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ITINÉRAIRE TRANSCULTUREL

3. Présentation des chapitres et des problématiques centrales

3.3. Océanie

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monistes, mais ils peuvent également établir un champ d’inter-communication.

Ce champ peut être caractérisé par des transgressions et hybridations qui réinterprètent les contraintes de l’archipélité comme des facteurs dynamisants, libérateurs, producteurs de sens et d’interprétations plurielles. L’île dans la littérature seychelloise contemporaine, lue et écrite à la fois comme nœud de déterminations, de formes préétablies et comme noyau de libérations et d’ouvertures, offre des possibilités pour une redéfinition indianocéanienne de la notion littéraire et psycho-philosophique de contrainte.

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dimension diachronique de la crise du moi causée par l’absence d’une identification rassurante, d’une remise en cause de l’identité. L’auto-évaluation et les processus de conscientisation du sujet se situent dans une critique culturelle, politique, psychologique de la colonisation, dans un schéma de réévaluation de l’horizon épistémologique et ontologique. À cette démarche s’ajoute l’auto-critique intransigeante. Tout en conservant la référentialité individuelle, l’auteure essaie de trouver « une identité de conciliation entre la référence à l’autonomie individuelle et à la communauté d’appartenance »130 et insiste sur l’importance du « positionnement de soi sur un horizon composé de valeurs »131. L’analyse psycho-philosophique vise la réhabilitation et la revivification de la subjectivité, la redéfinition dynamique de l’axe identité-altérité.

Dans Matamimi ou La vie nous attend de Stéphanie Ari’irau Richard, on est témoin de l’histoire d’une jeune insulaire polynésienne immortalisée dans et par l’écriture. Dans ce texte, dont le titre signifie yeux de chat, yeux verts ou yeux bleus, le processus d’immortalisation se conçoit par l’élaboration éidétique de l’écriture comme démarche constitutive qui nous donne à observer les résurgences de singularités individuelles et collectives, des formules de chants ancestraux (hīmene). Le monologue de la mère de Matamimi, qui constitue le texte, est régi par une éthique de l’immédiateté132 de l’Autre (Matamimi) dont l’omniprésence installe une réciprocité dialectique dans le récit monolithique. La structuration du texte, l’omniprésence de la langue tahitienne, les formules incantatoires – porteuses de paradigmes de représentations, de croyances, de visions du monde, de mythologies, d’entrecroisements et d’inter-fécondations complexes du réel et du mythique – définissent les cadres conceptuels de l’interprétation des formulations énonciatives.

Le sous-chapitre présente une analyse structurelle-textuelle et psycho-philosophique des stratégies individuelles de la genèse identitaire133 mises en

de mourir / Avec dans les yeux / L’indifférence des hommes / Avec dans les mains le vide du monde. » SPITZ, Chantal, L’île des rêves écrasés, Pirae, Au vent des îles, 2007, p. 172.

130 PÉLABAY, Janie, op. cit., p. 86.

131 Idem.

132 VAN SEVENANT, Ann, Philosophie de la sollicitude, Paris, J. Vrin, 2001, p. 163-181. (p.

173-176. pour la notion citée)

133 « Le moi ne peut pas se comprendre uniquement comme un principe formel, car, en tant que réalité engagée dans un mode de vie social et historique, il est appelé à se transformer en

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œuvre par l’auteur, ainsi qu’une étude des implications identitaires et épistémiques/ontologiques de l’interpénétration et de la dialogicité du texte français et d’éléments tahitiens. Une telle analyse du sujet philosophique, de l’identité et de l’altérité, de la temporalité ne peut s’opérer qu’à l’aide d’un recours à une multiréférentialité conceptuelle (philosophie, psychologie, théorie postcoloniale), à une complexité transversale de paradigmes d’interprétation.

La position épistémologique fondamentale de l’œuvre se dessine dans l’herméneutique inter-personnelle qui se postule dans la suite de textes d’inspirations diverses (poésie, prose, chant ancestral) préparant le déploiement d’un texte souvent oralisé, la valeur ontologique de la parole (parau) et du texte qui font naître et renaître Matamimi en tant qu’actes langagiers créatifs dans l’espace interstitiel de l’oralité et de l’écriture, dans l’hybridité du sujet parlant (mère) et du sujet évoqué, créé (Matamimi) tout en faisant dissoudre la bipolarité des personnages principaux dans la pluralité culturelle, dans les multiples imaginaires et dans la constante interrelation du traditionnel, du mythique et de la narration individuante prenant forme au sein de la Polynésie française (Fenua).

