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III. La critique dans l’œuvre de Zoltán Ambrus

III. 3. Les critiques de théâtre de Zoltán Ambrus

A part son activité de critique d’art qui est en relation étroite avec la rédaction de ses

« contes artistes », Ambrus est un critique de théâtre considérable : la rédaction des critiques de scène est une activité quotidienne pour lui et l’accompagne dès ses débuts jusqu’à la fin de sa carrière. De ce point de vue, sa correspondance lors de son séjour parisien avec la grande actrice hongroise, Mari Jászai, est très révélatrice464. Dans leurs lettres publiées et aussi inédites de 1885–86, ils parlent beaucoup du théâtre. Ambrus analyse le jeu des acteurs français comme Maubant dans Hernani (Don Ruy) de Victor Hugo ou Duflos dans Don Juan de Molière, raconte ses expériences des représentations au Théâtre de la Renaissance (Le sous-préfet de Nanterre d’Alfred et Maurice Hennequin, Procès Vauradieux d’Alfred Hennequin) et de l’Odéon (Le Médecin malgré lui de Molière, La Nuit des Rois de Shakespeare)465. D’ailleurs, Ambrus est le premier critique de théâtre hongrois qui rende hommage à Sarah Bernhardt. Il est intéressant de remarquer qu’il compare le jeu de la grande actrice française aux styles d’écrivains : selon lui, elle joue Dumas fils à la Zola et Sardou à la Balzac. Dans son jeu d’actrice, elle utilise selon Ambrus une large palette de moyens sensuels. C’est de cette manière qu’il la présente dans un bel article déjà rédigé à Budapest en 1888466.

463 Voir Ferenc Galambos, A Jövendő repertóriuma [Le répertoire de l’Avenir] (1903–1906), éd. cit. Voir aussi sur le lien suivant : https://mek.oszk.hu/12900/12994/12994.pdf (consulté le 25 avril 2020)

464 Voir Attila Buda, « Korkülönbség nem akadály – Ambrus Zoltán és Jászai Mari levelezése [Différence d’âge n’est pas un obstacle – La correspondance de Zoltán Ambrus et de Mari Jászai] », éd. cit., p. 85–96.

465 Voir ses lettres datées du 16 et du 27 septembre 1885, in Ambrus Zoltán levelezése [Correspondance de Zoltán Ambrus], éd. cit., p. 42–43.

Voir la version en ligne sur ce lien : https://mek.oszk.hu/05900/05974/05974.htm#15 (consulté le 25 avril 2020)

466 Voir Zoltán Ambrus, « Sarah », in Pesti Napló, le 18 novembre 1888, in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 56–

Pour ce qui est de son activité en tant que critique de théâtre, Ambrus donne son avis sur les œuvres des auteurs de théâtre français tout au long de sa carrière d’écrivain. Dans ses articles parus entre 1879 et 1930467, il loue les pièces de Victor Hugo468, Victorien Sardou469, Guy de Maupassant470, Eugène Scribe471, Alphonse Daudet472, Dumas fils473, Molière474, Edmond Rostand475, Jean Racine476, Eugène Brieux477, Henri Lavedan478, Georges Bataille479, Paul Géraldy480, Romain Rolland481, Paul Raynal482, Jules Romains483, Marcel Pagnol484 et Maurice Rostand485, parallèlement aux œuvres tirées du théâtre anglais486, allemand487, 61.

467 Voir id., Színház [Théâtre], réd. par Zoltán Fallenbüchl, Budapest, Szépirodalmi Könyvkiadó, 1983, 545 p.

468 Voir id., Victor Hugo : « Borgia Lukrécia », in Egyetértés, le 19 mars 1883, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 20–27. ; id., Victor Hugo : « Angelo », in A Hét, le 10 janvier 1892, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 141–145. ; id., Victor Hugo : « Tudor Mária », in Magyar Hírlap, le 7 octobre 1893, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 186–191. ; id., « Hernani százéves », in Pesti Napló, le 23 mars 1930, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 522–528.

469 Voir id., Victorien Sardou : « Agglegények », in Magyar Hírlap, le 19 septembre 1891, in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 127–131. ; id., Victorien Sardou : « Thermidor », in Magyar Hírlap, le 24 mars 1892, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 159–162.

