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La dynamique des idées philosophiques dans la première moitié du 20ème siècle

In document Le sujet et sa morale (Pldal 70-75)

Le débat entre Sartre et Lukács sur le sujet

répandu chez les philosophes en Allemagne, en Italie, en Grande-Bre-tagne et en France ; le sujet, l’individu, étaient conçus comme des enti-tés neutres, faciles à décrire avec les méthodes des sciences positives ou expérimentales. L’avancée de telles idées signifiait, en même temps, le recul de la tradition métaphysique et celui de la philosophie morale.

C’était l’époque où l’importance de l’homme et sa dimension éthique passaient en arrière-plan.

Ce n’était pas par hasard que beaucoup de penseurs au début du 20ème siècle – tels Henri Bergson ou Benedetto Croce – ont commencé leur carrière en analysant certaines thèses du positivisme et les ont critiquées vivement ; l’idéalisme était cependant divisé en différentes écoles : le néo-kantisme, le néo-hégélianisme. Cette dynamique entre tendances contraires, positivisme, matérialisme, idéalismes a véritable-ment marqué le début du siècle

1.1. Le positivisme a une longue histoire en France à partir d’Auguste Comte114. Pour lui, l’individu n’avait aucun intérêt et il ne fallait pas le considérer, tout comme la subjectivité qui est un sentiment, ou affec-tivité, coupée du monde social et historique. Ce qu’il importait d’étu-dier, de décrire, c’étaient les faits sociaux et pas l’individu. Le positi-visme s’est scindé en deux écoles en France à la fin du 19ème siècle, celle d’Émile Littré, et une école plus orthodoxe, proche du Maître : celle de Pierre Laffitte. Cette pensée positiviste a exercé de l’influence sur d’autres disciplines. Elle a nourri, par exemple, la sociologie d’Émile Durkheim. La méthode de la recherche devait être positive, dans le sens qu’il importait de traiter les faits sociaux comme des choses. À l’école durkheimienne appartenaient des savants comme Marcel Mauss, théo-ricien du „fait social total”, ou Lucien Lévy-Bruhl selon lequel la morale théorique n’avait plus de sens et devait être dépouillée des subjectivités et remplacée par la „physique des mœurs”.

1.2. Le néopositivisme continua et enrichit les thèses du positivisme classique. Ludwig Wittgenstein, par exemple, „s’est interdit toute

114  Cfr. Jean-Louis Dumas: Histoire de la pensée. Philosophies et philosophes, 3. Temps modernes, Paris, 1990. Éditions Tallandier.

proposition métaphysique, éthique et esthétique”115. Au lieu de l’homme, Wittgenstein s’occupa de la critique du langage. La tâche de la philo-sophie ainsi comprise, est donc de rendre claires les propositions du langage, et pas d’élucider l’homme en sa totalité. Même démarche aussi – un peu plus tard – des représentants du Cercle de Vienne, tels Moritz Schlick ou Rudolf Carnap. Pour eux, ce qui comptait en philo-sophie, était la méthode scientifique de vérifiabilité. „Tous les énoncés métaphysiques sont vides de sens, puisqu’il n’existe pas à leur propos de méthode de vérification”116. L’émergence de ces tendances, explique comment en revanche, beaucoup d’autres – comme Sartre – se sont inté-ressés en réaction aux problèmes socio-politiques.

1.3. L’économisme (ou matérialisme vulgaire) a été assez répandu en Europe dans la philosophie du début du 20ème siècle. La simplification des idées marxistes en économisme, en économie déterministe, a pu produire une interprétation déformée de l’histoire. Ce courant d’idée fut présent aussi en France chez Jules Guesde ou Benoît Malon, dont les conceptions conduisirent Marx à affirmer : „ce qu’il y a de certain c’est que moi, je ne suis pas marxiste”.

Sartre critiqua en 1946 le „matérialisme” dans son étude intitulée Matérialisme et révolution, en disant que „le matérialisme est une méta-physique dissimulée sous un positivisme.” (SP. 84.) Cette sorte de maté-rialisme (comme celui de Garaudy et de certains marxistes) tend à „sup-primer la subjectivité humaine” – ajouta-t-il – „au profit de l’objet” (SP.

85.). Mais le „matérialisme” est une doctrine qui „détruit la pensée” et le rôle du sujet (SP. 105.) et c’est pour cela que Sartre l’appelle „mythe”

qu’il ne peut pas accepter.

1.4. La renaissance de l’idéalisme. Ferdinand Brunetière le 2 février 1896, dans sa conférence prononcée à Besançon, donna une impulsion à la renaissance de l’idéalisme en France (et en partie en Europe aussi).

Contre la „tyrannie des faits” il prôna l’importance de l’imagination et

115  Cfr. François Stirn: Les grands penseurs contemporains, Paris, 1998, Armand Colin, p. 41.

116  Ibid., p. 38.

des idées, „la souveraineté de l’idée sur les faits”117. Il ne s’agissait certes pas d’un refus total des faits, mais de la reconnaissance des idées :

„nous ne saurions méconnaître la grandeur de la science, mais nous ne saurions admettre non plus qu’elle se fasse l’arbitre de la vie humaine”.

