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IV. La traduction dans l’œuvre de Zoltán Ambrus

IV. 2. Dans l’atelier du traducteur littéraire

Étant donné que Zoltán Ambrus livre très rarement ses idées sur ses procédés d’écriture et de traduction, nous allons présenter le contexte de son activité de traducteur, avant de présenter sa traduction la plus importante, celle de Madame Bovary de Flaubert. Dans ce qui suit, nous allons faire référence aux études et aux textes théoriques de l’époque publiés sur la traduction littéraire en Hongrie. Il faut noter que la réflexion sur ce sujet547 remonte aux années 1700 dans la littérature hongroise548. Sur ce point, nous allons présenter les réflexions

542 Pour la lettre dactylographiée du 3 août 1911, voir le Fonds de Zoltán Ambrus à la Bibiliothèque nationale Széchényi de Budapest : Fonds 471.

543 Voir Zoltán Ambrus, « Anatole France és kritikusa, Jean-Jacques Brousson », in Könyvbarátok Lapja, 1927.

année 1er, num. 1, 285–289.

544 Voir id., „Az Éhség”, in Pesti Napló, 1927. december 25., 5–7.; id., „Pongyolában”, in Pesti Napló, 1928.

január 15., 33–35.; id., „Az új emberek”, in Pesti Napló, 1928. január 29., 11–14., id., „Tragikomédia”, in Pesti Napló, 1928. február 12., 14–17.; id., „A Tegnap bukása”, in Pesti Napló, 1928. február 26., 10–11.; id.,

„Kalandok”, in Pesti Napló, 1928. április 8., 7–8.

545 Voir dans le recueil suivant : Zoltán Ambrus, « Író és titkára [L’Écrivain et son secrétaire] », in éd. cit., p. 105–149.

546 Voir László Aigner, « A négyfelé vágott Brousson utóda megmondja az igazat », in Pesti Napló, le 29 juin 1929, p. 38.

547 Voir, entre autres, les textes suivants : János Batsányi, A fordításról (1788), József Péczeli, A fordítás mesterségéről (1789), József Rájnis, Magyar Vergilius (1789), János Batsányi, Toldalék a Magyar Museum III-ik negyedéhez (1789), József Kármán, A nemzet csinosodása (1794), Pál Szemere, A fordításról (1826), Ferenc Toldy, A műfordítás elveiről (1843), Károly Szász, A műfordításról, különös tekintettel Shakespeare és a Biblia fordítására (1859), Sámuel Brassai, Mégis valami a fordításról (1861).

548 Voir les textes du recueil suivant : A műfordítás elveiről. Magyar fordításelméleti szöveggyűjtemény [Des principes de la traduction littéraire. Recueil de textes de la théorie de la traduction], réd. par Ildikó Józan, Budapest, Balassi, 2008, 502 p. et le site http://www.histrad.info/langues/39-hongrois réd. par Ildikó Józan, trad.

par Anikó Ádám (consulté le 10 novembre 2019).

des contemporains d’Ambrus comme celles des hommes de lettres tels que Pál Gyulai (1826–

1909) sur la traduction (1883)549, ou celles d’Antal Radó (1862–1944) sur l’art de la traduction littéraire (1909)550 et également celles d’Ignotus (1869–1949) sur ce même sujet (1910)551, publiées sous forme de livre ou dans des revues littéraires de cette période.

Le texte de Pál Gyulai, intitulé A fordításokról [Des traductions], est essentiellement le discours d’ouverture qu’il prononçait lors de la réunion de la Société Kisfaludy552 le 11 février 1883. Le texte contient ses idées essentielles sur l’importance de la traduction dans la littérature hongroise : l’auteur y parle du rôle et de l’influence de la traduction qu’il interprète dans un contexte européen. D’après lui, les littératures les plus riches comme la littérature anglaise, allemande ou française ne se passent pas de traductions. Selon sa conviction, la traduction est une importante source d’inspiration de la littérature hongroise depuis longtemps et en même temps, elle ne gêne pas l’originalité de la littérature nationale. Parmi les grands traducteurs hongrois, Gyulai évoque Ferenc Kazinczy (1759–1831) et János Arany (1817–

1882) tout en soulignant l’importance de leur activité de traducteur et la place excellente que la traduction occupe, grâce à eux, dans la culture hongroise. A son avis, la traduction n’enrichit pas seulement notre littérature avec de nouveaux thèmes mais aussi avec de nouvelles formes, et exerce une influence sur le meilleur goût, sur l’élargissement de notre perspective et également sur l’évolution de notre conception de langue553. Pour finir, il attire l’attention sur les nouvelles traductions hongroises en cours de préparation comme celles de Corneille ou de Racine de la littérature française. Nous voudrions mettre en relief que Pál Gyulai a proposé plusieurs auteurs à Zoltán Ambrus pour traduire leurs œuvres en hongrois, tels que quelques chapitres d’un livre d’Anatole France554, comme la correspondance d’Ambrus en témoigne555.

L’ouvrage d’Antal Radó, intitulé A fordítás művészete [L’art de la traduction] est publié chez la maison d’édition Franklin, à Budapest, en 1909. L’auteur y traite de la traduction littéraire, essentiellement celle de la poésie, de plusieurs points de vue : il y parle de la

549 Voir Pál Gyulai, « A fordításokról [Des traductions] », in A Kisfaludy Társaság Évlapjai, XVIII (1882–1883), p. 3–10.

550 Voir Antal Radó, A fordítás művészete [L’art de la traduction], Budapest, Franklin Társulat, 1909, 161 p.

551 Voir Ignotus, « A fordítás művészete [L’art de la traduction] », in Nyugat [Occident], 1910, num. 7.

552 Il faut noter que l’une des fonctions de la Société Kisfaludy, c’est de promouvoir la traduction des chefs-d’œuvre des auteurs classiques et contemporains en langue hongroise.