470 Voir id., Maupassant : « Musotte », in Magyar Hírlap, le 10 octobre 1891, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 132–136.

471 Voir id., Scribe–Legouvé : « Nők harca [Bataille de dames] », in Magyar Hírlap, le 13 octobre 1893, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 192–195. Pesti Hírlap, le 6 octobre 1900, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 265–272.

474 Voir id., Molière : « A képzelt beteg », in Magyar Hírlap, le 12 mai 1894, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 210–212.

475 Voir id., Edmond Rostand : « Cyrano de Bergerac », in Pesti Napló, les 12, 13 et 14 juillet 1898, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 239–253.

479 Voir id., Georges Bataille : « A szerelem gyermeke », in Magyar Figyelő, le 1er décembre 1911, repris in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 36–339. Szini), in Pesti Napló, le 31 octobre 1926, repris in id, Színház [Théâtre], éd. cit., p. 485–490.

483 Voir id., Jules Romains : « A diktátor », in Pesti Napló, le 20 février 1927, repris in id., Színház [Théâtre],

486 Il fait des critiques des pièces de Shakespeare (János király, 1892 ; Troilus és Cressida, 1900), Shaw (Nem lehessen tudni, 1912 ; Caesar és Kleopátra, 1913 ; Pygmalion, 1914 ; Candida, 1916 ; Brassbound kapitány

italien488, espagnol489, scandinave490 et russe491. Il fait la critique des représentations théâtrales de ces pièces en Hongrie, ses critiques sont donc aussi importantes du point de vue de la traduction et de la représentation de ces drames français sur la scène hongroise.

Le recueil intitulé Színház [Théâtre] (1983), rédigé par son petit-fils Zoltán Fallenbüchl, dresse le panorama de ses critiques de théâtre et donne une vue d’ensemble de ses idées concernant la vocation du théâtre qui détermine profondément sa carrière littéraire. D’ailleurs, c’est déjà Ambrus lui-même qui réunit ses critiques de théâtre dans ses recueils intitulés Színházi esték [Soirées de théâtre] (1914), Régi színművek [Pièces anciennes] (1914) et Új színművek [Pièces nouvelles] (1916). Et tout comme pour ses études et critiques littéraires, il retravaille ses critiques de théâtre pour leurs publications en volume. Pour leur édition sous forme de livre, il rédige ses textes critiques sans mentionner les actualités et il y souligne davantage les valeurs littéraires éternelles des pièces. Dans le recueil Színház [Théâtre], édité par Zoltán Fallenbüchl, nous pouvons lire le texte original, publié dans des revues citées plus haut, essentiellement dans des quotidiens de l’époque ; il est donc intéressant de voir les premières impressions d’Ambrus concernant le théâtre français. De plus, nous pouvons lire les critiques dans l’ordre chronologique, ce qui donne une vue d’ensemble de l’esprit critique d’Ambrus et le volume retrace aussi une histoire du théâtre majoritairement franco-hongrois pendant cinq décennies.

Ambrus publie ses critiques de théâtre dans les journaux Fővárosi Lapok [Feuilles de la Capitale], Függetlenség [Indépendance], Egyetértés [Accord], Pesti Napló [Journal de Pest], Magyar Hírlap [Journal Hongrois], A Hét [La Semaine], Új Magyar Szemle [Nouvel Observateur hongrois], Pesti Hírlap [Journal de Pest], Jövendő [L’Avenir], Magyar Nemzet [Nation hongroise], Magyar Figyelő [Observateur hongrois], Az Est [Le Soir]492 également sous les pseudonymes de Bojtorján, Igrec et Whist. Il s’agit donc d’une activité essentielle qui détermine l’ensemble sa carrière.

megtérése, 1926), Maugham (Eső, 1928).

487 Il donne des critiques des pièces de Hauptmann (Crampton mester, 1897 ; Hannele, 1897), Arthur Schnitzler (Az élet szava, 1911).

488 Il donne des critiques des pièces de Moreto (Közönyt közönnyel, 1892), Giacosa (Mint a falevelek, 1910), Pirandello (Az ember, az állat és az erény, 1925).

