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« …dans le monde que tu as créé toi-même pour toi-même, dans le vrai domicile de ton âme, dans les défis, les désirs, les ambitions supérieurs de ton moi, tu seras toujours solus eris, tout seul. » Zoltán Ambrus : Solus eris (1903)754

Dans le dernier chapitre de notre thèse, nous présenterons les lectures et la bibliothèque de Zoltán Ambrus, puis nous dresserons une vue d’ensemble de son fonds d’archives, gardé à la Bibliothèque nationale Széchényi, à l’Académie des Sciences de la Hongrie, au Musée littéraire Petőfi de Budapest et au Musée de la Ville de Gödöllő. A travers l’investigation de son fonds, riche en documents intéressants et inédits, nous pouvons découvrir plusieurs détails importants et significatifs du point de vue des relations culturelles franco-hongroises.

VI. 1. Les lectures et la bibliothèque de Zoltán Ambrus

Zoltán Fallenbüchl (1924–2006), son petit-fils, historien de la littérature et professeur d’université, collaborateur scientifique de la Bibliothèque nationale Széchényi de Budapest, le meilleur connaisseur de ce fonds d’archives, a fait des recherches concernant la bibliothèque d’Ambrus dans laquelle on a pu trouver, à côté des grands classiques de la littérature française, des œuvres de Shakespeare, de Dickens, de Thackeray ou de Cervantes755. En tant qu’héritier et conservateur de la collection de son grand-père, il a exploré ce fonds et il a également rédigé, d’après les notes de sa mère, Gizella Ambrus756, la monographie de Zoltán Ambrus qui donne une vue d’ensemble de la vie et de l’œuvre de l’écrivain et qui a été publiée en 2000757.

Selon les souvenirs de Zoltán Fallenbüchl, le volume le plus précieux de cette bibliothèque fut un livre de son héritage familial, dans une belle reliure verte originale, la traduction hongroise de Johann Amadeus Wolstein qui appartenait à son grand-père vétérinaire. Ambrus l’a gardé avec une grande estime jusqu’à la fin de sa vie et la famille l’a

754 Cf. „…abban a világban, a melyet magad alkottál magadnak, lelkednek igazi otthonában, énednek minden magasabb rendű vállalkozásában, vágyódásában, nagyratörésében, mindig solus eris, egyedül léssz.”, in Zoltán Ambrus, Solus eris. Ambrus Zoltán Munkái V. kötet, Budapest, Révai, 1907, p. 183.

755 Voir Zoltán Fallenbüchl, « Ambrus Zoltán az író és a könyvgyűjtő [Zoltán Ambrus écrivain et collectionneur de livres] », in éd. cit., p. 525.

756 Voir aussi son article suivant à l’occasion du centenaire de la naissance de son père : Gizella F. Ambrus,

« Zoltán Ambrus », in Irodalomtörténet, 1961/2, p. 141–154.

http://www.epa.hu/02500/02518/00171/pdf/EPA02518_irodalomtortenet_1961_02_141-154.pdf (consulté le 7 mai 2020)

757 Voir Gizella F. Ambrus – Zoltán Fallenbüchl, Egyedül maradsz… Ambrus Zoltán élete és munkássága [Solus eris… La vie et l’œuvre de Zoltán Ambrus], éd. cit.

possédé jusqu’à la destruction de leur bibliothèque à Gödöllő pendant la Seconde Guerre mondiale. Ses premières lectures étaient la Bible et la Vie des Saints. Il a gardé ces deux beaux volumes dans sa bibliothèque jusqu’à sa mort. Les œuvres de Shakespeare et de Cervantes constituaient ses premières lectures littéraires qu’il a également conservées758.

Ambrus connaissait en profondeur la littérature française de son époque dès son jeune âge, et il en a appris tout ce qui pourrait lui apporter de l’enrichissement pour ses futures œuvres. Il a noté les citations les plus importantes dans ses carnets de lecture dont quelques-uns peuvent être consultés dans son fonds d’archives759. Sa relation avec la littérature française est devenue encore plus intense lors de son séjour parisien, en 1885–1886 : il a lu, entre autres, les œuvres de Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, Émile Zola, Alexandre Dumas fils, Paul Bourget, Anatole France et Jules Lemaître à Paris. Ses expériences et ses lectures fournissaient la matière de ses chroniques qui portaient sur la vie culturelle de Paris et qu’il a publiées dans le journal Nemzet [Nation].