553 Cf. „Nemcsak tartalommal gazdagítja azt, hanem műformákkal is, nemcsak ízlésünk nemesbítésére, látókörünk szélesbítésére hat, hanem az eredeti nyelvművészet emelésére is.” in A műfordítás elveiről. Magyar fordításelméleti szöveggyűjtemény [Des principes de la traduction littéraire. Recueil de textes de la théorie de la traduction], éd. cit., p. 245.

554 Voir Anatole France, Régi dolgok [Choses anciennes], trad. Zoltán Ambrus, éd. cit.

555 Voir la lettre de Zoltán Ambrus adressée à Frigyes Riedl, le 25 mai 1914, in Ambrus Zoltán levelezése [La correspondance de Zoltán Ambrus], éd. cit., lettre num. 260.

compréhension d’un texte étranger, de la fidelité de la traduction pour ce qui est du contenu et de la forme, et formule également quelques réflexions générales sur la traduction littéraire. Il attire l’attention de son lecteur sur l’importance du fait que le traducteur doit se familiariser avec le texte qu’il traduit. Il parle du phénomène non favorable de la traduction par l’intermédiaire d’autres langues comme par exemple celle des littératures danoise ou norvégienne par l’intermédiaire de la langue allemande en hongrois et souligne l’importance de traduire de la langue originale. Radó évoque la valeur primordiale de l’inspiration et de l’empathie du traducteur. Il met en relief qu’il est important que le traducteur maîtrise bien la langue dans laquelle il traduit et qu’il ait du talent au niveau de la langue. Il insiste sur la légèreté, le caractère naturel du style de la traduction, accentue le rôle de la patience et celui de la persévérance du traducteur pour trouver la version définitive lors de la traduction. Il parle aussi des facteurs qui peuvent influencer les choix du traducteur pour trouver l’objet de sa traduction. Selon Radó, l’importance de la traduction littéraire et celle du traducteur littéraire évoluent considérablement dans la littérature hongroise. Il situe la traduction dans un contexte européen en y soulignant le rôle de l’idée de la communauté européenne et de celle de la culture nationale par l’enrichissement mutuel via les traductions. D’après l’auteur, l’idéal de la traduction, c’est quand le traducteur cherche à rendre toutes les pensées de l’original dans leur intégralité dans sa traduction, qu’il trouve le ton adéquat de sa traduction conformément à l’original, et qu’il donne aussi une valeur esthétique à son lecteur556. Quant à Radó, c’est lui qui rédige une critique sur la traduction d’Ambrus de Madame Bovary de Flaubert en 1904 ce qui signifie, selon nous, une phase décisive dans sa réflexion sur la traduction littéraire. Nous la traiterons plus en détail concernant la première traduction hongroise du roman flaubertien.

Le texte d’Ignotus, publié dans la revue Nyugat [Occident] en 1910557, est en quelque sorte une réponse à l’ouvrage de Radó. Ignotus va plus loin, il parle de l’impossibilité de rédiger un manuel de la traduction littéraire, ce qui était, selon lui, le but de Radó, car Ignotus considère que la traduction est aussi une œuvre d’art, elle est le résultat d’une création :

« La traduction a proprement parler n’existe pas. Elle n’existe pas plus qu’il n’est possible de peindre un tableau en vert et de le reproduire plus tard en bleu. Pratiquement c’est possible, mais le tableau ne reste pas le même, et les deux tableaux ne seront jamais identiques […]. Le poème et l’œuvre litteraire sont indéniablement liés à la langue dans laquelle ils sont nés ; ce que l’auteur veut dire ne s’exprime pas seulement à travers l’ordre des mots, il se combine aussi avec la répartition de ceux-ci et leurs sonorités qui sont les particularités internes propres à une langue et ont une relation unique avec un mode de réflexion. Il n’y a donc pas de traduction, il y a seulement

556 Voir le texte intégral de l’ouvrage d’Antal Radó sur ce lien : http://mek.oszk.hu/13600/13650/13650.pdf (consulté le 20 avril 2019)

557 Voir le texte intégral d’Ignotus sur ce lien : http://epa.oszk.hu/00000/00022/00053/01448.htm (consulté le 20 avril 2019)

des poètes qui s’appliquent à faire tantôt ceci, tantôt cela, une fois écrire leur amour, une autre fois écrire dans leur langue un poème qu’ils avaient lu dans une autre. »558

Il est intéressant de confronter ces idées avec celles de Zoltán Ambrus développées dans sa préface (1904) pour sa traduction hongroise de Madame Bovary. Selon Ambrus, Flaubert décrit avec des mots comme le peintre peint avec un pinceau : il utilise seulement quelques mots, son style reste ainsi concis et parfait, et il trouve toujours le mot juste pour exprimer parfaitement une idée. Selon l’écrivain-traducteur, Flaubert n’a pas de mot qui est superflu : ses mots couvrent parfaitement les notions, ses phrases rendent ses images559. Sur ce point, le traducteur a une tâche difficile, car il doit redonner les images de la version originale pour que le lecteur de la traduction voie les mêmes images lors de la lecture. Dans la réflexion d’Ambrus, nous assistons à la création littéraire de Flaubert et nous pouvons voir en même temps les défis du traducteur, la misson de la traduction littéraire, tout comme dans le texte d’Ignotus datant de la même période et portant sur la traduction. Nous entrerons dans les détails de cette préface d’Ambrus, son texte majeur concernant la traduction littéraire à notre sens, dans le sous-chapitre suivant.

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