L’écriture de Philippe Neuffer se prête à l’analyse des complexités épistémiques, culturelles de l’aire polynésienne, des paradigmes identitaires liés aux univers langagiers134, à la cohabitation, fécondation et l’inter-pénétration du français, du tahitien et d’autres langues régionales de l’Océanie135. Cet espace complexe représente une conscience de décentralisation, un réseau de transgressions et de transpositions mentales et physiques, un imaginaire de l’insularité et de l’archipélité : toute étude doit donc être ouverte pour prendre en compte les visions du monde, les épistémologies et les histoires des peuples de l’Océanie, définissant comme point de départ ou point essentiel de toute analyse les différentes stratégies et constructions de

fonction de la diversité des mondes vécus. » GAGNON, Bernard, La philosophie morale et politique de Charles Taylor, Québec, Presses de l’Université Laval, 2002, p. 23-29.

134 DRECHSEL, Emanuel J., Language Contact in the Early Colonial Pacific, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, p. 223-235.

135 TAGLIONI, François, « La Francophonie océanienne », Hermès, n° 40, 2004, p. 247-254.

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connaissance, les dynamiques langagières et les échanges et influences interlinguistiques136.

Dans l’écriture neufferienne, le français est peint et travaillé comme une langue polyphonique reflétant l’imaginaire créatif de la langue tahitienne, la présence de genres musicaux traditionnels (hīmene nota, tārava, hīmene rū'au)137 et la sonorité de diverses styles, techniques et interprétations des chants (hā’u, perepere). Le mélange des langues influe sur la connaissance de soi, l’ipséité, les processus narratifs ainsi que sur la conscience collective. À partir de l’explicitation de la structure romanesque régie par l’omniprésence de la musicalité, le chapitre met en relief les différentes modalités du plurilinguisme exercée dans l’écriture, le rôle des mots, phrases et passages en tahitien insérés, intégrés, fondus dans le texte, les enjeux linguistiques relatifs à la référence à soi-même, à la subjectivité, à l’identité. Les mots, expressions et passages en tahitien, les extraits en anglais et en allemand situent le texte français dans un champ inter-linguistique de dépassements et d’hybridations, les cultures et imaginaires s’entrecroisent, se superposent et s’enrichissent dans l’univers d’inter-pénétrations encadré par le littéraire.

L’objectif analytique du sous-chapitre consiste à découvrir les structures et les représentations de l’identité personnelle et collective dans l’œuvre de Philippe Neuffer, de les retracer jusqu’au fond des manifestations langagières pour étudier les composantes psycho-philosophiques de la subjectivité et de la collectivité dans la littérature polynésienne contemporaine.

Le dossier suivant retrace dans la poésie contemporaine de Wallis-et-Futuna divers éléments de l’héritage et de la culture, la fêlure historique138 et les déchirures civilisationnelles139 dans la reconstitution et reformulation de la conscience collective. Les textes de Vaimu’a Muliava et de Virginie

136 TYRON, Darrell, « Language Endangerment and Globalisation in the Pacific », CUNNINGHAM, Denis et al. (éds.), Language Diversity in the Pacific : Endangerment and Survival, Clevedon, Multilingual Matters, 2006, p. 97-111.

137 LINKELS, Ad, Londres, « Polynesia : the real music of paradise », ELLINGHAM, Mark et al.

(éds.), World Music : Latin and North America, Caribbean, India, Asia and Pacific, Rough Guides, 2000, p. 218-229.

138 AGER, Dennis, Identity, Insecurity and Image : France and Language, Philadelphie, Multilingual Matters, 1999, p. 1-14.

139 LOTHERINGTON, Heather, « The Pacific », FISHMAN, Joshua A. (éd.), Handbook of Language and Ethnic Identity, New York, Oxford University Press, 1999, p. 414-430. (ici p. 417-418., 426.)

