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Poète du XVm èmc siècle dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a strictement aucun rapport avec l'art poétique de Villon. La seule assimilation possible

In document officina fmnßarica V (Pldal 32-36)

LE MODÈLE DE WEIMAR

74 Poète du XVm èmc siècle dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a strictement aucun rapport avec l'art poétique de Villon. La seule assimilation possible

est d'ordre biographique: Csokonay, errant, alcoolique, peut faire songer, avec un peu de fantaisie, à Villon.

75 GÉRETZ Károly, bibl. IV-3, p. 31

76 Ibid, p. 24

77 Ibid, p. 13

78 HARASZTI Gyula, bibl. IV-6

n'avait encore suscité presqu'aucun écho, à quel point elle ne s'imposait pas encore comme un acquis incontournable, en dehors de quelques rares philologues.

Qu'en est-il, justement, de l'écho des recherches villoniennes menées en France? Là encore, nous devrons nous contenter de peu: à ma connaissance, deux articles seulement se penchent sur ce sujet.

Le premier date de 1901,79 et prend pour prétexte la parution du livre de Gaston Paris.80 Prétexte car il ne s'agit ni d'une critique ni même d'un compte-rendu du travail de Gaston Paris, dont le nom n'est cité qu'une fois en tout et pour tout: «Voici que la figure de l'étudiant médiéval vient de retenir l'atten-tion du savant subtil Gaston Paris, lequel a résumé dans son beau livre les travaux des chercheurs villoniens ainsi que le fruit de ses propres recher-ches.»81 Que trouvons-nous? Une biographie assez prolixe de Villon, suivie d'un panorama de l'œuvre (caractérisation formelle et thématique inscrite dans des perspectives d'histoire de la littérature), que le journaliste hongrois se plaît à illustrer de citations traduites en prose et au mot à mot. Contrairement au titre de cet article, il n'est donc pas question du livre de Gaston Paris (de ses qualités, ou, le cas échéant, de ses défauts, du tournant qu'il représente et de la place qu'il occupe dans l'évolution de la recherche parisienne), mais bien de Villon lui-même. On voit mal en effet comment Hatvany Lajos aurait pu agir autrement (ne serait-ce que vis à vis de ses lecteurs): pouvoir critiquer Gaston Paris aurait impliqué une connaissance préalable non seulement de Villon, mais de l'état des recherches sur Villon (inutile peut-être de dire que Marcel Schwöb n'est même pas évoqué), deux sujets presque entièrement vierges dans la culture hongroise de l'époque. Hatvany Lajos, qui semble pleinement conscient de ce fait, non sans mépriser souverainement les philologie, qu'il qualifie de science bonne à rien -on sent ici l'influence de Nietsche-, s'ingénie d'ailleurs à souligner cette méconnaissance dans un assez long développement plein d'humour où Villon nous est décrit comme la proie exclusive et quasi apoétique de tristes érudits (au rang desquels ne figure aucun Hongrois):

Villon est le favori par excellence des fins amateurs d'art, des bibliophiles extravagants et des savants linguistes roma-nistes. Il me semble voir d'ici un petit séminaire allemand composé d'innocents et rougissants philologues à lunettes, en train de méditer sur tel ou tel vers litigieux, dont la nature immorale ne les scandalise pas, tant il sont animés

79 HATVANY Lajos, bibl. IV-11

80 GASTON Paris, bibl. H-7

81 HATVANY Lajos, bibl. IV-11, p. 311

par la sainte ardeur linguistique, oui je crois les voir d'ici en train de s'affairer à comparer d'antiques archives judiciaires et autres codex jaunis, pour établir le lieu et la date de naissance, mais surtout de pendaison de tel ou tel joyeux luron évoqué par Villon, et puis de rédiger de longs comptes-rendus sur des circonstances d'une si palpitante im-portance. 82

