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1.6. LES OUTILS EN FER

1.6.5. Un instrument particulier

L’instrument en fer (fig. 152 ; pl. XLIII, 11) mis au jour dans la sépulture à incinération 72/147 se termine en haut en une lame à tranchant interne, en bas en une pince.

Une partie de la surface de la poignée rectangulaire semble avoir servi de lime. Ces caractéristiques pourraient, en principe, permettre d’attribuer à l’objet une fonction liée aux soins de beauté. Le défunt était, selon toute probabilité, un homme : cette hypothèse repose sur la découverte dans la tombe de fragments de l’orle d’un bouclier ainsi que d’éléments d’un char (SZABÓ 2014, 93 et 95, fig. 12). Selon l’analyse de restes de fibules faisant partie du mobilier, la sépulture date de LTC1a (cf.

SZABÓ 2014, 93 – pour la fibule ornée d’une plaque rectangulaire, voir chapitre sur les fibules).

Un objet analogue à cet instrument particulier en provenance de Sajópetri avait été découvert dans la sépulture 45 de la nécropole de Zvonimirovo (Croatie) (DIZDAR et al. 2014, 76, fig. 5/3 et 81-82).

L’identité fonctionnelle des deux objets semble évidente. On peut observer une différence mineure au niveau de l’exécution des lames : celle de la trouvaille hongroise décrit une courbe orientée vers l’intérieur, celle de la pièce croate une courbe orientée vers l’extérieur. Les poignées sont, par contre, bien différentes : alors que celle du premier instrument est rectangulaire et sans décor, celle du second est ornée de deux bosses plastiques situées des deux côtés d’un anneau. En conséquence, la partie servant de lime se trouve sur le dos de la lame dans le cas de la pièce de Zvonimirovo. Leurs dimensions sont plus ou moins identiques (Sajópetri : 21,3 cm ; Zvonimirovo : 21,5 cm).

D’après la publication de la sépulture 45 de Zvonimirovo, cette dernière daterait de la phase LTC2 (DIZDAR et al. 2014, 75 et

suiv.). L’argumentation des auteurs repose sur des sépultures bavaroises (Manching – Steinbichel, tombes 34 et 36 ; München – Obermenzing, tombes 7 et 12 : Ibid.), mais nous ne pensons pas que ces analogies puissent appuyer la datation en question.

Il suffit de citer ici l’analyse de W. Krämer – dont les conclusions sont absentes de l’étude en question (cf. KRÄMER 1985, 26-32) pour justifier nos doutes. Selon R. Gebhard, les armes mises au jour dans les sépultures mentionnées plus haut datent de l’horizon 6 qui correspond à la phase LTC1 (GEBHARD 1989, 112, note 554 ; cf. 119, fig. 46).

Cette datation est également corroborée par l’analyse des fibules découvertes à Zvonimirovo (DIZDAR et al. 2014, 79, fig.

8/3-4) (voir aussi POLENZ 1971, fig. 58, n°

2-3 ; BUJNA 2003, 97, fig. 65, types K-A, K-B, K-C : LTC1c).

Autrement dit, de la Bavière jusqu’au nord-est de la Hongrie, l’histoire des nécropoles

« plates » laténiennes en Europe centrale se termine par la phase LTC1. Cette constatation est également corroborée par les résultats des dernières recherches (Mannersdorf : RAMSL 2011, 210-214, Abb. 177 ; Ludas : SZABÓ – TANKÓ 2012, 141 et suiv. Voir aussi pour la position chronologique de Sajópetri : Ibid. 92 et suiv.). Vu sa situation géographique, Zvonimirovo appartient à ce contexte (DIZDAR et al. 2014, 71, Abb.1), c’est-à-dire que l’étude de ce site doit être fondée sur celle de nécropoles contemporaines et non sur des armes mises au jour à La Tène ou à Gournay, ni sur des nécropoles fouillées dans le nord des Balkans (voir DIZDAR et al.

2014, 75). En d’autres termes, cela signifie que le problème de la définition de LTC2

Fig. 152. Outils en fer de la sépulture 72/147

dans cette zone ne doit pas être considéré comme résolu ; cependant, cette question dépasse largement les cadres de ce travail (cf. FICHTL 2005, 36-40).

Pour revenir à l’instrument par-ticulier décrit ci-dessus, les questions y relatives devraient avant tout concerner sa fonction réelle. Notons tout de suite que la réponse dépend de la question de savoir si le statut social du défunt enseveli dans la tombe peut être déterminé indépendam-ment de la fonction de l’instruindépendam-ment. Il s’agit justement du point critique de l’interpréta-tion, étant donné que la détermination du statut du défunt repose généralement sur l’étude d’objets particuliers, ce qui est éga-lement vrai dans le cas des trouvailles de Sajópetri (sépulture masculine avec élé-ments de char) et de Zvonimirovo (sépul-ture de guerrier). Outre l’idée quelque peu

« moderniste » du rapport des deux instruments énigmatiques avec les soins de beauté, on pourrait également évoquer une éventuelle fonction médicale ou phar-maceutique, bien que le matériel romain pouvant servir de point de départ pour leur identification ne connaisse pas d’analogies proches (cf. DIZDAR et al. 2014, 82, note 45). Dans tous les cas, malgré les difficul-tés d’interprétation, un rôle limité à des actes magiques semble peu probable (Ibid.).