Après son retour à Budapest, plusieurs revues françaises lui apportent l’ambiance parisienne : il a pu lire la Revue de l’Art dramatique, La Lecture et la Revue indépendante même dans la capitale hongroise, car la maison d’édition Révai était abonnée à ces périodiques760. Ambrus avait un abonnement continu à la Revue des Deux Mondes qui lui procurait tout ce qui était intéressant sur la vie littéraire et sociale françaises. Plus tard, dans les années 1920, il a pu se permettre de s’abonner à plusieurs revues françaises et de s’acheter des livres pour sa propre bibliothèque761.

Selon son petit-fils, Ambrus a beaucoup lu et a utilisé ses lectures pour le développement de sa vision du monde, ses idées et ses pensées762. Entre 1906 et 1913, période où son œuvre complète a été publiée en seize volumes chez les Frères Révai sous sa direction, la bibliothèque d’Ambrus a commencé à s’enrichir considérablement grâce à ses revenus d’auteur. A côté des œuvres classiques, la littérature de son époque est également entrée dans sa bibliothèque, majoritairement sous forme d’exemplaires d’auteurs. Un important nombre de périodiques constituait la partie prépondérante de sa collection qui a servi à un but documentaire. Ses articles dans les coupures de presse et dans les extraits de revues figuraient aussi dans cette bibliothèque, ainsi que des livres en langue étrangère avec ses notes en

758 Zoltán Fallenbüchl, op. cit., p. 517.

759 Voir le Fonds 471 à la Bibliothèque nationale Széchényi.

760 Voir Gizella F. Ambrus – Zoltán Fallenbüchl, op. cit., p. 43.

761 Voir les documents (lettres, bons de commandes, factures) conservés dans le Département des Manuscrits du Musée littéraire Petőfi de Budapest (V. 5872/59) selon lesquels Zoltán Ambrus correspond avec les maisons d’éditions et les éditeurs français les plus importants pendant toute sa vie. Voir en détail dans l’Annexe.

762 Voir Zoltán Fallenbüchl, op. cit., p. 525.

marge763.

En 1911, Ambrus a déménagé dans l’immeuble à trois étages au coin du boulevard József et de la rue Üllői à Budapest, près du café Valéria où il travaillait volontiers pendant la journée. Dans son vaste appartement à cinq pièces, il a pu très bien aménager sa bibliothèque grandissante. Ambrus aimait l’ordre, c’est pour cela qu’il a stocké ses livres, ses extraits de journaux, ses notes dans des pièces séparées. Ses livres ont été mis dans une grande bibliothèque, dans plusieurs armoires et sur plusieurs étagères764.

Ce qui était le plus important dans l’activité de collectionneur passionné d’Ambrus, c’est que les œuvres classiques et celles des auteurs les plus connus fassent partie de sa bibliothèque pour qu’il puisse les consulter en cas de besoin pour les références765. C’est donc d’une part sa passion de collectionneur, d’autre part son aspiration à posséder tout ce qui est en relation avec son activité de journaliste, de critique, de traducteur et de prosateur qui se reflètent dans cette riche bibliothèque. On peut bien voir que dans les années 1910, sa bibliothèque a commencé à s’enrichir, également grâce aux exemplaires d’auteurs mentionnés. Plusieurs dictionnaires et encyclopédies, mémoires de l’époque de Louis XIV, de la Régence et de Louis XV faisaient partie des volumes précieux de sa bibliothèque766.

Ses livres étaient majoritairement de langue française, mais plusieurs livres allemands, anglais et italiens figuraient à côté des livres hongrois dans sa collection. Parmi les monographies publiées par l’Académie des Sciences de la Hongrie, on a pu trouver Velence kövei [Les pierres de Venise] de John Ruskin767, Tíz év Németalföld szabadságharcából [Dix années des guerres d’indépendance des Pays-Bas] de Róbert Fruin768 ou Rajzok a török világból [Dessins du monde turc] de Sándor Takáts769.

