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OEUVRES COMPLÈTES

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P. J. DE BÉRANGER

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P A R I S . --- T y p . L i V C R AM P K l i T C O M P . R U E D A M 1 E T T E

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Œ U V R E S COMPLÈTES

D E

P . j . D E B É R A N G E U

N O U V E L L E E D l i I O N

FORM AT E L ZÉ V IR IE N

P A R I S

P E R R O T I N , L I B R A I R E É D I T E U R D E L A M É T H O D E W I L H E M

4 1, R U E F O N T A I N E —M O L I E R E »

1 8 4 4

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P R É F A C E DE L’ AU TEU15 .

Au m om en t de. prendre con gé du p u b lic, j o sens avec une ém otion plus p rofon d e la reconnaissance que je lui d ois;

j e m e retra ce plus vivem en t les m arques d 'in iérêt dont jl m 'a co m b lé , depu is près de vin gt ans que m on nom a co m ­ m encé à lui être con nu.

T elle a été sa b ien v eilla n ce, qu’ il n 'e û t tenu q u'à m oi de m e faire illu sion sur le m érite de m es ou v ra ges. J'ai tou­

jou rs m ieux aim é attribuer ma popu la rité, qui m 'es t bien ch è re , à m es sentim ents pa triotiq u es, à la con sta n ce de mes o p in ion s , e t, j'o s e a jou ter, au dévouem ent désin téressé avec lequel j e les ai défendues et propa gées.

Qu’ il m e soit donc perm is de rendre com pte à ce m êm e p u b lic, dans une sim ple ca u serie, des circonstances et des im pressions qui m ’ ont été p a rticu lières, et auxqu elles se rattache la pu b lica tion des chansons q u 'il a accu eillies si fa ­ vorablem ent. C’ est une sorte de narration fam ilière où il recon ­ naîtra du m oins tout le prix que j ’ ai attaché à ses suffrages.

Je dois p a rler d 'a b ord de ce dernier volu m e.

Chacune de m es publications a été pour m oi le résultat d'un pén ib le effort. C elle-ci m ’ aura causé à elle seule plus de m alaise que toutes les autres en sem ble. Elle est la der­

nière ; m alheureusem ent elle vien t trop tard. C’ est im m é­

diatem ent après la révolution de Juillet que ce volum e eût dû paraître : m a m odeste m ission était alors term in ée. Mes éditeurs savent p ouiquoi il ne m ’ a pas été perm is d'a ch ever plus tôt un rôle p rivé désorm ais de l’ intérêt q u ’ il pouvait avoir sous le règne de la lé g itim ité. Beaucoup de chansons de ce nouveau recu eil appartiennent à ce tem ps d éjà loin de nous, et plusieurs m êm e auront b esoin de n o te s .

Mes chansons, c 'e s t m oi. Aussi le triste progrès des an­

nées s’ y fait sentir au fur et à m esure que les volu m es s’ a c­

cumulent , ce qui me fait craindre que ce lu i-ci ne paraisse bien sérieu x. Si beau cou p de personnes m 'e n font un re -

A v is de l'E d ite u r . — Nous croyons ne d evoir m ettre en tète de cette édition que la p réfa ce du dernier volum e p u ­ b lié par l ’ auteur en 1 83 3 . Quant aux préfaces des éditions do 1 8 1 5 -1 8 2 1 , elles trouveront leur place en tète des notes.

a

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P H É F A C E.

p roch e, quelques-unes m ’ en sauront g ré, j e l ’ espère , elles reconnaîtront que l ’ esprit de l’ époque actuelle a dû con tri­

b u e r, non m oins que m on â ge, à rendre le ch o ix de mes su­

je ts plus grave et plus philosophique.

Les chansons nées depuis 1 830 sem blent en effet se rat­

tacher plutôt aux questions d ’ intérêt social qu'aux discus­

sions purem ent politiq u es. En d oit-on être éton n é? Une fois qu’ on suppose reconquis le p rin cipe gouvernem ental pour lequel on a com battu , il est naturel que l'in tellig en ce éprouve le besoin d’ en faire l'a p p lication au profit du plus grand nom bre. Le bonheur de l'hum anité a été le songe de ma v ie . J 'en ai l'o b lig a tio n , sans doute, à la classe dans la­

quelle j e suis n é, et à l’ éducation pratique que j 'y ai reçue.

Mais il «a fallu bien des circonstances extraordinaires pour q u 'il fût perm is à un chansonnier de s’ im m iscer dans les hautes questions d'am éliorations sociales. Heureusem ent une foule d 'h om m es, jeunes et cou rageux, éclairés et ardents, ont donné depuis peu un grand développem ent à ces questions, et sont parvenus à les rendre presque vu lgaires. Je souhaite que quelques-unes de m es com positions prouvent à ces e s ­ prits élevés m a sym pathie pour leur généreuse en treprise.

Je n 'a i rien à dire des chansons qui appartiennent au tem ps de la Restauration, si ce n 'est q u 'elles sont sorties toutes faites de la prison de la F o r c e . J’ aurais peu tenu «aies im prim er, si elles ne com plétaient ces espèces de m ém oires chantants que je publie depuis 1 8 1 5 . Je n'a i pas, au reste, à craindre qu 'on m e fasse le reproche de ne m ontrer de cou rage que lorsque l’ ennemi a disparu. On pourra m êm e rem arquer que ma détention, bien qu’ assez lon gu e, ne m ’ a­

vait nullem ent aigri : il est vrai qu’ alors j e croyais voir s’ approcher l’ accom plissem en t de mes prophéties contre les B ourbons. C'est ici l’ occasion de m ’ expliq u er sur la petite gu erre que j ’ ai faite aux princes de la branche déchue.

Mon adm iration enthousiaste et constante pour le génie d e l’ E m pereur, ce qu’ il inspirait d’ idolâtrie au p eu p le, qui n e cessa de voir en lui le représentant de l ’ égalité victo­

rieuse ; cette adm iration, cette idolâtrie, qui devaient faire un jo u r de Napoléon le plus noble ob je t de mes chants, ne m ’ aveuglèrent jam ais sur le despotism e toujours croissant do l’ E m pire. En 181&, je ne vis dans la chute du colosse que les m alheurs d ’ une patrie que la République m ’ avait appris

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P R É F A C E . i n à adorer. Au retour des B ourbons, qui m 'éta ien t in d ifféren ts, leur fa ib lesse me parut d evoir ren dre fa cile la renaissance des libertés n a tion a les. On nous assurait qu’ ils fera ien t a l­

liance avec elles : m algré la C harte, j ’ y croyais peu ; m ais on pouvait leur im poser ces lib e r té s . Quant au p e u p le , dont j e ne m e suis jam a is séparé, après le dénouem ent fatal do si longues gu erres, son opinion ne m e parut pas d ’ abord d é­

cidém ent con traire aux m aîtres qu’ on ven ait d ’ exlium er pour lu i. Je chantai alors la gloire de la France ; j e la chantai en présence des étra n gers, frondant déjà tou tefois quelques r i­

dicules de cette époq u e, sans être encore h ostile à la royauté restaurée.

