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Les anthropologies philosophiques dans les années 1960

In document Le sujet et sa morale (Pldal 59-62)

Dans quel climat philosophique général se pose le problème de l’homme, sa naissance et sa mort dans l’œuvre de Michel Foucault ? On peut dire que les années 1940 et 1960 siècle étaient les décennies les plus intéres-santes de ce point de vue.

95  Convesazione con Lévi-Strauss, Foucault, Lacan, Milano, 1969. Rizzoli, p. 94-95 96  Cfr: Michel Foucault: Les mots et les choses, Paris, 1966. (Dans le texte: MC:)

Il faut dire que même beaucoup plus avant, au début du siècle passé, le problème de l’homme était déjà débattu. Notamment sous l’influence de Nietzsche, fut évoquée la dissolution de l’individu, de l’homme. Le poète hongrois Endre Ady (influencé dans une de ses périodes créatrices par Nietzsche) remarquait ainsi que „Tout ce qui fut entier s’est dislo-qué”97, paroles prises de l’œuvre du philosophe allemand, Also Sprach Zarathustra. Selon Wittgenstein „le sujet pensant et réfléchi n’existe pas”,

„le sujet n’appartient pas au monde, mais il est la limite du monde”. En revanche, les personnalistes, comme par exemple Emmanuel Mounier, prêchaient la priorité de la personne humaine par rapport à la néces-sité matérielle. Dans l’anthropologie allemande, chez Gehlen, Rickert, Scheler, Cassirer et d’autres, on trouve l’idée que l’homme est capable de rompre avec ses liens qui l’attachent à son environnement naturel et qu’il est prêt à vivre comme „être ouvert au monde”. Un des traits caractéristiques de l’homme est qu’il est créateur des valeurs, et un être de culture (Rickert), ou d’esprit (Scheler). C’est l’humanisme qui est au centre des anthropologies religieuses. Jacques Maritain soutenait ainsi la thèse de l’humanisme théocentrique selon lequel l’homme est capable de s’accomplir. Parmi les marxistes occidentaux, il faut mention-ner le nom du philosophe italien Antonio Gramsci, pour qui la question de l’homme est „le premier et le majeur problème de la philosophie”98. L’homme est „l’ensemble des rapports sociaux parce qu’il englobe en soi l’idée de devenir : l’homme sera, devient quelque chose, il se trans-forme toujours selon les changements des rapports sociaux”99. L’autre philosophe proche du marxisme mais qui n’hésita pas à le critiquer est Jean-Paul Sartre. Selon lui – comme nous allons voir plus tard – „la réa-lité humaine” manque dans le matérialisme historique100. Selon Sartre, le marxisme risquait de devenir une „anthropologie inhumaine” s’il n’inté-grait pas la catégorie de l’homme. György Lukács, lui répondit dans un

97  Le poème d’Endre Ady intitulé Le chariot nocturne est traduit par Yves Bonnefoy.

98  Voir aussi ma monographie: Gramsci politikai filozófiája (La philosophie politique de Gramsci), Szeged, 1991. éd. Szegedi Lukács Kör.

99  Antonio Gramsci:Quaderni del carcere, Tourin, (édition critique), 1975. éd. Einaudi, p.

1343-1344. (la traduction est la mienne). Il dit: „l’uomo è un processo e precisamente è il processo dei suoi atti” (Q. 1344.).

100  Jean-Paul Sartre: Questions de méthode, Paris, 1986. p. 31.

livre polémique101. Heidegger, de son côté, fit la critique de Sartre dans sa „Lettre sur l’humanisme” de 1946. Selon lui, tout humanisme part de l’hypothèse qu’il existe „l’essence la plus générale de l’homme”, et ce sans avoir questionné „la vérité de l’être”102. Il effectua une critique de la thèse de l’humanisme selon laquelle „l’homme est un animale rationale”, car selon lui le mode d’existence particulier de l’homme est son „ex-sis-tence”. Lukács ne put accepter cela, et il répondit dans son Heidegger redivivus en 1949. Selon lui Heidegger „basculait entre le subjectivisme extrême et le pseudo-objectivisme” car le concept „das Man” ne contient pas des „relations sociales” et la vraie objectivité se trouve dans le concept de Dasein ; et „l’ontologie de Heidegger est démasquée comme une anthropologie” – dit Lukács. Sartre justement avait bien compris cet aspect de la philosophie heideggérienne quand il mit au centre de sa propre philosophie la notion de „réalité humaine” comme seule objecti-vité possible. Et il confronta la conception de l’humanisme de Heidegger, et celle de „l’humanisme le plus évolué de la bourgeoisie”, c’est-à-dire de Goethe et de Hegel. Cet humanisme part de la thèse que l’homme, originellement un produit de la nature, au fil de l’histoire, va devenir un être capable de réaliser, dans le futur, ce que ses possibilités lui per-mettent103. Lukács, donc, expose une conception dynamique de l’homme qui ressemble beaucoup à celle de Gramsci.

Le thème d’une conférence de Jacques Derrida, tenue en 1968 à New York, intitulée Les fins de l’homme, est digne d’attention, car en rap-port avec le débat sur l’humanisme et avec l’interprétation de Dasein heideggérien. Selon Derrida, c’est en raison de la „lecture anthropolo-gique” du Dasein, faite par Sartre, qu’Hegel, Husserl et Heidegger „ont été lus de façon anthropologique”104 en France. Tout cela a été suivi d’une vague antihumaniste et anti-anthropologique à laquelle Michel Foucault appartenait. Il formula son antipathie et sa conception d’une

101  György Lukács: L’existentialisme ou marxisme?, Voir la version en italien: Esistenzia-lismo o marxismo?, Milan, 1995. Aqcvaviva, p. 143-144. (dans le texte nous nous ser-vons de cette édition).

102  Martin Heidegger: Was ist Metaphysik?, Frankfurt am Main, 2006. Verlag Vittorio Klos-termann, p. 45.

103  György Lukács parle de Heidegger dans son Heidegger redivivus. Il existe seulement la version en hongrois: A polgári filozófia válsága, Budapest, 1949. Éd. Hungária, p. 213.

104  Jacques Derrida: Les fins de l’homme, in: Marges de la philosophie, Paris, 1972. Minuit, p. 140.

séparation de l’idée et de la praxis de l’humanisme, dans un de ses essais inspiré par Kant, intitulé Qu’est-ce que les Lumières ? : „Le marxisme a été un humanisme, l’existentialisme, le personnalisme l’ont été aussi ; il y eut un temps où on soutenait les valeurs humanistes représentées par le national-socialisme, et où les staliniens eux-mêmes disaient qu’ils étaient humanistes”.105 Il y ajoute que malgré cette mauvaise réputation du mot, on ne doit pas refuser tout ce qui se réclamait humaniste, mais qu’il faut établir une distinction nette parmi les conceptions et on ne peut pas admettre l’humanisme comme l’axe d’une philosophie sérieuse.

In document Le sujet et sa morale (Pldal 59-62)