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L’autonomie de sa pensée

In document Le sujet et sa morale (Pldal 122-125)

3. Les changements d’orientation théorique

3.2. L’autonomie de sa pensée

Dès le début de sa carrière, Lukács fut toujours conscient du rôle impor-tant qu’il pourrait jouer dans l’histoire de la philosophie. Il a tout subor-donné dans sa vie à la «Grande Œuvre» qu’il devait écrire. Cette volonté tenace a déterminé son caractère, son identité. Il ne voulut jamais deve-nir autre qu’un philosophe authentique. En suivant des chemins escar-pés, il arriva à son but. Là réside, selon nous, sa conception originale, autrement dit la philosophie lukácsienne.

Son originalité consiste dans le dépassement graduel des tendances philosophiques et esthétiques qu‘il avait traversées. Entre-temps, il avait accumulé une grande connaissance non seulement des thèses des philosophes antérieurs et contemporains, mais à l’aide de la méthode analytique concrète, il réussit à s’approprier la capacité d’analyser et de comprendre la réalité.

La force de la pensée de Lukács consiste, donc, dans sa capacité à ne jamais rester enfermé dans un seul cadre théorique. Il est arrivé à connaître, comprendre, un certain nombre de tendances : l’existentia-lisme, les philosophies de Hegel, de Fichte, de Kant, le sociologisme de Max Weber et Georg Simmel, l’anarchosyndicalisme de Georges Sorel (à travers la pensée de Ervin Szabó). Il fut influencé par l’ontologie de

183  György Lukács: Ontologia dell’essere sociale (traduzione di Alberto Scarponi), Roma, 1981. Editori Riuniti, p. 41.

Nikolai Hartmann, et naturellement par le Marx de diverses périodes (le jeune Marx et Marx de la maturité). Il voulut toujours arriver au

«marxisme authentique», en rejetant le marxisme vulgaire, dogmatique.

En suivant son itinéraire, nous retenons qu’il est parvenu à se trouver lui-même.184

Nous voudrions illustrer notre thèse avec deux exemples probants, nous semble-t-il. Le premier est son interprétation originale des Thèses sur Feuerbach de Marx. Dans un entretien avec son ancien collègue du Cercle de Dimanche des années dix, Arnold Hauser, Lukács s’exprime de la manière suivante: «la grande découverte de Marx qu’on peut lire aussi dans les Thèses sur Feuerbach, est que la singularité et l’indivi-dualité de l’homme ne peuvent pas être séparées de la généralité».185 Lukács livra ensuite une longue explication historique du développe-ment de la singularité et de l’individualité, celle-ci devenant «homme social», parce que «dans la réalité, il n’existe pas de dualité entre l’in-dividu et la société». Il est vrai que c’est une question très complexe et notre tâche ici ne peut pas être de la résoudre une fois pour toute. Ce qu’il nous faut dire maintenant, c’est que chez Marx, dans les Thèses sur Feuerbach, la pensée peut être résumée ainsi : «l’essence de l’homme, dans sa réalité, est l’ensemble des rapports sociaux». Ici, Marx ne parle pas de la singularité ou de l’individualité, mais «tout simplement» de l’homme, et plus précisément de «l’essence de l’home». C’est Lukács qui le traduit dans ces termes. Et il ajoute encore que «notre tâche, en fait, est de trouver les grands principes philosophiques, principes fondamentaux qui se trouvent chez Marx, et de les appliquer d’une manière autonome pour l’évolution ultérieure, parce ce que si génial que soit Marx, il est décédé dans les années Quatre-Vingt du siècle passé, et dans les quatre-vingts dernières années, il se produisit beau-coup de nouveautés.».

L’autre exemple est la conception de l’aliénation chez Marx et chez Lukács. Sur ce thème, on a beaucoup écrit jusqu’ici.186 Nous voudrions

184  Voir mon article publié á Ankara: Lukács’s Road to Himself, in: The proceedings of the Twenty-First World Congress of Philosophy, vol 11. Contemporary Philosophy, Ankara, 2007. Philosophical Society of Turkey, p. 37-39.

185  Arnold Hauser. Találkozásaim Lukács Györggyel, op. cit. p. 21

186  Une des dernières explications du problème a été donné par Nicolas Tertulian: Alié-nation et désaliéAlié-nation: une confrontation Lukács – Heidegger, in: Actuel Marx, 2006.

n. 39. p. 29-53.

souligner seulement un seul trait caractéristique de l’interprétation lukácsienne. La thématique de l’aliénation a notamment été traitée dans les Manuscrits économiques et philosophiques de 1844. L’aliénation concerne justement le problème de l’identité et de l’activité humaine.

Dans Histoire et conscience de classe Lukács ne traite pas directement de l’aliénation, mais seulement de la réification (ou chosification). Il iden-tifiait encore la réification avec l’extériorisation ; c’est à dire le phéno-mène par lequel le travailleur, durant son labeur, en objectivant ses capa-cités, perd son intégrité spirituelle personnelle. L’objectivation devient ainsi la chosification, l’extériorisation de la capacité productive. Plus tard, Lukács retourna à ce problème très important et il fit la critique de cette conception en faisant la distinction entre objectivation, réifica-tion et aliénaréifica-tion. Les phénomènes d’aliénaréifica-tion se multiplient avec le développement de la production capitaliste, qui crée les conditions de la manipulation.

Mais chez Lukács le terme d’aliénation se rattache à un autre, à celui de la manipulation dont il distingue deux formes : celle brutale (des ‘soviets’) et celle plus insidieuse (de la «démocratie bourgeoise»).

Toutes les deux ont des effets tragiques sur l’individu social, parce qu’il perd son autonomie. L’autonomie conquise du sujet devrait être pour-tant fondamentale pour que «l’homme puisse s’élever au niveau d’une vraie et authentique personnalité». Le philosophe hongrois revient sur ces thèmes, dans un chapitre de sa dernière œuvre, l’Ontologie. Dans cet ouvrage, il réussit à développer, commenter, enrichir, les pensées de Marx sur l’aliénation.

Lukács savait bien que dans la philosophie «il faut prendre position d’une manière autonome dans le présent et dans le passé également».

Cette idée qui se trouve dans la conversation avec Hauser, revient aussi dans la Postface au volume intitulé Mon chemin à Marx, quand il répète:

«je retiens comme étant le devoir central de ma vie d’appliquer juste-ment la conception du monde marxiste-léniniste dans les domaines que je connais, et que, si cela est important pour faire la lumière sur des faits découverts récemment, je la développe comme il faut.»187

187  György Lukács: Curriculum vitae, op. cit. pp. 228-9.

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