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Bergson et le bergsonisme

In document Le sujet et sa morale (Pldal 33-37)

Le philosophe français sans doute le plus proche de Halasy-Nagy est Henri Bergson52, évoqué dans presque dans tous ses livres, quelques essais étant même dédiés à sa philosophie.

Il introduit la pensée de Bergson en soulignant que le positivisme a beau avoir voulu „chasser” de la philosophie la métaphysique, celle-ci est toujours revenue, en une forme plus parfaite53. En effet, Halasy-Nagy apprécie beaucoup la philosophie de Bergson „mettant en contraste la science et la philosophie”, parce que la science dérive de la raison, la philosophie, en revanche, de l’instinct. Seul ce dernier est capable de pénétrer jusqu’au fond des choses et de comprendre les messages que la science est incapable de percevoir à l’aide de la raison. La philosophie est aidée dans cette opération par l’intuition, animée par l’élan vital, cet élan vital qui n’est pas autre chose qu’une „création continue”.

À ce propos, Halasy-Nagy répète plusieurs fois que c’est l’esprit fran-çais qui se manifeste chez Bergson. Selon le philosophe hongrois, ce qui est important pour la philosophie, en général, est de savoir si elle est seulement une contemplation, ou si elle a aussi une relation active à la réalité. Selon lui, c’est seulement l’esprit français qui reflète le mieux la vocation active de la philosophie : „c’était là où beaucoup de gens vivaient selon les instructions de la philosophie, parce qu’ils n’ont pas

51  Op. cit., p. 83.

52  Sur Bergson cfr: L’actualité d’Henri Bergson, Paris, 2012. Éd. Archives Karéline – Insti-tut Français de Budapest.

53  Dr. József Nagy: Gondolkodók, op. cit., p. 81.

séparé les principes et la pratique”54. En ce sens la raison (la science), et l’intuition (la philosophie) jouent également un rôle principal. L’homme est, donc un homo faber, mais pas un homo oeconomicus ! Halasy-Nagy refuse la conception de l’homme-machine exprimée par De La Mettrie, qui aboutit à la mécanisation de toute la civilisation européenne au nom de la raison55. Halasy-Nagy ne pouvait absolument pas accepter une thèse pareille, et c’est pour cela qu’il met l’accent sur l’instinct, sur les sentiments et sur l’intuition.

Quand Bergson publia sa monographie intitulée Les deux sources de la morale et de la religion, Halasy-Nagy la commenta rapidement. Rappe-lant que le nom de Bergson est connu, en raison de L’évolution créatrice, il jugea néanmoins son œuvre sur la morale plus importante. Procédant à l’analyse de ce livre, Halasy-Nagy exerça de nouveau une critique du positivisme et – comme une autocritique – il fait l’éloge de cette œuvre et du concept de la liberté. Dans cet essai de 1944, Halasy-Nagy est beau-coup plus radical. Il constate que l’histoire de la société et de la pensée européennes, à partir de la Renaissance est un processus continu, où règne la vision du monde matérialiste et mécanique, avec pour consé-quence l’habitude prise par l’homme de devoir démissionner définiti-vement devant le droit à la liberté. Selon lui : „Hegel, Marx et Auguste Comte ont tout fait pour arracher du cœur de l’homme européen la foi de la liberté et au lieu de ça faire planter la conscience de l’inévitabilité et fatalité des événements”56. Puis avec une tournure presque théâtrale :

„Et alors, Bergson vint. Il a eu du courage de dire non aux interprétations mécaniques de l’univers”.

On déduit de ces constatations de Halasy-Nagy qu’il sut repérer clairement les signes profonds de la crise de la civilisation européenne durant la seconde guerre mondiale. Comme penseur plutôt conser-vateur, il voulut chercher une issue à cette impasse, mais il remarqua aussi la dissolution des valeurs traditionnelles, avec dépit. Pour lui c’est

54  Op. cit., p. 103-104.

55  Cfr. mon essai: Nagy kultúrkritikája, (La critique de la culture chez Halasy-Nagy), in: Scientia potestas. Tanulmányok Halasy-Nagy József filozófiájáról , op. cit., p.

67-75.

56  Op. cit. p. 270.

justement Bergson qui pouvait rendre à la culture et à la civilisation européennes la foi en le retour ces valeurs morales57.

Donc, pour cette raison, Bergson est glorifié par le philosophe hon-grois pour la reconnaissance complète de l’idée de liberté. Dans cette philosophie morale Bergson parle „de la vie morale et pas de la nature”, mais à la base de sa conception antérieure il distingue deux sortes de morale: la morale statique et la morale absolue ce qu’on a vu peu avant.