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Matagi Tafilagi constituent le corpus de l’étude des dynamiques spatio-temporelles, des complexités historico-culturelles, de l’agrégat mythique, des rapports entre constellations identitaires et spécificités géographiques, naturelles. L’une des principales dimensions de l’analyse est l’inter-influence entre espace, langue et pouvoir colonial140. La poésie de Muliava et de Tafilagi examine les causes psychiques et historico-politiques du silence et cherche à s’enraciner dans la résistance et le rejet, dans la réécriture des discours occidentaux dominants de l’altérité141. La prise de parole brise l’hégémonie discursive européenne142. Il faut également souligner la perspective pluraliste et les principales composantes identitaires permettant une remise en cause et une déstabilisation143 des discours monolithiques dominants, la mise en relief des stratégies contre-discursives. L’étude cherche à examiner d’une manière détaillée les techniques du réembrassement du passé conflictuel, de la réédification du moi, de la construction culturelle plurielle, multiforme.

Le dernier sous-chapitre sonde la dimension contre-exotique et post-exotique de la représentation littéraire, la distance établie par la modalité réflexive : l’inventivité formelle, la dynamique inhérente aux œuvres et la volonté de réécrire et transformer les tensions « établissent de poétiques originales »144. Il s’agit de poétiques transgressives qui cherchent à dépasser les limites formelles et thématiques, les frontières discursives d’un exotisme dépassé et d’un contre-exotisme réactionnaire régi par des contraintes d’une dépendance contre-discursive. Les textes de Chantal Spitz, de Nathalie Heirani Salmon-Hudry, de Turo a Raapoto, de Henri Hiro et de Patrick Amaru essaient de dresser la symptomatologie des pratiques exotisantes, de défaire les clichés ethno-historiques et anthropo-culturels pour jeter les fondements d’une

140 CHOI, Yoon Ah, « The Euro in the French Pacific Press », ARRANZ, Martínez Alfonso et al.

(éds.) New Europe, New World ? The European Union, Europe and the Challenges of the 21st Century, Bruxelles, Peter Lang, 2010, p. 231-247.

141 NICOLE, Robert, « Resisting Orientalism : Pacific Literature in French », HERENIKO, Vilsoni et WILSON, Rob (éds.), Inside Out : Literature, Cultural Politics and Identity in the New Pacific, Oxford, Rowmand & Littlefield, 1999, p. 264-290.

142 « In Vanuatu, and Wallis and Futuna the social and political spaces of resistance have effectively been neutralized by successful policies of assimilation and enforced dependency.

[…] In Wallis and Futuna, literature is conspicious by its silence. » NICOLE, Robert, op. cit., p.

285.

143 Ibid., p. 275.

144 RICHARD, Claire, op. cit., p. 50.

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« esthétique de l’hétérogène »145. Il s’agit de retranscriptions de l’héritage revivifié ayant au centre l’horizon inter-subjectif, des temporalités plurielles et protéiformes, d’une visée critique de la soumission et de la marginalisation et d’une interrogation minutieuse sur les conceptions identitaires. Une vue polyscopique et le réembrassement du passé vécu, de l’héritage enrichissent l’activité conscientisante de l’écriture et créent un axe axiologique, éthique qui sert de cadre pour la description du dysfonctionnement émotionnel, des traumatismes physiques et psycho-émotionnels, des souffrances et des problèmes centraux de la réalité psycho-sociologique contemporaine.

L’encadrement analytique des textes de genres, de longueurs et de rythmes différents est assuré par l’éventail méthodologique pluriel, par le dispositif théorique hybride de l’horizon herméneutique psycho-philosophique146.

Chantal Spitz, Titaua Peu et Mataa’ia’i analysent dans leurs écrits, d’une

manière approfondie et détaillée, la « microphysique du pouvoir »147 (post-)colonial, symbolique, culturel, religieux. Parallèlement, elles mettent à nu

la macro-physique de la domination également, le « discours doxique culturel »148. Cette démarche critique sert à reconceptualiser et réhabiliter les composantes perdues, dominées, oubliées de l’identité, à la transformation des concepts et perceptions identitaires en vue d’un « repli interrogatif sur soi »149. L’objectif de l’attitude auto-critique150 est de renouveler les paradigmes « des écritures du moi »151, de les remettre en question pour les analyser dans le

145 Idem.

146 Cette pluralité méthodologique comprend l’ordre intentionnel ontologique, l’analyse de la subjectivité et des stratégies poétiques d’autodépassement également. LONERGAN, Bernard, Pour une méthodologie philosophique, Québec, Bellarmin, 1991, p. 115-131.