On m ’ a reproch é d ’ avoir fait une op p osition de haine aux B ourbons ; ce que j e viens de dire répond à cette a ccu ­ sation , que peu de personnes aujourd’ h u i, j ’ en suis sû r, tiendraient à repou sser, et qu’ autrefois j ’ acceptais en silen ce.

Les illusions .durèrent peu ; quelques m ois suffirent pour que chacun pût se recon n a ître, et dessillèrent les yeu x des m oins cla irvoy an ts, je ne parle que des gouvernés.

Le retour de l ’ E m pereur vin t bien tôt partager la F rance en deux cam ps, et con stitu er l'o p p o s itio n qui a triom p h é en 1 8 3 0 . Il releva le drapeau national et lui ren dit son a ven ir, en d ép it de W a te rlo o et des désastres qui en furent la su ite. Dans les C en t-J ou rs, l’ enthousiasm e popula ire ne m ’ abusa point ; je vis que N apoléon ne pou vait gou vern er con stitu tionn ellem ent ; ce n 'é ta it pas pour cela qu’ il avait été donné au m on de. Tant b ie n que m a l, j ’ exp rim a i m es craintes dans la chanson intitu lée la P o litiq u e da L is e , dont la form e a si peu de rapport avec le fond : ainsi que le prouve m on p rem ier re c u e il, je n'avais pas encore osé faire prendre à la chanson un vol plus é lev é ; ses ailes pou ssa ien t.

Il m e fut plus fa cile de livrer au ridicule les F rançais qui ne rou gissaien t pas d ’ a p p eler de leurs vœux im pies le triom ph e et le retour des arm es étra n gères. J ’ avais répandu des larm es à leur prem ière entrée à Paris ; j ’ en versai à la seconde : il est p eu t-être des gens qui s'h abitu ent à de pareils specta cles.

J’ eus alors la con viction profon de q u e , les B ourbons fu s­

sen t-ils tels que l’ osaient encore dire leurs partisans, il n ’ y avait plus pour eux p o ss ib ilité de gou vern er la F ra n ce, ni pour la France p o s s ib ilité de leu r faire ad op ter les prin cipes lib éra u x, q u i, depuis 1 8 1 4 , avaient reconquis tout ce q ue

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I V P R É F A C E .

leur avaient fait perdre la terreu r, l'a na rchie d irectoria le et la gloire de l'E m p ire. Cette con viction , qui ne m ’ a plus aban­

donn é, j e la devais m oins d’ abord aux calculs de m a raison qu’à l ’ instinct du p eu p le. A chaque événem ent j e l'a i étudié avec un soin re lig ie u x , et j'a i presque toujours attendu que ses sentim ents m e parussent en rapport avec mes réflexions pour en faire ma règle de con du ite, dans le rôle que l’ o p p osi­

tion d ’ alors m ’ avait donné à rem plir. Le peu ple, c ’ est ma m use.

C’ est cette muse qui m e fit résister aux prétendus sages, dont les con seils, fondés sur des espérances ch im ériques, me poursuivirent m aintes fo is. Les deux publications qui m 'ont valu des condam nations ju d iciaires m ’ exposèrent à m e voir abandonné do beaucoup de mes amis politiques. J 'en courus le risque. L’ approbation des m asses me resta fidèle, et les am is revinrent.

Je tiens à ce qu'on sache b ien q u'à aucune époque de ma vie de chansonnier, je ne donnai droit à personne de me dire : Fais ou ne fais pas ceci ; va ou ne va pas ju sq u e-là . Quand j e sacrifiai le m odique em ploi que j e ne devais qu'à M . A rnault, et qui était alors m a seule ressou rce, des hom ­ m es pour qui j'a i conservé une reconnaissance profonde me firent des offres avantageuses que j ’ eusse pu a ccepter sans rou gir ; m ais ils avaient une position politique trop influente pour qu’ elle ne m 'eût pas gêné quelquefois. Mon hum eur in ­ dépendante résista aux séductions de l'a m itié. Aussi étais- je surpris et affligé lorsqu 'on me disait le pensionné de tel ou de te l, do Pierre ou de Paul, de Jacques ou de P hilippe.

Si cela eût été, j e n'en aurais fias fait m ystère. C’ est parce que j e sais quel pouvoir la reconnaissance exerce sur m oi.

que j ’ ai craint de con tracterd e sem blables o b lig a tio n s , m ôm e envers les hom m es que j ’ estim e le plus *.

* J’ ai cependant reçu un service pécuniaire à cette ép o ­ q ue. Lorsquo j'é ta is à la F orce en 1 8 2 9 , une souscription fut ouverte pour payer m on amende et les frais de ju stice . M algré tous les efforts de mes jeunes amis do la s ociélé A i d e - t o i, le C iel t'a id ? r a , la souscription ne fut pas rem ­ p lie en tièrem ent, grâce aux m êm es personnes qui avaient em pêché la réélection de Manuel en 1 8 2 4 . Je n 'a i point su quelle som m e il manquait ; m ais j e n ’ ai pu ign orer que l'un de nos plus recom m andablcs citoy en s, M. Bérard, chez qui

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V R É F A C E . v

11 en est un que m es lecteurs auront nom m é d ’ a bord : M. Laffîtte. P e u t-ê tre ses instances eu ssen t-elles fini par triom ph er de mes refu s, si des m alheurs dont la France en­

tiè re a gém i n 'éta ient venus m ettre un term e à l'in fa tig a b le gén érosité de ce grand et vertu eu x cito y e n , le seul hom m e de notre tem ps qui ait su rendre la rich esse p opula ire.

La révolution de Juillet a aussi voulu faire m a fortun e ; j e l ’ ai traitée com m e une puissance qui p eut a voir des ca ­ p rices auxquels il faut être en m esure de résister. Tous ou presque tous m es am is ont passé au m in istère : j ’ en ai m êm e encore un ou deux qui restent suspendus à ce mât de cocag n e.

