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poLitique des eurodéputés ?

3. Les intergroupes du Parlement européen

Quarante ans après la fondation des premiers intergroupes du Parlement européen, ces plateformes du PE demeurent quasi invisibles.

Comme il a déjà été cité dans l’introduction de notre étude, les intergroupes sont des groupements semi-officiels2 d’eurodéputés appartenant à de différents groupes politiques et ayant pour but de traiter des questions qui ne sont pas nécessairement du ressort du Parlement européen. L’objectif principal de ces groupes est de fonctionner en tant que source d’information pour les élus européens (mais également pour les représentants de la société civile qui assistent aux réunions de ces groupements de députés)3, de permettre l’échange informel de points de vue sur un sujet particulier et de promouvoir le contact entre les membres de la société civile. (Navracsics, 1998 : 116.) Richard Corbett remarque également que leurs actions tendent à entrer en concurrence avec celles des commissions parlementaires, notamment en ce qui concerne les auditions des personnes extérieures à l’enceinte parlementaire. (Corbett–Jacobs–Shackleton, 2011) A contrario, certains acteurs voient dans l’intergroupe l’un des rares forum au sein de l’assemblée européenne permettant l’examen approfondi d’une question spécifique. Dès lors, les avis sont partagés sur l’utilité de ces structures.

(Dutoit, 2003 : 123.) L’eurodéputé hongrois, Csaba Tabajdi qui exerçait la co-présidence de l’ Intergroupe des Minorités traditionnelles, communautés nationales et langues du Parlement européen (ci-après : «l’Intergroupe des Minorités traditionnelles») a souligné le rôle décisif de ces groupement d’eurodéputés dans la représentation des intérêts4, tandis que son collègue roumain, le politologue Cristian Preda estimait que cette instance semi-officielle n’exerce que des activités parallèles aux commissions parlementaires et les considérait comme un espace concurrentiel aux commissions5.

Le premier intergroupe a été officiellement reconnu en 1980. Entre 1979 et 1989, plus de 50 intergroupes se créent sur des thématiques très

2 L’activité des intergroupes relève d’une réglementation interne adoptée par la Conférence des Présidents le 16 décembre 1999 (et modifiée le 14 février 2008) qui fixe les conditions de la constitution des intergroupes ainsi que les règles de fonctionnement. Toutefois, ils ne peuvent pas exprimer l’avis officiel du PE et ne peuvent pas mener des activités susceptibles d’être confondues avec les activités officielles du Parlement.

3 Entetien avec Csaba Tabajdi, député hongrois (S&D). Bruxelles, 4 mars 2014.; Entretien avec Dorottya Demketer, conseillère politique de la députée hongroise Kinga Gál (PPE). Bruxelles, 11 octobre 2016.

4 Entertien avec Csaba Tabajdi, député hongrois (S&D). Bruxelles, 4 mars 2014.

5 Entretien téléphonique avec Cristian Preda, député roumain (PPE). 16 mai 2018.

diverses : l’industrie, le tourisme, le fédéralisme européen, les langues minoritaires, la protection des animaux etc. Ils se développent à partir de 1986–1987 avec les pouvoirs nouveaux obtenus par le PE dans le cadre de l’Acte unique européen qui a renforcé les pouvoirs législatifs du l’assemblée en introduisant de nouvelles procédures6.

Les activités des intergroupes font l’objet d’une réglementation interne adoptée par la Conférence des Présidents le 16 décembre 1999 (et modifiée le 14 février 2008) qui fixe les conditions de la constitution des intergroupes ainsi que les règles de fonctionnement. Les intergroupes ne sont pas financés par le Parlement européen, mais l’institution met à leur disposition un service d’interprétariat et des salles de réunion. Pour assurer la transparence de l’activité des intergroupes, les présidents de l’intergroupe sont tenus de déclarer tout soutien, en espèce ou en nature, que l’intergroupe reçoit pour le financement de ses activités.

