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L’absurde

In document Le sujet et sa morale (Pldal 44-47)

Presque concomitamment, Csere János Apáczai, János Halasy-Nagy et les philosophes italiens du 20ème siècle eurent la même sensation en lisant Descartes : à savoir qu’il faut prendre au sérieux son désir de voir la philosophie servir à la connaissance de la vie quotidienne, et ne pas rester uniquement un savoir abstrait, même si – naturellement – elle repose sur des principes philosophiques stables.

philosophique, en étant romancier et philosophe70, avec comme notions centrales l’absurde (comme chez Kierkegaard), et la révolte. On pourrait d’ailleurs le caractériser comme le véritable philosophe de l’existentia-lisme. Dans les travaux d’histoire de la pensée philosophique, en géné-ral, Camus est placé à côté de Sartre, Marcel et d’autres, mais n’est pas toujours cité dans des histoires de la philosophie. Mais pour nous, il est évident que dans ses romans – L’étranger ou La peste –, dans ses pièces – Caligula ou Les Justes – et dans ses œuvres théoriques –L’homme révolté ou Le mythe de Sisyphe – il apparaît comme un des philosophes français les plus importants du 20ème siècle71.

Au centre de sa philosophie se trouve, donc, la notion de l’absurde.

Comme il l’affirme : l’absurde est son point de départ, „c’est la première de mes vérités”. Il essaya de donner une définition de l’absurde sans la réduire à une seule signification, ainsi dans Le Mythe de Sisyphe que :

„le simple « souci est à l’origine de tout » ou : „cette étrangeté du monde, c’est l’absurde”, ou „cette nausée…c’est aussi l’absurde”. Beaucoup de définitions qui conduisent au même point : l’absurde est la condition humaine pour lui.

On pourrait se demander si l’absurde chez Camus est un sentiment, ou mieux: „une énumération des sentiments” ou même l’état ontologique de la situation socio-politique de l’époque ? Selon Jean-Paul Sartre, à propos de L’étranger, „ce mot (l’absurde) prend, sous la plume de M. Camus, deux significations très différentes : l’absurde est à la fois un état de fait et la conscience lucide que les personnes prennent de cet état”72. Ce double sens du mot rend quelquefois difficile à comprendre l’essence de la pen-sée de Camus, mais dans le même temps, par cette équivocité, Camus dresse un tableau complet de l’homme et de la situation dont il parle.

70  Il est vrai même si dans quelques-une d’histoire de la philosophie, Camus n’est pas cité (comme par exemple dans le Tableau de la philosophie française de Jean Wahl) ou peu analysé (comme dans l’Histoire de la pensée. Philosophies et philosophes de Jean-Louis Dumas). Mais selon le professeur émérite à l’Institute for Advanced Studies de Princeton Michael Walzer: „homme de lettres et moraliste, Camus représente la vieille tradition française”. Cfr. Michael Walzer: Le choix d’Ulysse, in: Albert Camus. La pensée révoltée, Philosophie magazine. p. 56.

71  Il en parle ainsi à Stockholm où il a reçu le prix Nobel en 1957. „J’avais un plan précis quand j’ai commencé mon oeuvre: je voulait d’abord exprimer la négation. Sous trois formes: romanesque, dramatique et idéologique…”.

72  Jean-Paul Sartre: Meursault est innocent, in: PhM. pp. 47-48.

Mais l’absurde revêt aussi un troisième aspect : le rapport entre les sentiments des individus et le monde où l’homme vit. Analysant l’œuvre de Camus, le philosophe spécialiste des questions morales, André Comte-Sponville souligne que selon Camus „rien n’est absurde en soi. L’absurde naît toujours d’une comparaison entre deux ou plu-sieurs termes disproportionnés ou antinomiques…”73. Comte-Sponville cite le fameux exemple de Camus (tant de fois expérimenté en Europe Centrale) que „si je vois un homme attaquer à l’arme blanche un groupe de mitrailleuses, je jugerai que son acte est absurde”. Donc, selon Camus, il n’est pas suffisant de dire que le monde est absurde, ni que l’homme lui-même soit absurde, mais l’absurde est leur face-à-face, leur liaison.

„L’homme se trouve devant l’irrationnel. Il sent en lui son désir de bon-heur et de raison. L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde” – dit Camus. En somme, l’absurde fait le lien entre le monde et l’homme. Dans l’absurde, Camus constate le manque d’espoir, de satisfaction et d’amour, mais il est en même temps la „conscience et refus de la mort” et du suicide. Mais y-a-t-il une possibilité de délaisser l’absurde et afin de se lancer dans la quête d’autres buts? Pourquoi Camus répète-t-il tant de fois suivant Œdipe, que „je juge que tout est bien” ? C’est parce qu’il pense qu’il n’y a pas d’absurde sans révolte.

En ce qui concerne L’étranger et son protagoniste Meursault : com-ment peuvent-ils jugés de ce point de vue ? Hannah Arendt donne une interprétation valable sur L’étranger. Selon la philosophe américaine d’origine allemande, „le héros du livre, l’étranger, est un homme ordi-naire qui refuse tout simplement de se soumettre à l’esprit de sérieux de la société, qui n’accepte pas de se conformer aux obligations des fonc-tions qu’elle lui attribue”74. Donc, Meursault ontologiquement n’est pas un „homme sérieux”, il ne veut pas l’être et son état réel le pousse à un sentiment caractéristique de l’absurde : la révolte.

Mais la situation de l’homme absurde (comme Meursault) n’abou-tit-elle pas toujours au suicide et pas seulement à la révolte ? Le geste de l’antihéros du roman n’était-t-il pas, involontairement suicidaire?

Meursault s’est pratiquement condamné à mort en tuant l’Arabe. C’est

73  André Comte-Sponville: L’absurde, de la révolte à la sagesse, in: PhM. p. 17.

74  Hannah Arendt: L’existentialsime expliqué aux Américains, in: PhM. p. 119.

en acceptant son état de lassitude, qu’il finit par commettre un acte cri-minel, une „action gratuite”, notion chère à André Gide. Il n’a pas pris conscience de ce qu’il allait faire. Il n’a pas dominé ses passions, ses sentiments, Meursault est tel un Bouddha occidental – comme dit Atiq Rahimi75. Quelle est la cause de ce comportement ? Selon la lecture sar-trienne de Camus „l’étranger qu’il veut peindre, c’est justement un de ces terribles innocents qui font le scandale d’une société parce qu’ils n’acceptent pas les règles de son jeu.” (PhM. 48.) En ce sens, Arendt et Sartre se rejoignent quant à leur appréciation du roman.

In document Le sujet et sa morale (Pldal 44-47)