Je m e plais à croire q u 'ils y sont a ccrochés par la basque, m algré les efforts qu’ ils font pour d escen d re. J’ aurais donc pu avoir pa rt à la d istribution des e m p lois . M alheureuse­

m ent je n ’ ai pas l ’ am our des sin écures, et tout travail o b lig é m ’ est devenu insu pportab le, hors p eu t-être encore celui d 'ex p éd ition n a ire. Des m édisants ont prétendu que j e faisais de la vertu . Fi donc 1 je faisais de la p a resse. Ce défaut m 'a tenu lieu de b ien des qualités ; aussi j e le recom m ande à beaucoup de nos honnêtes g e n s. 11 exp ose pourtant il de sin­

guliers rep roch es. C’ est à cette paresse si douce que des censeurs rig id es ont attribué l'éloig n em en t où j e m e suis tenu de ceu x de m es hon orables am is qui ont eu le m alheur d ’ arriver au p ou v oir. Faisant trop d ’ honneur à ce qu’ ils veu­

lent bien a ppeler m a bonne tê te , et oublian t trop com bien il y a loin du sim ple bon sens à la scien ce des grandes a ffa ires, ces censeurs prétendent que m es con seils eussent écla iré plus d'un m in istre. A les en cr o ir e , tapi derrière le fauteuil de velours d e n o s hom m es d’ E tat, j'a u ra is con ju ré les ven ts, dissipé les o ra g e s , et fait n a ger la France dans un océan de d é lic e s. Nous aurions tous de la liberté à revendre ou plutôt à don n er, car nous n ’ en savons pas bien encore le p rix . E h ! m essieurs m es deux ou trois amis , qui p ren ez un chansonnier p ou r un m a g icien , on ne vous a donc pas dit que le p ou v oir est une cloch e qui em pêche ceu x qui la m e t­

tent en branle d ’ entendre aucun autre son ? Sans doute des m i­

n istres consultent q uelquefois ceu x qu’ ils ont sous la m ain : la sou scrip tion était ou v erte, m ’ acquitta envers le fisc. Ce ser­

v ic e , au re s te , doit m e sem b ler de peu d’ im porta n ce, com paré à ceu x de tout gen re que m ’ a rendus l'a m itié de M . Bérard.

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VI P R E F A C E .

consulter est un m oyen de parler de soi qu'on n ég lig e rare­

m ent. Mais il ne suffirait pas de consulter de bonne foi des gens qui conseilleraient de m êm e ; il faudrait encore exécu ­ ter : ceci est la part du caractère. Les intentions les plus p u res, le patriotism e le plus écla iré, ne le donnent pas tou­

jou rs . Qlû n 'a vu de hauts personnages quitter un donneur d ’ avis avec une pensée cou rageuse, et, l’ instant d ’ après, re­

ven ir vers lu i, de j e ne sais quel lieu de fascin ation, avec l ’ em barras d ’ un dém enti donné aux résolutions les plus sa g es?

O h ! d isen t-ils, nous n ’ v serons plus r e p ris ! quelle g a lè re ! Le plus honteux a jou te : Je voudrais bien vous voir à ma p lace. Quand un ministre dit cela , soyez sur qu’ il n'a plus la tête à lui. Cependant il en est un, mais un seu l, q u i, sans avoir perdu la tête, a répété souvent ce m ot de la m eilleure foi du m onde ; aussi ne l'a d ressa it-il jam ais à un am i.

Je n ’ ai connu qu’ un hom m e dont il ne m ’ eût pas été p o s ­ sible de m ’ éloign er, s’ il fût arrivé au p ou v oir. Avec son im ­ perturbable bon sens, plus il était propre à donner de sages con seils, plus sa m odestie lui faisait recherch er ceu x des gens dont il avait éprouvé la raison. Les déterm inations une fois prises, il les suivait avec ferm eté et sans ja cta n ce. S’ il en avait reçu l’ inspiration d’ un autre, ce qui était rare, il n'ou b lia it point de lui en faire honneur. Cet h om m e, c ’ était Manuel, à qui la France doit encore un tom beau.

Sous le m inistère em m iellé de M. M artignac, lorsque fa ­ tig u és d'une lutte si longue con tre la lég itim ité, plusieurs de nos chefs politiques travaillaient à la fam euse fusion, un d 'e u x s’ écria : Som m es-nous heureux que celu i-là soit m ort ! C’ est un éloge funèbre qui dit tout ce que Manuel vivant n ’ eût pas fait à cette époque de prom esses hypocrites et de con cessions funestes.

M oi, je puis dire ce qu’ il aurait fuit pendant les Trois Journées. La rue d 'A rtois, l'IIô t e l-d e -V ille et les barricades l'auraient vu tour à tou r, délibérant ic i, se battant là ; m ais les barricades d 'a b ord , car son courage de vieu x soldat s’ y fût trouvé plus à l'a ise au m ilieu de tout le brave peu - pie de Paris. Oui, il eût travaillé au berceau de notre rév o­

lution. C ertes, on n ’ eût pas eu à dire de lui ce qu'on a ré­

pété de plusieu rs, qu’ ils sont com m e dos greffiers de m airie qui se croiraient les pères des enfants dont ils n ’ ont que dressé l’ acte de naissance.

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P I\ E F A G E. V I I

11 est vraisem b la b le que Manuel eût été fo rcé d ’a ccepter une part aux affaires du nouveau gou vern em en t. Je l'aurais suivi les yeu x ferm és, par tous les chem ins q u ’ il lui eût fallu prendre pour rev en ir bien tôt sans douta au m odeste asile que nous pa rtag ion s. P atriote avant tou t, il fût ren tré dans la v ie p rivée sans hu m eu r, sans arrière-pen sées ; à l’ heure q u 'il e s t, de l’ opposition p rob a blem en t en c o re , m ais sans haine de p erson n es, car la force donne de l’ in du lg en ce, m ais sans désespérer du pays, parce q u 'il avait foi dans le p eu p le.

Le bonheu r de la F rance le préoccu pa it sans cesse ; e û t-il vu a ccom p lir ce bon h eu r par d ’ autres que lu i, sa j o ie n ’ en eût pas été m oins gran d e. Je n ’ ai jam a is ren contré d ’ hom m e m oins a m b itieu x, m êm e de céléb rité. La sim plicité de ses mœurs lui faisait chérir la vie des ch am ps. Dès qu’ il eût été sûr que la France n’ avait plus b esoin de lui , j e l ’entends s 'é cr ie r : Allons viv re à la eam pagne.

Ses am is politiques ne l ’ont pas toujours b ien a p p récié ; m ais su rv en a it-il quelque em barras, quelque danger, tous s’ em pressaient de recourir à sa raison im p ertu rb ab le, à son inébranlable cou ra ge. Son talent ressem blait à leur am itié : c ’ est dans les m om ents de crise q u ’ il en avait toute la p lé ­ nitu de, et que b ien des faiseurs de phrases, qu’on appelle ora teurs, b aissaient la tête devant lu i.