Entre 1921 et 1924, sa bibliothèque s’est aggrandie de plus en plus. A cette époque-là, le livre français est devenu davantage accessible pour Ambrus : il a pu commander des livres et s’abonner à des revues comme Gringoire, Candide, Je Suis Partout, La Plume ou L’Illustration. Il a gardé de ses périodiques tout ce qui pourrait être utile pour son travail plus

763 Voir ibid., p. 531.

764 Voir ibid., p. 532.

765 Voir l’étude dactylographiée de Zoltán Fallenbüchl, intitulée « Ambrus Zoltán könyvtára Gödöllőn [La bibliothèque de Zoltán Ambrus à Gödöllő], gardée dans son fonds d’archives de Gödöllő, 3 pages.

766 Voir Zoltán Fallenbüchl, op. cit., p. 532.

767 Voir John Ruskin, Velence kövei (1851–1853) [Les pierres de Venise (1851–1853)], Budapest, 1896, 510 p., 21 t.; 487 p., 20 t.; 339 p., 13 t.

768 Voir Róbert Fruin, Tíz év Németalföld szabadságharcából [Dix années des guerres d’indépendance des Pays-Bas], Budapest, MTA, 1917, 285 p.

769 Voir Sándor Takáts, Rajzok a török világból világból [Dessins du monde turc], Budapest, MTA, 1915–1917, 1. vol. 1915. 438 p., 2. vol. 1915. 463 p., 3. vol. 1917. 457 p.

tard770. Parmi les documents de son fonds, nous trouvons d’ailleurs les bons de commande où nous pouvons suivre ses commandes de livres et de revues françaises.

Il s’agissait d’une bibliothèque thématique qui comptait au total autour de 8000 volumes.

Étant donné que les livres arrivaient presque chaque jour par la poste, le manque de place a constitué un problème pour Ambrus. C’est pour cela que les livres ont été rangés partout dans des armoires et bibliothèques spécifiques, même au milieu de sa chambre et jusqu’au plafond.

Ambrus n’a pas seulement collectionné, il a également lu ses livres. Son petit-fils, Zoltán Fallenbüchl a trouvé dans la majeure partie des livres des lignes horizontales et des notes faites au crayon, et aussi quelques mots qui exprimaient son avis et ses observations concernant un sujet. Pour les parties importantes, Ambrus a utilisé des marque-pages de couleur, souvent d’origine française.

Il a souvent consulté les volumes des collections classiques de la maison d’édition Gutenberg, les œuvres de Victor Hugo, de Dumas, de Tolstoï, de Thackeray, de Dickens et de Zola. De la littérature française des années 1920, il a possédé les œuvres les plus importantes.

De ses lectures françaises, il a également rédigé des comptes rendus dans le journal Pesti Napló [Journal de Pest]771 qui sont considérables du point de vue de la réception hongroise de la littérature française des années 1920772.

La majorité des livres de la bibliothèque d’Ambrus ont trouvé leur nouvelle place dans sa résidence secondaire, à Gödöllő, dans plusieurs pièces, sur les étagères contre les murs. Sous les étagères, il y avait des tiroirs remplis de manuscrits, de photos, de lettres, de documents de toutes sortes. Il s’agissait d’une collection entièrement rangée : une bibliothèque majoritairement littéraire, plutôt française, de niveau très divers, car Ambrus a ordonné des livres selon les brochures et les comptes rendus des revues qu’il a également gardés. Parmi les livres, il y en avait plusieurs qui portaient sur la Guerre d’Indépendance de 1848/1849 et sur la période d’après. On y trouvait les périodiques presque entiers comme la Revue des Deux Mondes, L’Illustration, Új Magyar Szemle [Nouvelle Revue hongroise], Szerda [Mercredi], Századok Legendái [Légendes des Siècles], Nyugat [Occident], Magyar Figyelő [Observateur hongrois], Budapesti Szemle [Revue de Budapest] et Akadémiai Értesítő [Carnet de l’Académie] et les encyclopédies françaises comme Tout en Un et Larousse ou Magyar Irodalmi Lexikon [Encyclopédie littéraire hongroise] et des manuels de toutes sortes. Il

770 Voir ibid., p. 542. et la partie II. 3. 7. dans l’Annexe.

771 Voir les coupures de ses articles de Pesti Napló [Journal de Pest] dans le Fonds Zoltán Ambrus, Fonds 471, à la Bibliothèque nationale Széchényi : Zoltán Ambrus, « A Berzsenyi-dinasztia. Tollrajzok a mai Budapestről », in Pesti Napló, du 1er mai au 7 août, 1927 ; id., « Az író és titkára [L’Écrivain et son secrétaire] », in Pesti Napló, du 25 décembre 1927 au 8 avril 1928, et encore les coupures de presse des années 1916, 1918, 1921.