489 Il donne des critiques des pièces de Calderón (A zalameai bíró, 1888), Lope de Vega (Király és pór, 1889), Alarcón (A hazug, vagy: Az igazság is gyanús, 1891).

490 Il donne des critiques des pièces de Björnson (Leonarda, 1879), Ibsen (Nora, 1889), August Strindberg (Haláltánc, 1924 ; Kameraden, 1924 ; A csöndes ház, 1925).

491 Il donne des critiques des pièces de Tchékov (A medve, 1901 ; Sirály, 1930). Il le qualifie de prosateur connu et excellent.

492 Sa dernière critique de théâtre porte sur une pièce de la littérature norvégienne (A napos oldal de Helge Krog) et date du 23 novembre 1930. Voir Gizella F. Ambrus, « Ambrus Zoltán, a színikritikus [Zoltán Ambrus, le critique de théâtre] », éd. cit.,, p. 31.

Dans ses critiques de théâtre, il suit toujours la même structure : il présente l’auteur, donne le résumé de la pièce, analyse l’intrigue et la force dramatique, décrit la représentation, estime le jeu des acteurs et mentionne parfois, pour finir, le travail du traducteur. Il loue par exemple les bonnes traductions hongroises d’Ernő Salgó ou de Gyula Szini. En somme, Ambrus cherche à donner une vue d’ensemble de la pièce de théâtre en question et à trouver son actualité pour le public hongrois. Même sur ce point, nous assistons à une activité de passeur culturel, avec le message du théâtre français pour le public hongrois.

Dans ses critiques de théâtre ayant pour thème la scène française, nous trouvons des passages passionnants sur les pièces de Victorien Sardou (Agglegények [Les Vieux garçons], 1891 ; Thermidor, 1892), de Maupassant (Musotte, 1891) où il parle de la force poétique extraordinaire de ses nouvelles, de Dumas fils (A kaméliás hölgy [La Dame aux camélias], 1894 ; A nők barátja [L’Ami des femmes], 1895 ; A tékozló apa [Un père prodigue], 1900) où il cherche le secret de l’auteur qui réside, selon lui, dans la représentation des personnages, de Daudet (Az akadály [L’Obstacle], 1892) ; Az arles-i leány [L’Arlésienne], 1910). Il écrit aussi sur le théâtre classique français comme par exemple sur des pièces de Molière (A képzelt beteg [Le malade imaginaire], 1894), de Racine (Britannicus, 1900) ou de Victor Hugo (Tudor Mária [Marie Tudor], 1893 ; Angelo, 1892 ; Hernani százéves [Hernani a cent ans], 1930) et parle de son romantisme à travers l’analyse de son Hernani en évoquant aussi Balzac et Zola, et en précisant une notion bien plus élargie du romantisme dans la vie d’un écrivain.

Ambrus attire également l’attention sur le théâtre contemporain français, par exemple sur les pièces de Rostand (Cyrano de Bergerac, 1898) et il donne une analyse détaillée de la pièce avec des passages en langue originale, d’Eugène Scribe et d’Ernest Legouvé (Nők harca [Bataille des Dames], 1893), de Henri Lavedan (Sire, 1911) qui a été adaptée sur scène à partir du roman par son auteur, de Henry Bataille (A szerelem gyermeke [L’Enfant de l’amour], 1911), de Romain Rolland (A szerelem és halál játéka [Le Jeu de l'amour et de la mort], 1925) qui est aussi un auteur dramatique de premier ordre pour lui, de Paul Géraldy (Ezüstlakodalom [Les noces d’argent], 1925) de qui il loue la première pièce pour sa force poétique et son sens affiné pour le drame, de Paul Raynal (Az ismeretlen katona [Le tombeau sous l’Arc de Triomphe], 1926), de Jules Romains (A diktátor [Le Dictateur], 1927), de Marcel Pagnol (Topáz [Topaze], 1929) ou de Maurice Rostand (Megöltem egy embert [L’Homme que j’ai tué], 1930). A propos du théâtre contemporain français, il précise que le public hongrois y préfère plutôt les nouveautés du théâtre anglais et allemand. Dans ses critiques, nous trouvons aussi des passages et des allusions à la critique de théâtre française de l’époque.