Tel fut 1 hom m e que je n ’ aurais pas q u itté, e û t-il dû v ie il­

lir dans une position ém in ente. Loin de lu i la pensée de m ’ affu b ler d ’ aucun titre , d ’ aucun em ploi 1 ca r il respectait m es goûts. C’ est com m e sim ple volon ta ire q u ’ il eût voulu me garder à ses côtés sur le cham p de b ataille du p o u v oir. Et m o i, en restant auprès de lu i, je lui aurais du m oins fa it gagner le tem ps que lui eussent p ris , chaque jo u r , les visites qu’ il n ’ eût pas m anqué de m e fa ire, si j e m 'éta is ob stin é à viv re dans notre pa isib le retra ite. A ux sentim ents les plus élevés s'u n issaien t dans son cœur les a ffection s les plus douces ; il n ’ était pas m oins tendre am i que citoyen d évou é.

Ces derniers m ots suffiront pour justifier cette digression , qui d ’ailleurs n e peut déplaire aux vrais p a triotes. Ils n ’ ont jam a is plus reg retté M anuel que depuis la rév olu tion de Ju illet, en d ép it de quelques gens qui p eu t-être répèten t tout bas : Som m es-nous h eu reux que ce lu i-là soit m o r t!

Il est tem ps de je te r un cou p d ’ œil général sur m es chan­

sons. Je le con fesse d ’ abord : j e con çois les rep roch es que

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Vili P R É FA C E.

plusieurs ont dû m 'a ttirer de la part des esprits austères, peu disposés à pardonner quelque ch ose, m êm e à un liv ie qui n ’ a pas la prétention de servir à l ’ éducation des d em oi­

selles. Je dirai seulem en t, sinon com m e d éfen se, au m oins com m e excu se, que ces chansons, folles inspirations de la jeunesse et de ses retou rs, ont été des com pagnes fort utiles, données aux graves refrains et aux couplets politiques. Sans leur assistance, j e suis tenté de croire que c e u x -c i auraient bien pu n’ aller ni aussi loin , ni aussi bas , ni m êm e aussi h a u t; ce dernier m ot d û t-il scandaliser les vertus de salon.

Q uelques-unes de mes chansons ont été traitées d ’ im p ies , les pa u vrettes! par MM. les procureurs du ro i, avocats g é ­ néraux et leurs substitu ts, qui sont tous gens trè s -r e lig ie u x à l ’ audience. Je ne puis à cet égard que répéter ce qu’ on a dit cent fois. Quand, de nos jo u r s , la relig ion se fait instru­

ment p olitiq u e, elle s ’ exp ose à voir m éconn aître son carac­

tère sacré ; les plus tolérants deviennent intolérants pour elle ; les croyants, qui croien t autre chose que ce qu’ elle en­

seign e, vont q u elquefois, par rep résa illes, l ’ attaquer jusque dans son sanctuaire. M oi, qui suis de ces croyants , je^n'ai jam a is été ju sq u e -là : je me suis contenté de faire rire de la livrée du ca tholicism e. E st-ce de l'im p ié t é ?

Enfin, grand nom bre de m es chansons ne sont que des in­

spirations de sentim ents intim es ou des caprices d’ un esprit vagabond ; ce sont là mes filles ch éries : voilà tout le bien que j ’ en veux dire au p u b lic. Je ferai seulem ent ob server en core, qu’ en jeta n t une grande variété dans mes recu eils, ce lles-ci ont dû n 'ê tre pas inutiles non plus au succès des chansons politiques.

Quant à ces dern ières, à n ’ en croire m êm e que les adver­

saires les plus prononcés de l’ opinion que j ’ ai défendue pen­

dant quinze ans, elles ont exercé une puissante influence sur les m asses, seul levier qui désorm ais rende les grandes ch o­

ses p o ss ib le s . L’ honneur de cette influence, je ne l’ ai pas réclam ée au m om ent de la v ictoire : mon courage s’ évanouit

«aux cris q u ’ elle fa it pousser. Je cr o is , en v érité, que la d é ­ faite va m ieu x à m on hum eur. A ujou rd’ hui j'o s e donc récla ­ m er m a part dans le triom ph e de 1 8 3 0 , triom ph e que je n'ai su chanter que lon g tem ps après, et devant les sépultures des citoyen s à qui nous le devon s. Ma chanson d'a d ieu se ressent de ce m ouvem ent de vanité politique , produit sans

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1» 11 E FA C E.

doute par les flatteries qu'une jeu n es se enthou siaste m 'a prodigu ées et m e prodigu e en core. P révoyant que bien tôt l'ou bli en v elopp era les chansons et le ch an sonn ier, c ’ est une épitaphe que j ’ ai voulu préparer pou r notre tom b e com m une.

M algré tout ce que l’ am itié a pu fa ir e , m alg ré les plus illustres suffrages et l ’ in du lg en ce des interprètes de l’ o p i­

nion pu b liq u e, j ’ ai toujours pensé que m on nom n e m e sur­

vivrait p a s, et que m a réputation déclinerait d ’ autant plus vite qu’ elle a été nécessairem ent fort exa g érée p a r l’ in térêt de parti qui s ’ y est attaché. On a ju g é de sa durée par son étendue ; j ’ ai fa it, m o i, un calcul différent qui se réalisera de mon vivan t, pour peu que j e v ie illis s e . A quoi b on nous r é ­ véler c e la ? diront quelques a veugles. Pour que m on pays me sache g ré, surtout, de m ’ être livré au genre de poésie que j ’ ai ju g é le plus utile à la cause de la lib e r té , lorsque je p ou ­ vais tenter des succès plus solides dans les genres que j ’ avais cultivés d'a b ord .

Sur le point de faire ici un exam en con scien cieu x de ces productions fu g itives, le courage m ’ a m anqué , j e l’ a v o u e . J’ ai craint qu’ on ne me p rît au m ot lorsqu e je relèverais des fautes, et qu’ on ne fît la sourde o reille aux ca joleries pater­

nelles que j e pourrais adresser à m es chansons ; car encore fa u t-il bien que tout n ’ en soit pas m au vais. P uis, m algré la politesse des critiques à m on é g a r d , ce serait p eu t-être pousser la reconnaissance trop loin que de faire ainsi leur b esog n e. Je le répète : le courage m ’ a m anqué. On n ’ incendie guère sa m aison que lorsqu’ elle est assurée. Ce que j e puis dire d’ avance à ceu x qui se font les exécuteurs des hautes œuvres littéra ires , c ’ est que j e suis com plètem ent innocent des éloges exa gérés qui m ’ ont été prodigu és ; que jam a is il ne m ’ est arrivé de solliciter le m oin dre article de b ie n v e il­

lance ; que j ’ ai été m êm e ju sq u ’ à prier des am is jou rn a listes d’ être pour m oi plus sobres de louanges ; q u e, loin de vou loir ajouter le bruit au b ru it , j ’ ai évité les ovations qui l ’a u g­

m entent, me suis tenu loin des coteries qui le p r o p a g e n t , et que j ’ ai ferm é m a p o rle aux com m is-voy a geu rs de la R e­

nom m ée, ces gens qui se ch argen t de colp orter votre répu ­ tation en p rov in ce et ju sq u e dans l’ étra n ger, dont les re v u es

<‘t les m a g a sin s leur sont ouverts.