La vraie morale selon Bergson est celle qui réussit à libérer l’homme de l’esclavage des instincts, et elle élève l’homme par la force de l’amour à une région plus haute de l’existence humaine. La vocation de l’amour divin est un signe pour Halasy-Nagy, d’un besoin d’une morale tout à fait nouvelle pour la société européenne. C’est pour cela que la philosophie de Bergson donne à Halasy-Nagy la preuve de la nécessité d’un renou-vellement moral, et qu’il représente pour le philosophe hongrois un des meilleurs penseurs de l’époque moderne.

Halasy-Nagy, pendant son activité scientifique, embrassa presque toute l’histoire de la philosophie française de son début jusqu’à son époque.

Dans ce panorama presque complet on peut sentir une vraie sympathie pour l’esprit français. En sus des philosophes que nous avons présentés ici, Halasy-Nagy a aussi écrit des articles sur Anatole France, Ferdinand Brunetière, Étienne Condillac, Michel de Montaigne, Alfred De Musset, Gustave Le Bon, Émile Faguet, Maine de Biran, Félix Ravaisson, Charles Péguy, Jules Lachelier, Paul Valéry, Jacques Maritain. Il consacra une longue présentation à la pensée d’Émile Boutroux, et il connaissait aussi très bien la littérature française.

Il y a vraiment peu de philosophes hongrois qui aient donné un tableau si riche et complet de la philosophie et de la civilisation fran-çaises. Si l’on ouvre un de ses livres, nous pouvons trouver partout un auteur français. Pour cette orientation francophone, Halasy-Nagy est véritablement digne de notre attention.

57  Ce changement d’opinion est évident dans son petit essai de 1948, intitulé Életeszmé-nyeink változásai (Les changements de nos idéaux de vie), (Szeged, 1948. éd. Filozófiai Intézet). Il écrit dans cet essai de la „bête civilisée” qui sort de l’homme, du „sauvage dangereux”: „Homo homini lupus – on écrit souvent – mais même le loup devrait avoir honte en face de la bête qui peut être l’homme pour un autre homme”.

4� L’héritage cartésien dans la philosophie italienne

Sans aucun doute, René Descartes était, et reste, „le philosophe par excellence” en France. C’est lui qui a fondé le rationalisme moderne, et qui l’a diffusé partout en Europe. Sa pensée a réussi à pénétrer non seulement la philosophie, la „métaphysique” des autres pays, mais aussi la vie morale et la mentalité quotidiennes des gens. Telle était juste-ment l’intention de Descartes. Ce n’était pas par hasard – comme il le dit explicitement à la fin de son Discours de la méthode – qu’il écrivait non seulement en latin, mais aussi en français, et ce pour diffuser plus largement sa pensée. Il comptait sur le „bon sens” des gens qui est „le mieux partagé” dans le monde. C’est ainsi qu’il influença, par exemple, le philosophe hongrois, Csere János Apáczai. Dans son oeuvre principale intitulée Magyar Encyclopaedia (1653) Apáczai, parlant „des choses ter-restres”, donne des conseils pratiques aux gens pour mieux vivre. Il sui-vit ainsi son Maître, Descartes, qui – au lieu de la philosophie spéculative enseignée dans les Écoles – souhaitait retrouver „une philosophie pra-tique” plus utile dans la vie quotidienne. C’est pourquoi Descartes peut être considéré comme un des précurseurs de cette tendance de pensée – répandue surtout à la fin du 20ème siècle – dénommée aujourd’hui

„philosophie appliquée”. Et selon nous, c’est justement cet aspect de sa pensée qui a aidé à sa diffusion, partout en Europe. Et l’Italie en est un bon exemple.

En Italie le cartésianisme rigoureux n’a pas eu beaucoup de succès pendant les siècles passés, et on l’a toujours interprété suivant la tradi-tion philosophique natradi-tionale. On lui a donné une certaine actualité, ce qui souvent signifiait des formes de modification. On a ainsi parfois mis en évidence le rapport entre la raison et l’expérience ou le côté pratique de la pensée de Descartes, ou bien sa nouveauté dans le domaine de l’an-thropologie philosophique. Beaucoup de penseurs italiens soulignèrent aussi l’importance de Descartes et du cartésianisme dans la philosophie chrétienne.

En ce qui concerne la philosophie italienne du 20ème siècle, l’idéa-lisme de Benedetto Croce („la philosophie de l’esprit”), la „philosophie de la praxis” d’Antonio Gramsci et l’actualisme de Giovanni Gentile furent

prédominants, surtout dans la première moitié du siècle58. Mais dès le début des années Vingt, d’autres tendances émergèrent et mirent en cause ces philosophies : l’existentialisme, le marxisme, le néothomisme et le rationalisme critique. Excepté le marxisme, les autres tendances entretenaient un certain rapport avec le cartésianisme.

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