147 FOUCAULT, Michel, Le pouvoir psychiatrique : Cours au Collège de France, 1973-1974, Paris, Seuil/Gallimard, 2003, p. 21-39. (ici p. 28.)

148 STANGUENNEC, André, La dialectique réflexive III : Analogie de l’être et attribution de sens, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2013, p. 229-242. (p. 231. pour la citation)

149 PAGÈS, Jean-Luc, « L’autocritique en littérature », LAOUYEN, Mounir (dir.), Perceptions et réalisations du moi, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2000, p. 155-188.

(p. 155. pour l’expression citée)

150 « Their own self-depriciation, on this view, becomes one of the most potent instruments of their own oppression. Their first task ought to be to purge themselves of this imposed and destructive identity. » TAYLOR, Charles, « The Politics of Recognition », GUTMANN, Amy (éd.), Multiculturalism, New Jersey, Princeton University Press, 1994, p. 26.

151 PAGÈS, Jean-Luc, op. cit., p. 157.

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contexte socio-culturel152, historico-politique, mais même malgré cette réflexivité introspective et extrospective153, la distanciation analytique totale n’est jamais possible154. Le caractère fragmentaire est dû au fait que la « quête du moi […]

se traduit, pour l’autocritique, par une lutte contre la dissolution du moi dans les écrits »155. En analysant l’écriture de Chantal Spitz, de Titaua Peu et de Mataa’ia’i, j’esquisse les stratégies de recomposition d’une « égotique »156 philosophique et politique critique. Ainsi, la « fictionalisation de soi »157 devient un opérateur essentiel, un moyen d’étude pivotal pour la reconceptualisation de l’identité collective, de « l’ethnogenèse »158 dans la perspective de la réalité politico-socio-économique contemporaine et de l’histoire vécue, partagée. Cette approche se complète « d’un engagement personnel et d’un travail sur l’événement »159, sur les vécus quotidiens, d’une résistance contre-narrative à la dépossession de soi et d’une tentative décrivant les fixations de l’identité flottante.

152 « Both the boundaries and the content of that self are shaped or determined by a cultural background and the social understandings that background embodies. The range of attitudes, desires, attachments, commitments, dispositions, sentiments and ends that constitute our particular identity will necessarily find their source in ‘the community of which we are member’. » ROBERTS, Peri, « Identity, reflection and justification », HADDOCK, Bruce et SUTCH, Peter (éds.), Multiculturalism, Identity and Rights, New York, Routledge, 2003, p. 142-157. (p. 144.

pour les phrases citées)

153 « Part of the uniqueness of individuals results from the ways in which they integrate, reflect upon, and modify their own cultural heritage and that of other people with whom they come into contact. Human identity is created […] dialogically, in response to our relations, including our actual dialogues, with others. » GUTMANN, Amy, « Introduction », GUTMANN, Amy (éd.), Multiculturalism, New Jersey, Princeton University Press, 1994, p. 3-25. (p. 7. pour la citation)

154 « As a self-interpreting being I am able to reflect on my history and in this sense distance myself from it, but the distance is always precarious and provisional, the point of reference never finally secured outside the history itself. » ROBERTS, Peri, op. cit., p. 148.

155 PAGÈS, Jean-Luc, op. cit., p. 158.

156 Je me réfère à la « poétique de l’ego ». Cf. LAOUYEN, Mounir, « Autobiographie et poétique de l’ego : De l’intersubjectivité au degré zéro de l’égoïté », LAOUYEN, Mounir (dir.), Perceptions et réalisations du moi, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2000, p. 71-87. (p. 71. la notion citée)

157 Ibid., p. 72.

158 « The process of emerging ethnicity has been called "ethnogenesis", the development and public presentation of a self-conscious ethnicity ». FITZGERALD, Thomas K., Metaphors of Identity : A Culture-Communication Dialogue, New York, State University of New York Press, 1993, p. 81-93. (p. 83. pour la citation)

159 FOUCAULT, Michel, Le pouvoir psychiatrique : Cours au Collège de France, 1973-1974, p.

IX.

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II.

OUTRE-MER LITTÉRAIRE ET PRÉSENCE PLURIELLE : LE