Je n ’ ai jam a is pou ssé m es prétentions plus haut que ne l’ indique le titre de ch an son n ier, sentant b ien q u ’ en mettant

(17)

X

P il É F A G E.

toute m a gloire à conserver ce titre auquel j e dois tant, j e lui devrais encore d’ être ju g é avec plus d’ indulgence, placé par là loin et au-dessous de toutes les grandes illustrations de m on siècle. Le besoin de cette position spéciale a tou ­ jours dû m ’ ôter l'id ée de courir après les dignités littéraires les plus enviées et les plus dignes de l’ être, quelque instance que m ’ aient faite des amis influents et dévoués, q u i, dans la poursuite de ces d ign ités, me prom ettaient , je suis honteux de le dire, plus de bonheur que n ’ cn a eu li. Constant, grand pu b liciste, grand orateur, grand écrivain. Pauvre Constant'.

A ceux qui douteraient de la sincérité de m es p a roles, je répondrai : Les rêves poétiques les plus am bitieux ont b ercé m a jeunesse ; il n ’ est presque p oint de genre élevé que je n 'a ie tenté en silence. Pour rem plir une im m ense carrière, à vingt ans, dépourvu d ’ études, m êm e de celle du latin, j'a i ch erché à pénétrer le génie de notre langue et les secrets du style. Les plus nobles encouragem ents m 'on t été donnés alors. Je vous le dem ande : croyez-vou s qu’ il ne me soit rien resté de tout cela , et qu’ a u jourd'hui, jeta n t un regard de profonde tristesse sur le peu que j ’ ai fa it, j e sois disposé à m ’ en exagérer la v a le u r ? m ais j ’ ai utilisé m a vie de p oëte, et c'est là ma consolation. 11 fallait un hom m e qui parlât au peuple le langage q u 'il entend et qu’ il a im e, et qui se créât des im itateurs pour varier et m ultiplier les versions du m êm e tex te. J'ai été cet hom m e. La Liberté et la Patrie, d ira -t-on , se fussent bien passées de vos refra in s. La Liberté et la Patrie ne sont pas d ’ aussi grandes dames qu 'on le sup­

pose : elles ne dédaignent le concours de rien de ce qui est p opula ire. 11 y aurait, selon m oi, injustice à porter sur mes chansons un jugem ent où il ne me serait pas tenu com pte de l’ influence q u 'elles ont e x ercée. 11 est des instants, pour une nation, où la m eilleure m usique est celle du tam bour qui bat la ch arge.

Après tou t, si l ’ on trouve que j'e x a g è re beaucoup l'im ­ portance do mes couplets , qu’ on pardonne au vétéran qui prend sa retraite de grossir tunt soit peu ses états de ser­

v ices. On pourra m êm e observer que j e parle à peine de m es b lessures. D 'ailleurs, la récom pense que je sollicite ne fera pas ajouter un centim e au budget.

Comme chansonnier , il me faut répondre à une critique que j ’ ai vue plusieurs fois reprodu ite. On m 'a reproché

(18)

P R É F A C E .

d 'a v oir dénaturé la ch an son , en lui faisant prendre un ton plus élevé que celui des C ollé, des Panard, des D ésaugiers.

J’ aurais m auvais grâce à le con tester, car c ’ e st, selon m o i, la cause de m es succès. D’ a bord , j e ferai rem arquer que la chanSon , com m e plusieu rs autres g e n r e s , est toute une la n gu e, et q ue, com m e te lle , elle est su scep tib le de prendre les tons les plus o p p osés. J’ a jou te que depuis 1 7 8 9 , le p euple ayant m is la m ain aux a ffaires du p a y s, ses sentim ents et ses idées patriotiques ont acquis un très-g ra n d d évelop p e­

m ent ; notre h istoire le prou v e. La ch anson, qu’ on avait d é ­ finie l'e x p r e s s io n des s e n tim e n t s p o p u la ir e s, devait dès lors s’ élever à la hauteur des im pressions de jo ie ou de tris­

tesse que les triom ph es ou les désastres produisaien t sur la classe la plus n om b reu se. Le vin et l’ am our ne pouvaient guère plus que fou rn ir des cadres pour les idées qui p ré o c­

cu paient le peuple exa lté par la R évolution , et ce n ’ était plus seulem ent a vec les m aris trom p és, les procureurs avides et la b a rq u e à C a ro n , qu’ on pouvait ob ten ir l’ honneur d ’ être chanté par nos artisans et nos soldats aux tables des gu in­

guettes. Ce succès ne suffisait pas encore ; il fallait de plus que la nou velle expression des sentim ents du peuple pût o b ­ tenir l’ entrée des salons pour y faire des con qu êtes dans l'in térêt de ces sentim ents. De là , autre n écessité de p e rfe c­

tionner le sty le et la poésie de la chanson.

Je n ’ ai pas fait seul toutes les chansons depuis quinze ou dix-h u it ans. Qu’ on feu illette tous les recu eils, et l’ on verra que c ’ est dans le style le plus grave que le peuple voulait qu’ on lui parlât de ses regrets et de ses espéran ces. 11 doit sans doute l’ habitude de ce diapason élevé à l ’ im m ortelle M a r s e illa is e, q u ’ il n ’ a jam a is ou b lié e , com m e on l ’ a pu voir dans la grande Sem aine.

Pourquoi nos jeu n es et grands poëtes on t-ils dédaigné les succès que , sans nu ire à leurs autres travaux , la chanson leur eût p ro cu ré s ? notre cause y eût gagné , e t, j ’ ose le leur d ire, eu x -m êm es eussent profité à d escendre q u elquefois des hauteurs do notre vieu x Pinde , un peu plus aristocratique que ne le voudrait le gén ie de notre bonne langue française.

Leur style eût sans doute été o b lig é de ren on cer, en pa rtie, à la p om p e des m ots ; m ais , par com pensation , ils se se­

raient habitués à résum er leurs idées en de petites com po sitions va riées et plus ou m oins dram atiques , com positions

(19)

X U 1» R É F A C E .

que saisit l'in stin ct du vu lgaire, lors m êm e que les détails les plus heureux lui échappent. C’ est là, selon m oi, m ettie de la poésie en d essou s. Peut être e s t-ce , en définitive, une obligation qu’ im pose la sim plicité de notre langue et à la ­ quelle nous nous conform ons trop rarem ent. La Fontaine en a pourtant assez bien prouvé les avantages.