Le recueil Színház [Théâtre] contient aussi quelques essais sur la critique de théâtre en général et sur les rapports entre la littérature et la scène. Il s’agit de textes révélateurs du point de vue des idées d’Ambrus sur ce sujet. Dans son essai intitulé A színházi kritika [La critique de théâtre] (1895), Ambrus traite de la situation de la critique de théâtre hongroise qui selon lui n’est pas une vraie critique car elle contient très peu d’éléments de jugement. Concernant le jeu des acteurs, d’après Ambrus, elle ne doit pas éduquer les acteurs et les actrices et leur donner des conseils. La critique en Hongrie esthétise moins et philosophe plus sur les grandes questions de l’existence. Elle essaie de donner une image de la pièce, parle aussi de la forme, d’un ton naturel et léger. Ambrus résume clairement les changements survenus dans le contenu des critiques de théâtre hongroises493.

Dans le texte qui a pour titre Irodalom és színpad [Littérature et scène] (1914), il développe ses idées concernant les liens de la scène avec d’autres branches de l’art comme la littérature ou la danse, et fait aussi allusion à la pantomime et au cinéma. A notre sens, il formule des pensées importantes sur cette problématique. Il prend, comme point de départ, les rapports entre la littérature et le théâtre. Il approche la question du point de vue des attentes et du goût du public : les spectateurs ne lisent pas, ils regardent et écoutent. Ainsi l’auteur dramatique doit, d’une part, représenter de différentes manières tout ce qui a été écrit. D’autre part, il fait parler l’acteur et ce qui importe, c’est aussi la façon dont l’acteur transmet le message au public. L’auteur dramatique doit être plus dense et plus court que le prosateur et de plus, il doit aussi divertir et créer une illusion plus intense avec moins de mots. Et pour tout cela, il doit aussi disposer des facultés de la rhétorique pour pouvoir capter son public. Sur la scène, tout peut apparaître : en dehors de la littérature, la danse et la pantomime peuvent aussi y entrer. C’est la complexité de l’œuvre littéraire qui est mise en question dans la réflexion d’Ambrus, ce qui fait aussi écho à l’idée de l’art universel et de la correspondance des arts, très importante dans cette période494.

En relation avec l’œuvre critique d’Ambrus, il est aussi révélateur de regarder les écrits critiques qu’il publie dans le Nyugat [Occident]. A part ses études déjà citées plus haut sur la littérature française de son temps, il y publie quelques critiques de théâtre : sur la tâche du jury des pièces de théâtre, sur le jeu d’acteur de Reinhardt, sur les œuvres d’Arthur Schnitzler, sur les représentations des œuvres de Shakespeare sur la scène hongroise. D’après nos recherches, nous voulons mettre en relief que nous y trouvons encore des critiques sur

493 Voir Zoltán Ambrus, « A színházi kritika [La critique de théâtre] » (Magyar Hírlap [Journal hongrois], le 6 mars 1895), in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 213–219.

494 Voir id., « Irodalom és színpad [Littérature et scène] » (Az Est [Le Soir], le 26 mars 1914), in id., Színház [Théâtre], éd. cit., p. 381–384.

l’actualité de la culture hongroise comme par exemple sur les volumes de Jenő Heltai, sur l’avis de Lajos Hevesi sur Speidel, sur une pièce de Sándor Hajó ou sur l’acteur hongrois Ede Újházi495. En plus de ses critiques de théâtre, il y publie, entre autres, quelques nouvelles en feuilleton, ses notes de guerre496, un essai sur le poète Endre Ady497, une étude sur le positivisme498. Il rédige également une lettre fictive, adressée à Marcel Prévost, sous le titre de « Fűző és erkölcs [Corset et mœurs] » (1910) concernant le secret du succès de ses livres auprès du public, essentiellement des femmes françaises499.

A propos de son activité comme critique de théâtre, il serait très important d’aborder plus en profondeur sa période en tant que directeur du Théâtre National de Budapest (1917–1922) surtout du point de vue de ses choix des pièces hongroises et étrangères500. A notre sens et d’après nos recherches, son fonds d’archives pourra encore fournir des documents intéressants dans ce domaine501.

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