Néanmoins, nombre de spécialistes sug-gèrent l’existence de liens entre les sépul-tures dont le mobilier contient des instru-ments particuliers et les druides, surtout quand il s’agit de défunts enterrés avec des instruments médicaux (voir par ex., Ludas, tombe 904 = SZABÓ et al. 2012 pl. XXIV-XX-VI et SZABÓ – TANKÓ 2012, 195, fig. 212), hypothèse par ailleurs souvent confron-tée à des difficultés méthodologiques (cf. SZABÓ – TANKÓ 2012, 152). D’autre part, l’existence de sanctuaires, faisant leur apparition dès la fin de l’époque de LT an-cienne et surtout le début de LT moyenne (BRUNAUX 2006, 243-249), corrobore

naturellement l’existence d’un clergé cel-tique. Jules Caesar ne précise pas la date de l’apparition des druides, mais remarque que ces derniers n’allaient pas à la guerre et étaient exemptés du service militaire (B. G. VI, 14). Les sources anciennes dans leur ensemble ne contredisent pas cette information ; l’image de Divitiacus appuyé sur son bouclier devant le sénat romain n’est sans doute qu’une invention de l’anti-quité récente (BRUNAUX 2006, 305 – pour les sources anciennes : Ibid. 34-58). Si c’était vraiment ainsi, ce n’est pas dans des tombes de guerriers qu’il faut chercher les druides. Cette constatation excluerait, en dehors de la sépulture 45 de Zvonimiro-vo, la sépulture 86 de Casalecchio di Reno (Bologne) ainsi que celle, perturbée, de München – Aubing (citées par DIZDAR et al. 2014, 84-85). Par contre, à l’instar de la trouvaille de Sajópetri, on pourrait ins-crire sur la liste les sépultures 4 et 5 de la nécropole de Tartigny (Oise) où ont été dé-couverts des instruments unissant couteau et pince. Selon A. Rapin, ces instruments hybrides devaient avoir une fonction partiellement profane (soins de beauté), partiellement cultuelle (celle de préparer l’animal au sacrifice) (RAPIN 1986, 73, fig.

45 et 74, fig. 46, en haut).

La question se pose de savoir com-ment les sépultures qui viennent d’être mentionnées nous permettent d’accéder aux druides. La clé du mystère devrait être la sépulture 520 de Pottenbrunn, une tombe de guerrier – c’est-à-dire qu’ici l’archéologie semble contredire Caesar -, vu que l’hélice en os mise au jour au sein du mobilier aurait pu être un instrument magique (RAMSL 2012, 452-454). En fait, cette dernière aurait pu être un instrument de diagnos-tic, d’autant plus que d’autres éléments du mobilier funéraire semblent aussi avoir des liens avec la médecine (RAMSL 2002, 93-94 ; SZABÓ 2014, 101). Selon E. Künzl, cet objet ressemblant à un couteau à manche

dentelé avait très probablement une fonc-tion médicinale, ainsi, le défunt aurait été un

« Medizinmann » celtique (cité par RAMSL 2002, 91-93). Cela semble compliquer da-vantage la problématique de l’identifica-tion archéologique des druides. En ce qui concerne la forme de la lame, il faut noter que des couteaux analogues ont été mis au jour aussi bien dans des sépultures féminines (Ludas, tombe 661 = SZABÓ et al. 2012, pl. V) comme dans des sépul-tures masculines (Mátraszőlős – Király-domb, tombe 35 = ALMÁSSY 2012, 105-106, pl. XLIV, 3a-b) sans que nous soyons obligés de proposer une interprétation cultuelle (SZABÓ – TANKÓ 2012, 128-129).

En guise de conclusion, soulignons que la présence d’instruments particu-liers dans les mobiparticu-liers funéraires doit être interprétée avec précaution et que rien ne semble indiquer, dans l’état actuel de la

recherche, que les sépultures de druides puissent être caractérisées par un rite homogène. Il est néanmoins intéressant de noter que dans le secteur A de la nécropole de Sajópetri, la sépulture à char d’un guer-rier a été mise au jour (tombe 2/2), et que la sépulture 72/147 avec les éléments de char (rite pars pro toto) et l’instrument particu-lier se trouve derrière la précédente dans le secteur B. Il n’est sans doute pas inutile d’évoquer ici l’analogie des deux tombes à char de la nécropole de Roisy – La Fosse Cotheret où celle du guerrier devait être la tombe du chef (SP 5002), alors que celle sans armes – compte tenu du passage de Caesar cité plus haut – devait correspondre à la sépulture du druide (SP 1002) (SZABÓ 2014, 93-101). Nous ne pouvons qu’espérer que dans un proche avenir, de nouvelles découvertes nous permettront de vérifier cette hypothèse.