J’ ai pensé quelquefois que si les poëtes contem porains avaient réfléchi que désorm ais c’ est pour le peuple qu’ il faut cu ltiver les lettres, ils m ’ auraient envié la p etite palm e qu’ a leur défaut je suis parvenu à cu eillir, et qui sans doute eût été durable, m êlée à de plus glorieu ses. Quand je dis p eu p le, j e dis la fo u l e ; j e dis le p euple d ’ en bas , si l'o n veut. Il n ’ est pas sensible aux recherch es de l’ esprit , aux d élica ­ tesses du goût ; soit l m ais par là m êm e, il ob lig e les auteurs à con cevoir plus fortem ent , plus grandem ent, pour captiver son attention. A ppropriez donc à sa forte nature et vos su­

jets et leurs développem ents : ce ne sont ni des idées ab­

straites, ni des types qu’ il vous dem ande : m on trez-lu i à nu le cœur humain. Il me sem ble que bliakspere fut soum is à cette heureuse con dition. M ais que deviendra la perfection du s ty le ? C roit-on que les vers inim itables de Hacine, ap­

pliqués à l’ un de nos m eilleurs m élodram es, eussent em pê­

ch é, m êm e aux boulevards, l ’ ouvrage de réu ssir? Inventez, con cevez pour ceux qui tous ne savent pas lire ; écrivez pour ceux qui savent écrire.

Par suite d ’ habitudes enracinées , nous jugeon s encore le peuple avec prévention . 11 ne se présente à nous que com m e une tourbe g rossière, incapable d ’ im pressions élevées, g é ­ néreuses , tendres. Toutefois chez nous il y a pis , m ême en m atière de ju gem en ts littéraires, surtout au théâtre. S’ il reste de la poésie au m onde, c’ est, je n ’ en doute pa s, dans ses rangs qu’ il faut l'a ller ch erch er. Qu’ on essaie donc d’ en faire pour lui ; m ais , pour y parvenir , il faut étudier ce p eu p le. Quand par hasard nous travaillons pour nous en faire applaudir , nous le traitons com m e font ces rois qui, dans leurs jou rs de m unificence, lui jetten t des cervelas à la tète et le noient dans du vin frela té. V oyez nos peintres : représen ten t-ils des hom m es du peu ple, m êm e dans des co m ­ positions historiques , ils sem blent se com plaire à les faire h ideux. Ce peuple ne p ou rra it-il pas dire à ceu x qui le r e ­ présentent ainsi : « E st-ce ma faute si je suis m isérablem ent

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« d é g u e n illé ? si m es traits sont flétris par le b e so in , q u el-

«< quefois m êm e par lo v ic e ? Mais dans ces traits liâves et

« fatigués a b rillé l'en th ousiasm e du cou ra ge et de la li-

« b erté ; m ais sous ces haillons cou le un san g que j e p ro -

« digue à la v o ix de la p atrie. C’ est quand m on âm e s’ exa lte

« q u ’ il faut me pein dre. Alors j e suis beau ; » et le peuple aurait raison de p arler ainsi.

Tout ce qui appartient aux lettres et aux arts est sorti des classes in férieu res, à peu d ’ exception s près. Mais nous re s ­ sem blons tous à des parvenus désireux de faire ou b lier leur o r ig in e ; ou, si nous voulons bien souffrir chez nous des portraits de fa m ille, c'e st à con dition d 'en faire des ca ri­

catures. Beau m oyen de s'a n ob lir, vraim en t! Les Chinois sont plus sages : ils anoblissen t leurs a’ieux.

La plus grand p oëie des tem ps m odernes, et p eu t-être de tous les tem ps, N apoléon , lorsqu 'il se dégageait de l'im ita ­ tion des anciennes form es m onarch iques, ju g ea it le p euple ainsi que devraient le ju g e r nos p oëtes et nos a rtistes. 11 v o u la it , par ex e m p le , que le spectacle des représentations g r a tis fut com posé des ch efs-d 'œ u vre de la scène française.

C orneille et M olière en faisaient souvent les hon neurs, et l'on a rem arqué que jam a is leurs p ièces ne furent applaudies avec plus de d iscernem ent. Le grand hom m e avait appris de bonne h eu re, dans les cam ps et au m ilieu des troubles ré­

volutionnaires, ju sq u ’ à quel degré d'élévation peut atteindre l instinct des m asses, h abilem ent rem uées. On serait tenté de croire que c ’ est p ou r satisfaire à cet instinct q u 'il a tant fatigué le m on de. L’ am our que p orte à sa m ém oire la g é n é ­ ration n o u v elle, qui ne l'a pas con nu, prouve assez com bien l'ém otion p oétique a de pou v oir sur le peu p le. Que nos au­

teurs travaillent donc sérieusem ent pour cette foule si bien préparée à recev oir l'in stru ction dont elle a b esoin . En sy m ­ pathisant a vec e lle , ils achèveront de la rendre m o ra le , et plus ils ajou teron t à son in tellig en ce , plus ils éten dron t le dom aine du génie et de la g lo ire .

Les jeu n es g e n s , j e l’ e s p è r e , m e pardonneront ce s r é ­ flexions que j e ne hasarde ici que pour eu x . Il en est peu qui ne sachent l’ intérêt que tous m ’ in spiren t. C om bien de fois me su is-je entendu rep roch er des applaudissem ents d on ­ nés à leurs plus audacieuses in n ov a tion s! P o u v a is -je ne pas applaudir, m êm e en blâm ant un p e u ? Dans m on gren ier, à

(21)

XIV

P R E F A C E .

leur â ge, sous le règne de l’ abbé D elille, j ’ avais m oi-m êm e p rojeté l ’ escalade de bien des barrières. Je ne sais quelle v o ix me criait : Non , les Latins et les Grecs m êm e ne doi­

vent pas être des m odèles ; ce sont des flam beaux : sachez vous en servir. Déjà la partie littéraire et poétique des ad­

m irables ouvrages de M. de Chateaubriand m ’ avait arraché aux lisières des Le B atteux et des La H arpe, service que je n ’ ai jam a is oub lié.