La route de l’idéalisme n’était pas si facile que cela : Maurice Blondel, deux ans après, écrivit un article intitulé: „L’illusion idéaliste” notant que l’être et la pensée, l’existence et l’essence sont unis dans la vie. En France, l’idéalisme de Jules Lachelier, kantien convaincu, et la philoso-phie de l’esprit de Léon Brunschvicg dominèrent, mais le réalisme et le positivisme se défendirent à leur tour. Une vraie discussion naquit entre ces deux tendances d’idées contradictoires.

La „philosophie nouvelle” d’Henri Bergson mérite une place à part dans ce tableau118. L’auteur de l’Essai sur les données immédiates de la conscience eut une influence considérable sur l’évolution intellectuelle du jeune Sartre. Le concept bergsonien du „moi profond” semble avoir influencé le concept de l’Ego sartrien119 ; suivant en cela les idées expri-mées dans L’évolution créatrice ; mais bientôt Sartre commença à cri-tiquer Bergson et son œuvre. Cela se voit, par exemple, dans L’Être et le Néant où il n’accepte pas la notion de la durée. Sartre ne pouvait pas accepter non plus – étant athée – le point de vue moral d’inspiration catholique exposé par Bergson dans Les deux sources de la morale et de la religion de 1932.

1.5. L’influence de l’idéalisme allemand

L’histoire de la pénétration des idées hégéliennes en France commença dès le 19ème siècle, où elles eurent une influence considérable. Sartre connaissait les thèses de Hegel, vues pendant ses études. Mais la pré-sence de ces idées était évidente également chez le grand commentateur

117  Ferdinand Brunetière: La renaissance de l’idéalisme, Paris, 1896. Librairie de Fir-min-Didot, p. 25.

118  Cfr. L’actualité d’Henri Bergson, Paris, 2012. Archives Karéline. On a parlé du rapport entre Bergson et Sartre pendant la rencontre annuelle du Groupe d’Études Sar-triennes en 2012, à Paris.

119  Roland Breeur: Bergson’s and Sartre’s Account of the Self in Relation to the Trans-cendental Ego, in: International Journal of Philosophical Studies, 2001. vol 9. n. 2. p.

177-198.

de Hegel, Alexandre Kojève, que Sartre a beaucoup apprécié. Chez Kojève on peut voir et détecter un rapport assez direct entre Hegel et Heidegger120. À l’aide de Kojève, Sartre peut retrouver la route (déjà préparée par d’autres influences) vers la métaphysique traditionnelle, mais il cherche à la renouveler. L’interprétation kojévienne de Hegel met l’accent sur la dialectique du „maître et de l’esclave”, lue dans une pers-pective anthropologique et historique. Mais – après ses études faites à Berlin avec Karl Jaspers – Kojève subit, de son côté, l’influence de l’exis-tentialisme „négatif” de Heidegger121. Ce pessimisme de Heidegger reste un des traits caractéristiques de l’existentialisme de Sartre aussi, qui va être renforcé par ses séjours en Allemagne dans les années Trente. Cet aspect pessimiste et la prégnance du sentiment d’aliénation sont aussi présents dans les œuvres littéraires de Sartre de cette époque, comme La nausée (1938), et les nouvelles du volume Le mur (1938), voire plus tard.

Le réalisme du positivisme et de la sociologie, le soi-disant „maté-rialisme”, la renaissance de l’idéalisme, et la naissance de la phénomé-nologie, composent une dynamique dans laquelle Sartre a commencé sa carrière philosophique.

2. Le jeune Sartre, au lycée Henri IV, eut comme professeur de philo-sophie le penseur Alain (pseudonyme d’Émile-Auguste Chartier très reconnu à l’époque ; un humaniste cartésien, rationaliste, convaincu profondément par les valeurs démocratiques, et athée. Cette influence reste définitive pour Sartre – selon nous – pendant toute sa vie. N’est-ce pas le témoignage de la présence de la pensée de Descartes que l’im-possible séparation du „pour-soi” (autrement dit : le sujet) et de „l’en-soi” (autrement dit : l’objet) comme deux entités unies ? Même dans La liberté cartésienne il évoque les influences de Descartes. Pour Sartre c’est la subjectivité qui est au premier plan, comme le note Jean Vioulac :

„On appelle ainsi philosophie de la subjectivité toute pensée qui fait de la conscience de soi le fondement de toute vérité”122. Ici, l’imaginaire joue

120  Cfr. Jean Wahl: Tableau de la philosophie française, Paris, 1962. Éditions Gallimard, p. 149.

121  La distinction entre l’existentialisme négatif et l’existentialisme positif est assez connue dans la littérature spécialisée. Cfr. Tibor Szabó: Abbagnano pozitív egzisz-tencializmusa, (L’existentialisme positif d’Abbagnano), in: Magyar Filozófiai Szemle, 1994. n. 3-4. p. 509-514.

122  Jean Vioulac: La liberté cartésienne, Le Point, avril – mai 2008, n. 17. p. 22.

un certain rôle dans la conscience123. Sartre déjà dans ses œuvres de jeu-nesse (L’Esquisse d’une théorie des émotions et dans La transcendance de l’Ego) cherchait à trouver une réponse acceptable et originale aux questions posées par les philosophies de l’époque. Dans cette aspiration, il était orienté par la phénoménologie d’Edmund Husserl, étudiée avec enthousiasme durant sa jeunesse.

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