772 Voir Zoltán Fallenbüchl, op. cit., p. 542.

possédait également des classiques de la littérature allemande et anglaise, en langue originale, en belle édition, des méthodes de langues et des dictionnaires, les mémoires de Saint Simon, la Chronique de L’Œil-de-Beuf, un mémoire de l’époque de Louis XIV, les œuvres des Frères Tharaud773 qui portent sur la Hongrie des années 1920. Il s’agissait donc d’une riche bibliothèque intéressante également du point de vue de l’histoire de la culture.

Parmi les livres, il y en avait des centaines qui étaient dédicacés de la part de ses amis-écrivains, notamment de Géza Gárdonyi (1863–1922), Ferenc Herczeg (1863–1954), Mihály Babits (1883–1941), Sándor Bródy (1863–1924), István Tömörkény (1866–1917) ou Ferenc Móra (1879–1934). Mais malheureusement, la bibliothèque d’Ambrus fut victime de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que la majeure partie de ses manuscrits et de ses objets personnels. Heureusement, sa correspondance, ses notes et ses esquisses, ses documents personnels ont été gardés dans son fonds d’archives, dans la collection de la Bibliothèque nationale Széchényi, de l’Académie des Sciences de la Hongrie et du Musée littéraire Petőfi, à Budapest774.

Du point de vue de l’ensemble de son œuvre, ses écrits – articles, chroniques, comptes rendus, critiques, récits courts, romans publiés en feuilleton – sont très importants. Il faut souligner que plusieurs de ses œuvres, essentiellement chroniques, critiques littéraires et artistiques, mais aussi traductions furent publiées seulement dans des revues de l’époque.

Ambrus a consacré une attention particulière à l’édition de son son œuvre complète, parue en seize volumes entre 1906 et 1913 chez les Frères Révai sous sa direction. Pendant ce travail, il a parcouru et choisi parmi ses œuvres celles qu’il pensait mériter une nouvelle publication en volume, même s’il s’agissait, dans la plupart des cas, des œuvres écrites et publiées sous l’influence de l’actualité journalistique, mais en même temps des œuvres qui étaient rédigées en quelque sorte, selon lui, sur des phénomènes généraux et éternels775. Son fonds d’archives est important et informatif également de ce point de vue.

773 Voir les recherches de Judit Karafiáth sur les Frères Tharaud : « La Hongrie vue par Jérôme et Jean Tharaud », in Mille ans de contacts. Relations franco-hongroises de l’an mil à nos jours, Szombathely, Département de Français de l’école Supérieure Dániel Berzsenyi, 2001, p. 311–323. et id., « Les Frères Tharaud, la Hongrie et les Juifs », in Revue d’Études françaises, Budapest, 2019, numéro hors série, p. 62–68. Voir la version en ligne sur ce lien : http://real.mtak.hu/102095/1/Revue_2019_hors_serie.pdf (consulté le 7 mai 2020) Sa conférence sur ce sujet dans le cadre du colloque suivant de 2018 à Budapest : https://iti.btk.mta.hu/hu/esemenyek/konferencia/605-nemzetkozi-konferencia-a-20-szazadi-francia-magyar-irodalmi-kapcsolatokrol1 (consulté le 7 mai 2020)

774 Voir Zoltán Fallenbüchl, op. cit., p. 544. et l’Annexe de notre thèse.

775 Cf. „...a napnak írt karcolatokat érdemes-e és szabad-e másodszor is, s most már könyv alakban kiadnom […]

Ha mégis megjelentek, ennek magyarázata vagy mentsége: az a hitem (vagy talán csak képzelődésem), hogy ezek a zsörtölődések, tréfálkozások vagy mélázások tulajdonképpen nem naphoz kötött, hanem hosszú időn át újra meg újra ismétlődő, általános jelenségekről szólnak.”, in Zoltán Ambrus, « Post scriptum », in id., A tegnap legendái. Tollrajzok. Ambrus Zoltán Munkái [Les légendes d’hier. Esquisses à la plume. Les œuvres de Zoltán Ambrus] (1913), éd. cit., p. 288.

VI. 2. Le fonds d’archives de Zoltán Ambrus dans les collections publiques de la Hongrie

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