Conformément aux régulations, les députés peuvent décider librement s’ils veulent participer à l’activité de l’un des intergroupes. Les membres des intergroupes peuvent établir librement leur réglementation intérieure. La caractéristique principale de ces intergroupes consiste dans le fait que les membres, dans la plupart des cas, essaient de mettre à l’écart leur identité politique et de focaliser sur la réalisation de l’objectif commun. La fréquence des réunions est fixée par la réglementation interne de chaque groupe : il y a des groupes qui organisent des réunions deux fois par an, tandis que d’autres une fois tous les deux mois et il existe également des groupes que se réunissent mensuellement. Les membres des intergroupes utilisent activement les instruments que le PE met à leur disposition: ils peuvent ainsi élaborer des décisions, et introduire des questions écrites au Conseil et à la Commission (Tuka, 2004 : 153–155.).

Ces structures se caractérisent d’une manière générale par leur absence de formalisme, par leur extrême focalisation ou spécialisation sur un domaine bien identifié et par le dépassement des lignes partisanes sur les domaines objet de discussion. On peut cependant distinguer des clivages idéologiques

6 La mise en place de la procédure de coopération avec le Conseil a conféré au PE des pouvoirs législatifs certes limités, mais réels. Cette procédure marque un tournant décisif pour la transformation du Parlement en un véritable colégislateur.

en regardant les thèmes principaux des intergroupes et les participations des parlementaires plutôt issus d’une même famille ou tendance politiques. Les thèmes écologiques, la défense des consommateurs, la création des taxes sur les capitaux ainsi que les questions du syndicalisme et de la lutte contre la pauvreté sont portés par les groupes politiques de gauche, tandis que la question de la chasse et de la pêche ou des chrétiens du Moyen Orient plutôt par la droite. Cette affirmation a été également soutenue sur la base des recherches menées par l’auteur de cet article (Brucker, 2019 : 67–69.). Ces intergroupes sont également caractérisés par une coopération étroite avec la société civile : les intérêts défendus par des élus européens dans le cadre des intergroupes sont parfois les mêmes que ceux de groupes d’intérêts ou d’organisations non gouvernementales. En plus, il n’est pas rare que les ONG fournissent à l’intergroupe une assistance matérielle et logistique. Cette coopération est bénéfique à l’ensemble des deux partis concernés en raison de l’échange d’information bi-directionnelle : les ONG et groupes d’intérêt ont par ce biais accès au PE et peuvent infléchir les intergroupes dans un sens favorable à leurs objectifs, tandis que les eurodéputés participant à l’activité de l’intergroupe profitent des connaissances sectorielles des ONG et groupes d’intérêt pour combler le déficit de personnel et d’expertise qui caractérise les institutions européennes, y compris le PE7.

Les membres d’un intergroupe peuvent également élaborer des documents, comme par exemple: déclarations communes (document exprimant l’opinion de l’intergroupe sur de différentes questions), rapports, documents politiques (analyse politique courte pour des décideurs) et documents de workshop (analyses scientifiques détaillées). Ces documents peuvent être envoyés aux différentes institutions de l’UE, ainsi qu’aux décideurs et aux gouvernements concernés. Malgré que ces documents ne soient pas contraignants, destinés plutôt à attirer l’attention de l’opinion publique et des décideurs sur des problèmes particuliers, ils jouent un rôle particulièrement important au niveau de la représentation des intérêts (Tabajdi, 2009 : 331.).

7 Déficit de personnel et d’expertise (management deficit) : les ressources humaines des institutions de l’UE sont limitées, par conséquent les institutions sont obligées de faire appel à des acteurs extérieurs la prise de décision, donc travailler avec les acteurs n’est pas seulement une option, mais c’est aussi une sorte de contrainte.

Ces structures fournissent aux élus européens des approches nouvelles sur certaines questions dont le PE peut se saisir pour porter les revendications des citoyens européens. La défense des droits de l’homme et des minorités (nationales, linguistiques, sexuelles etc.), ou le bien-être des animaux sont, par exemple, des thèmes moins abordés par les instances officielles du Parlement (commissions parlementaires, groupes politiques, session plénière etc.) que par les autres institutions européennes.

Actuellement, il y a 27 intergroupes au Parlement européen. L’activité de ces intergroupes peut couvrir tous les domaines de la société civile, comme par exemple l’économie, questions institutionnelles, coopération régionale, droits fondamentaux, éducation, culture, santé publique, environnement etc.

Les intergroupes du PE qui jouent un rôle non négligeable dans l’accumulation des connaissances nécessaires des députés européens ainsi que de leurs assistants contribuent à la professionnalisation politique des élus européens.

4. Le rôle des intergroupes du Parlement européen dans la