Je l ’avoue pourtant, j e n'aurais pas voulu plus tard voir recourir à la langue m orte de Ronsard, le plus classique de nos vieu x auteurs ; je n ’ aurais pas voulu surtout qu'on tour­

nât le dos à notre siècle d’ affranchissem ent, pour ne fouiller qu’ au cercueil du m oyen â ge, à m oins que ce ne fût pour m esurer et peser les chaînes dont les hauts barons acca­

blaient les pauvres serfs, nos aïeux. Peut-être a va is-je tort, après tou t. C’ est lorsqu 'à travers l ’ Atlantique il croyait v o ­ gu er vers l’ A sie, berceau de l ’ ancien m onde, que Colom b rencontra un m onde nouveau. Courage donc, jeunes gens ! il y a de la raison dans votre audace ; m ais puisque vous avez l’ avenir pour vous, m ontrez un peu m oins d'im patience contre la génération qui vous a précédés, et qui m arche en­

core à votre tête par rang d 'â g e . Elle a été riche aussi en grands talen ts, et tous se sont plus ou m oins consacrés aux progrès des libertés dont les fruits ne m ûriront guère que pour vous. C'est du m ilieu des com bats à m ort de la tribu ne, au bruit des longues et sanglantes batailles , dans les dou­

leurs de l ’ e x il, au pied des éch afa u ds, q u e, par de brillants et nom breux su ccès, ils ont entretenu le culte des M uses, et qu ’ ils ont dit à la barbarie : Tu n'iras pas plus loin . Et vous le savez, elle ne s ’ arrête que devant la gloire.

Quant à moi q ui, ju sq u ’ à présent, n ’ ai eu qu’ à me louer de la jeu n esse, je n'attendrai pas qu’ elle m e crie : A rrière, bon hom m e 1 laisse-nous passer. Ce que l’ ingrate pourrait faire avant peu. Je sors de la lice pendant que j ’ai encore la force de m ’ en éloign er. T rop souvent, au soir de la v ie, nous nous laissons surprendre par le som m eil sur la chaise où il vient nous clou er. Mieux vaudrait aller l’ attendre au lit, dont alors on a si grand b esoin . Je me hâte de gagner le m ien , quoiqu’ il soit un peu dur.

Quoi 1 vous ne ferez plus de ch a n son s? Je ne prom ets pas cela ; entendons-nous , de grâ ce. Je prom ets de n 'en pas

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1» H É FA C F . xv publier davantage. A ux jo ie s du travail succèden t les d é ­ goûts du b esoin de vivre ; bon gré, m al g ré, il faut trafiquer de la Muse : le com m erce m ’ ennuie ; j e m e retire. Mon am ­ bition n ’ a jam a is été à plus d'un m orceau de pain pou r mes vieu x jou rs : elle est satisfa ite, b ien que je ne sois pas m êm e électeur, et que je ne puisse espérer jam a is l'h onneur d’ être é lig ib le , en dépit de la révolution de J u illet, à qui j e n ’ en veux pas pour cela . A ne faire des chansons que pour vou s, d ir a -t -o n , le dégoût vous prendra b ien vite. E h l ne p u is -je faire autre ch ose que des couplets pour m a f ê t e ? Je n ’ ai pas renoncé à être u tile. Dans la retraite où j e vais m e confiner, les souvenirs se presseron t en fou le. Ce sont les bonnes fo r ­ tunes d’ un vieilla rd . Notre époq u e, a gitée par tant de pas­

sions ex trêm es, ne transm ettra que peu de ju gem en ts équi­

tables sur les con tem porains qui occupent ou ont occu p é la s cèn e, qui ont soufflé les acteurs ou encom bré les cou lisses.

J’ ai connu un grand nom bre d ’hom m es qui ont m arqué depuis vin gt ans ; sur presque tous ceu x que je n ’ ai pas vus ou que je n ’ ai fait q u ’ entrevoir, m a m ém oire a recu eilli quantité de faits plus ou m oins caractéristiques. Je veux faire une espèce de Dictionnaire h istoriq ue, où sous chaque nom de nos nota­

b ilités politiques et littéraires, jeu n es ou v ie ille s, viendront se classer mes nom breux souvenirs et les ju gem en ts que je m e perm ettrai de porter ou que j'em p ru n tera i aux autorités com pétentes. Ce travail peu fa tig an t, qui n’ e x ig e ni des con ­ naissances profondes ni le talent de prosateur, rem plira le reste de m a vie. Je jou ira i du p laisir de rectifier b ien des erreurs et des calom nies qu’ enfante toujours une lutte enve­

nim ée ; car ce n ’ est pas dans un esprit de dén igrem en t, on le con çoit, que j ’ ai form é ce p ro je t. Dans une cinquantaine d ’ années, ceu x qui voudront écrire l’ histoire de ces jou rs fé ­ conds en événem ents n ’ auront à con su lter, je le crains b ien , que des docum ents entachés de p a rtia lité. Les notes que j e laisserai à ma m ort pourront inspirer quelque con fiance, même dans ce qu’ elles auront de sévère, car j e ne prétends pas n ’ être q u ’ un p a n égyriste. Les h istorien s savent tant de ch oses, qu’ ils sauront sans doute alors que j ’ ai eu peu à m e plaindre des hom m es, m êm e des hom m es puissants ; que si je n’ ai rien é té , c ’ est com m e d ’ autre3 sont quelque ch ose, j e veux dire en m e donnant de la p ein e pour cela ; ils n ’ auront donc pas à me ranger au nom bre des gens désappointés et

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X V I P U E F A C E.

chagrins. Ils sauront peut-être aussi que j ’ ai jou i de la répu tation d ’ observateur assez attentif, assez exa ct, assez péné­

trant, et qu’ enfin j e m 'en suis toujours plutôt pris à la fa i­

blesse des hom m es qu’à leur mauvais vou loir, du mal que j 'a i pu voir faire dans m on tem ps. Des m atériaux recueillis dans cet esprit manquent trop souvent pour que les historiens a venir ne tirent pas bon parti de ceux que je laisserai. La France, un jo u r , pourra m ’ en savoir gré. Qui sait si ce n’ est pas à cet ouvrage de m a vieillesse que mon nom devra de m e s u rv iv re? Il serait plaisant que la postérité dît : Le ju ­ d icieu x , le grave B érangert Pourquoi p a s ?

Mais voici bien des pages à la suite les unes des autres, sans trop de lo g iq u e ,n i surtout de n écessité. Se d outerait-on . à la longueur de cette préface , que j ’ai toujours redouté d'en treten ir le public de m o i, autrement qu’ en ch an sons? Je*

crains bien d’ avoir abusé étrangem ent du privilège que donne l'instant des adieux : il me reste pourtant encore une dette de cœur à acquitter.

