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Zech n'est pas une exception en ce domaine, quand on sait que chercheurs et romanciers ont beaucoup fait se promener Villon -la plupart du temps par les lieux

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LE MODÈLE DE WEIMAR

49 Zech n'est pas une exception en ce domaine, quand on sait que chercheurs et romanciers ont beaucoup fait se promener Villon -la plupart du temps par les lieux

que le poète mentionne dans son œuvre. Mais en fait un seul point de passage est avéré: la cour de Charles d'Orléans à Blois.

50 Ibid., p. 134

51 Ibid., p. 151

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Entre autres choses, l'affane du 5 juin 1455 présente un Villon parfaitement innocent. Pour n'éveiller aucune présomption de culpabilité, Zech par exemple ne nous dit pas qu'il se déclare au barbier sous un faux nom. «Villon erreicht eine Bar-bierstube une läßt seine stark blutende Lippe verbinden. Inzwischen ist sein Verfolger zusammengebrochen, der Dolchstich von Villous Hand war tödlich.» Ibid., p. 129

* Ibid.,?. 149

die Angst von ihm.»54 Une foule bien réglée d'épithètes saturées d'affects grandiloquents, un récit tout entier construit sur un subjectivisme pro-villonien, mais délivré sous un masque d'objectivisme (de fait, Zech connaît très bien son sujet, il concocte un cocktail bien dosé de données historiques et d'éléments fantaisistes, ou plutôt fait de la réalité historique une source d'inspiration, un tremplin de l'imaginaire), trahissent à tout instant une tentation et un désir abouti de mythifîcation: Villon, personnage légendaire, devient sous sa plume «un révolutionnaire qui se dresse contre la bour-geoisie.»55

Ce retournement ne manquera pas de surprendre en songeant au Villon français, dont l'œuvre ne recèle aucune idée politique particulière, dont le comportement, bien loin d'être gouverné ou ne serait-ce que guidé par un idéal social ou moral, s'avère en fait aussi antisocial qu'immoral, et dont la foi catholique profonde s'accorde bien mal avec la foi marxiste de son double allemand: alors que l'un pense que tout pourrait s'arranger dans l'au-delà, l'autre agit pour que tout s'arrange ici-bas, fut-ce au prix d'une révolution;

alors que l'un manque de maintien et s'enfonce dans des crises de conscience individuelles et religieuses, l'autre garde le dos droit et devient le théâtre de prises de conscience collectives et socialistes; alors que l'un ne saurait être qualifié de prolétaire, car dénué de toute conscience de classe, l'autre s'affiche comme tel et revendique son appartenance à une classe, dans ime perspective de lutte. Ainsi, fort peu soucieuse du modèle historique français, l'Allemagne de Weimar élabore de nouveaux modèles de villonades en réponse à une situation politico-historique préoccupante. À Weimar, Villon, plus que l'auteur classique d'un texte institutionnalisé et consensuel, devient, par le biais de l'adaptation et d'un rattachement aux traditions poétiques autochto-nes, un poète légendaire, populaire et surtout politique: on voit ses exploits au cinéma, on déclame et chante les avatars séditieux de son œuvre traduite sur des scènes de théâtre et dans des revues de cabaret, on en fait le prétexte à des débats idéologiques, le porte-bannière des libéraux, un révolutionnaire marxiste, un desperado en résistance contre la poussée de l'extrême droite (rappelons qu'à la faveur des élections de 1930, le parti d'Hitler obtient 107 sièges parlementaires sur 577), bref un poète engagé de gauche qui ne cessera pas d'ailleurs de l'être au cours des décennies suivantes:

54 Ibid., p. 151

55 DUFOURNET Jean, bibl. ïï-4, p. 70

56 «Parler de lui comme d'un personnage archiconnu. Mais l'est-il vraiment ? Qui est Villon ? C'est ce que je demandai à mon père en voyant ce film muet américain dont Villon était le héros.» HABECK Fritz, bibl. B3-6, p. 11

L'Opéra de quat'sous, œuvre révolutionnaire à son époque, allait être le chant de guerre des jeunes intellectuels. D'où la popularité de Villon dans les pays de langue allemande.

