. Par conséquent, la lecture du livre présenté ci-dessus peut être particulièrement enrichissante pour tout le monde qui s’intéresse à l’histoire de l’Europe centrale.

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