Le deuxième article, paru en 1916 dans le très sérieux Bulletin de Philo-logie Générale, au sein de la rubrique «Littérature Étrangère», se consacre à une description laudative du livre de Pierre Champion,83 dont la date de parution remonte elle-même à 1913: trois ans auront donc été nécessaires à la revue spécialisée pour accorder de l'attention au monumental et fondateur travail du Français. E n guise d'introduction, l'auteur de ce compte-rendu mi-nutieux, Birkás Géza, s'attache cette fois à brosser un panorama de l'histoire de la recherche villonienne -une première dans les périodiques hongrois de la période d'initiation passive:

La poésie de Villon entretient des relations très étroites avec la vie de celui-ci. Elle est une véritable autobiographie, et parce que jusqu'à très récemment, nous savions relativement peu de choses sur la vie mouvementée du poète, elle regor-geait de passages obscurs et d'allusions incompréhensibles.

Voilà pourquoi de nouveaux chercheurs se sont consacrés à l'exploration de la vie de Villon, guidés par cette conviction que s'ils arrivaient à jeter de la lumière sur la vie de Villon, l'obscurité de sa poésie en viendrait du même coup à se dissiper.

Birkás évoque ensuite les longues décennies de travail que Longnon, Schwöb et Champion ont dû consacrer à Villon pour aboutir à une connais-sance satisfaisante de l'œuvre, des lieux et des milieux socio-historiques impliqués, soulignant par là la difficulté d'accès et l'aspect fortement érudit de la poésie de Villon, que l'on ne saurait bien comprendre et pénétrer, à l'en croire, qu'au prix de la lecture des deux imposants volumes de la monographie de Pierre Champion, qu'il recommande chaudement aux «amateurs de Villon»: ceux-ci, comme on s'y attend, se trouvent dans les rangs de la population dite cultivée (et des lecteurs du Bulletin de Philologie Générale), dont la situation sociale aussi favorable que rare a permis l'acquisition du

82 Ibid, pp. 310-311

83 Cf. bibl. n-1

français -alors que la pratique de l'allemand découlait d'une situation historique et s'assimilait bien souvent à un pis-aller, celle du français, moins évidente, sans parler de l'ancien français, caractérisait l'osmozône de l'intel-ligentsia hongroise. Villon, à mesure qu'on en parle et qu'on en dißuse la connaissance, tend paradoxalement à illustrer une très énergique bipartition entre culture populaire et culture d'élite.

Il reste un domaine à survoler: celui de l'influence de Villon non pas en tant qu'œuvre ou personnage historique, mais en tant qu'objet de fiction, ou plutôt en tant que mythe. Ici encore, dans un morne désert, ime seule exception:

Juhász Gyula

Durant l'hiver 1906-1907, ce grand lecteur de Villon, dont il appréciait l'œuvre dans le texte, compose un poème qu'il intitule «Ódon ballada»

[Ballade ancienne]. Cette création est une première à plus d'un titre: d'abord elle s'inspire assez directement du genre à forme fixe de Villon84 (totalement inconnu, du moins inutilisé dans la poésie hongroise de l'époque), ensuite elle renferme un sujet entièrement inédit jusqu'alors: Villon. Celui-ci porte des bottes et une casaque à la hussarde. Ivrogne et coureur notoire de jupons, il n'en est pas moins | r a n d poète et philosophe de la mort et de la vanité des choses de ce monde.5 La «Ballade ancienne», s'achève sur la transposition du célèbre vers «mais où sont les neiges d'antan?» [De hol van a tavalyi hó?], promis à un succès sans pareil, puisque la langue hongroise l'a depuis inscrit