Quand Brecht et son compositeur Kurt Weill émigrèrent, quand les nazis brûlèrent L'Opéra de quat'sous, qualifié par eux d'œuvre dégénérée, on oublia un peu Villon. Il n'était pas interdit, lui. Mais il était mal vu. Ceux qui l'aimaient formaient alors une sorte d'élite semi-clandestine: quand on

estime Villon, on ne peut pas être nazi. Quand l'empire hitlérien s'effondra, Villon fit surface. Plus révolutionnaire que jamais, il eut toute la Gauche à ses côtés, on eût dit qu'il avait passé sa vie sur les barricades. 57

Né d'une culture de crise, adapté à des référents d'actualités, politisé, actualisé, réglé sur l'étalon de nouvelles orientations idéologiques, le modèle warmarien acquerra finalement une proximité à la fois humaine et historique qu'on cherche en vain chez le Villon français. Dès lors et parallèlement au modèle original, ce nouveau modèle villonien allait pouvoir devenir un pro-duit d'exportation. En d'autres termes plus poétiques, Villon tend à devenir le caméléon d'Ambroise Paré:

Au reste, c'est une chose admirable de parler de sa couleur, car à toutes heures, principalement quand il s'enfle, il la change: qui se faict à cause qu'il a le cuir fort délié et mince, et le corps transparent; tellement que de deux choses l'une, ou qu 'en la ténuité de son cuir transparent est aise-ment représentee, comme en un miroüer, la couleur des choses qui lui sont voisines (ce qui est le plus vray-sembla-ble), ou que les humeurs, en luy esmeus diversement selon la diversité de ses imaginations, représentent diverses couleurs vers le cuir; (...) étant mort il est palle.5*

57 Ibid., p. 310

58 PARE Ambroise, Des monstres et prodiges, édition critique et commentée par Jean Céard, Genève, Droz, 1971, p. 141

INITIATIONS

Après cette anatomie succincte du devenir littéraire et socio-politique de Villon en Europe, resserrons notre champ d'investigation sur la Hongrie pour dresser un panorama de l'état de fortune relatif à la période d'

INITIATION PASSIVE [1792-1918]

que je qualifie de telle dans la mesure où l'on ne rencontre que des commentaires, et pas de traductions en tant que telles (je reviendrai ultérieu-rement sur cette terminologie). Il ne s'agit pas ici d'entrer dans les détails, d'ailleurs traités minutieusement par Mészöly Dezső59 ^et André Vig,61 mais de se faire une idée générale du degré de pénétration de Villon dans le systè-me littéraire hongrois au cours de cette période.

«Willon igen tsinosan 's kényesen tudott enyelegni...»62 63 ^C'est sur ce commentaire frivole, contenu dans un bref texte traitant de la poésie française, que s'ouvre l'histoire de la fortune littéraire hongroise du poète français. Nous sommes en 1792. Les décennies suivantes ne réservent qu'un butin famélique, à l'image pour ainsi de la remarque inaugurale de Péczeli: le nom de Villon n'est cité en tout et pour tout qu'à deux reprises, à la faveur de deux traductions de l'Art poétique de Boileau. La première par Döbrentei Gábor en 1817 et en prose, la seconde par Erdélyi János en 1885 et en vers.65

À la fin du XIXème siècle, le poète français semble à Erdélyi si parfaitement inconnu du public cultivé hongrois (il va sans dire que l'Art Poétique ne constituait pas un objet de lecture grand public) que le traducteur croit

néces-59 MÉSZÖLY Dezső, bibi. IV-29, pp. 17-34

60 Dans ce travail, je respecterai la règle de l'onomastique hongroise, très logique au demeurant: le NOM précède toujours le PRENOM. Ainsi n'écrira-t-on pas Désiré Mészöly, mais Mészöly Dezső. Pour plus de facilité (et comme dans l'annuaire du téléphone), j'étends cette règle à l'assemble des noms cités dans les notes infra-paginales ou dans la bibliographie.

61 VIG André, bibi. IV-62, pp. 219 et suivantes

62 «Villon savait badiner avec grand' grâce et joliesse...» PÉCZELI József, bibi.

IV-14

63 Sauf mention spécifique, l'ensemble des traductions données ci-après sont de mon cru: j'en porte donc, en bien, en mal, l'entière responsabilité. (M.M.)

64 Les lecteurs non rompus à la langue hongroise, mais désireux de prononcer

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