84 «Juhász invente un dizain où vers de neuf pieds et vers de huit pieds alternent, le refrain étant un octosyllabe comme son célèbre modèle. La disposition des rimes est, au début de la strophe [il y en a trois], celle de Villon; à partir du cinquième vers, elle devient propre à Juhász (...) Les rimes ne sont pas unissonnantes. Il n'y a pas d'envoi; mais dans la dernière strophe, dédoublant la fraction initiale du vers final, (...) il [Juhász] crée (...) une demi-répétition supplémentaire: il y a là comme une con-clusion renforcée, en guise d'envoi.» VIG André, bibl. IV-62, p. 230

85 «Que trouvons-vous dans cette ballade concernant Villon: la taverne avec ses débauchés; l'idée que tout en étant de ce milieu, Villon est meilleur que ses compa-gnons: pendant que ceux-ci roulent sus la table, lui, grâce à une exceptionnelle endu-rance à l'alcool, chante et philosophe; son chant est plein de dissonances de pulsions sauvages, de désespoir, de révolte; il fut un jeune homme de bonne famille, possédant des biens, mais la loi de la jungle... ; il est pauvre, ayant tout perdu, même l'honneur, il pleure une amante morte, qui était belle; son chant est aussi une danse macabre; ses jours sont comptés; le gibet l'attend, le corbeau le guette; il se rappelle sa jeunesse galante; ses maîtresses défilent dans son souvenir, il est prêt à mourir (...)» Ibid, p.

231

dans son répertoire de formules à caractère proverbial.86 Cette ballade rempor-te cerrempor-tes u n grand succès, mais celui-ci ne dure que deux ans,87 et n'entraîne aucun engouement particulier: Villon comme personnage central et mythifié d'une œuvre poétique reste, avec Juhász, un cas d'espèce, du moins durant cette période. On notera enfin que Juhász s'en tiendra là: plus jamais il ne s'inspirera ouvertement de Villon, ni de sa forme de ballade, ni de son mythe.

Ce tour d'horizon très superficiel suffit amplement pour montrer le peu d'influence culturelle ou poétique que Villon exerça, en Hongrie, au cours de la période d'initiation dite passive [1792-1918], Pour s'expliquer une telle lenteur de circulation culturelle dans un pays dont la tradition littéraire et les aspirations poétiques se tournaient pourtant en priorité vers la France, on ne saurait négliger cette circonstance que d'une part l'engouement français pour Villon ne prend toute son ampleur qu'au début du XXè m c siècle, et que d'autre part, la Hongrie avait dû faire face à un impératif d'une urgence impérieuse au cours du XIXèmc siècle: faire «que la langue soit ce qu'elle doit être: le canal fidèle, mûr et plaisant de tout ce que pense et ressent l'esprit.»88

Effectivement, réformer la langue pour en faire un instrument de com-munication capable de rivaliser avec n'importe quelle autre langue, était deve-nu, à partir de la deuxième moitié du XIXèrnc siècle, une question de survie.

En 1849, la nation hongroise s'était vue soumettre corps et biens à la couron-ne des Habsbourg. Alors que le pouvoir centralisateur de Viencouron-ne, soucieux d'unifier l'empire, s'efforçait d'accélérer le processus d'allémanisation en ins-tallant des fonctionnaires étrangers à tous les postes-clef, la culture et la langue nationales semblaient gravement menacées. De deux choses l'une: il fallait «ou refaçonner la langue pour la mettre en état d'assurer toutes les fonctions qui pouvaient lui incomber en tant que langue de civilisation, ou se choisir une langue auxiliaire de communication internationale.»89

Le choix coulait évidemment de source, mais impliquait d'énormes inter-ventions sur une langue archaïque, du moins incapable d'exprimer le savoir européen, car dénuée, entre autres choses, de lexiques scientifiques (ceux-ci, de la minéralogie à la botanique, en passant pas la médecine et la juridiction, seront créés en quelques années). Trop préoccupés par les problèmes formels, méthodologiques et politiques qui découlaient de la mise en application des moyens de la réforme du langage, trop impliqués dans des débats passionnés

86 À tel point que comme il est de règle en pareil cas, la plupart des locuteurs

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