Au risque d'a v oir l'a ir de solliciter pour mes nouvelles chansons l'indu lgence des jou rn a u x , m ise par m oi si souvent à l’ ép reuve, je dois tém oigner ma reconnaissance à leurs ré ­ dacteurs, pour l'appui qu'ils m 'ont prêté dans m es petites

guerres avec le pouvoir. Ceux de m on opinion ont plus d ’ une fois bravé les ciseau x de la censure et les ongles de la main de ju stice pour ven ir à m on secours dans les m om ents p é ­ rilleu x. Nul doute que sans eux on ne m 'eût fait payer plus chèrem ent la tém érité de mes attaques. Je ne suis point de ceu x qui oublient les obligations q u 'ils ont à la presse p é ­ riodiqu e.

Je m e fais un devoir d ’ ajouter que m êm e les journaux de l'op in ion la plus opposée à la m ien ne, tout en repoussant l'h ostilité de m es principes , m 'on t paru presque toujours garder la m esure qu'un hom m e convaincu a droit d'attendre de ses adversaires, surtout quand il ne s'en prend qu’ à ceux qui sont en position de se ven ger.

J'a ttribue cette bienveillan ce si générale à l ’ em pire qu’ exerce en France le genre auquel j e m e suis ex clu siv e­

ment livré. Cela seul suffirait pour m ’ ôter toute envie d 'a c ­ coler jam a is aucun autre titre à celui de chan sonn ier, qui m 'a rendu cher à m es con citoyens.

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C H A N S O N S

dk

P. J. DE BÉRANGER

L E R O I D’ Y V E T O T.

MAI 1 8 1 3 .

A i r : Q u and un te n d r o n v ie n t en ces lie u x . II était un roi d ’ Yvetot

Peu connu dans l ’h istoire ; Se levant tard, se couchant tôt,

Dormant fort bien sans g loire, Et couronné par Jeanneton D’ un sim ple bonnet de coton ,

D it-o n .

Oh ! oh 1 oh ! oh ! ah I ah ! ah ! ah ! Quel b o n petit roi c ’ était là !

L a , la.

Il faisait sefe quatre repas Dans son palais de chaum e, Et sur un àne, pas à p a s,

Parcourait son royaum e.

J oy eu x , sim ple et croyant le b ien , P our toute garde il n ’ avait rien

Qu’ un chien.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah 1 ah ! Quel bon petit roi c’ était là !

La, la.

1

(25)

C H A N S O N S Il n’ avait de goût onéreux Qu’ une s o if un peu vive ; Mais en rendant son peuple heureux,

11 faut bien qu'un roi vive.

L u i-m êm e, à table et sans suppôt.

Sur chaque m uid levait un pot D’ im pôt.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah ! Quel b on petit roi c'éta it ln !

La, la.

A ux filles de bonnes m aisons Comme il avait su plaire, Ses sujets avaient cent raisons

De le nom m er leur père : D’ ailleurs il ne levait de ban Que pour tirer quatre fois l’ an

Au blan c.

Oh ! oh ! oh 1 oh ! ah ! ah ! ah ! ah ! Quel bon petit roi c ’ était là !

L a, la.

Il n ’ agrandit point ses Etats, Fut un voisin com m ode, E t, m odèle des potentats,

Prit le plaisir pour code.

Ce n 'e st que lorsqu'il expira Que le peuple qui l ’ enterra

Pleura.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah ! Quel bon petit roi c'éta it là !

La, la.

On conserve encor le portrait De ce digne et bon prince ;

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1) K fi E R A N G E II C’ est l’ enseign e d ’ un cabaret

F am eu x dans la p rov in ce.

Les jou rs de fê te , b ien souvent, La foule s’ écrie en buvant

Devant :

()li ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah ! Quel bon petit roi c ’ était là !

La , la.

L A B A C C H A N T E .

A i r : F o u r n is s e z u n ca n a l a u ru issea u . Cher a m a n t , j e cède à tes désirs :

De Cham pagne enivre Julie.

Inventons , s’ il se peu t, des plaisirs ; Des Am ours épuisons la fo lie .

V e rse -m o i ce jo y e u x p oison , Mais surtout b ois à ta m aîtresse ; Je rou girais de m on ivresse, Si tu con servais ta raison.

V ois déjà b rille r dans m es regards Tou t le feu dont m on sang bouillon ne.

Sur ton lit, de m es ch eveux épars, F leur à fleur vois tom b er m a cou ronne.

Le cristal vien t de se b riser ; D ie u x ! baise m a gorge brûlante, Et taris l’ écum e enivrante Dont tu te plais à l ’ arroser.

V erse encor ! m ais pourquoi ces atours Entre tes baisers et m es charmes ?

(27)

4

C l ï AN S O N S

Romps ces nœ uds, ou i, rom ps-les pour toujours!

Ma pudeur ne connaît plus d ’ alarm es.

Presse en tes bras m es charmes nus.

A h ! j e sens redoubler m on ê tre ! A l’ ardeur qu’ en m oi tu fais naître Ton ardeur ne suffira plus.

Dans mes bras tom be enfin à ton tour ; M ais, h élas! tes baisers languissent.

Ne b ois plu s, et garde à m on amour Ce nectar où tes feux s’ am ortissent.

De mes désirs m al apaisés , Ingrat, si tu pouvais te plaindre, J ’ aurais du m oins pour les éteindre Le vin où j e les ai puisés.

L E S É N A T E U R . 1 8 1 3 .

A i r : J ’ on s u n c u r é p a t r i o t e . Mon épouse fait ma gloire : Rose a de si jo lis yeux ! Je lui dois, l ’on peut m ’ en croire, Un ami bien p récieu x.

Le jou r où j ’ obtins sa fo i, Un sénateur vint chez m oi.

Quel honneur ! Quel bonheur ! A h! m onsieur le sénateur, Je suis votre hum ble serviteur.

l)e ses faits j e tiens registre : C’ est un hom m e sans é g a l.

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D E B É R A N G E R . L ’ autre h iv er chez un m inistre Il m ena m a fem m e au b a l.

S’ il m e trouve en son ch em in.

11 m e frappe dans la m ain Quel hon neur ! Quel bonheu r ! Ah ! m onsieu r le sénateur, Je suis votre hum ble serviteur.

Près de R ose il n ’ est point fade.

Et n ’ a rien d ’ un freluquet.

Lorsque m a fem m e est m alade, Il fait m on cen t de piqu et.

11 m 'em b ra sse au jo u r de l’ an : 11 m e fête à la S ain t-J ea n .

Quel honneur ! Quel bonheu r ! Ah I m onsieu r le sénateur, Je suis votre hum ble serviteur.

Chez m oi qu’ un tem ps effroy ab le Me retienne après dîner, 11 m e dit d ’ un air aim able :

« A llez donc vous prom ener ;

« Mon ch er, ne vous gênez pas.

« M un éq uipage est là -b a s . » Quel honneur !

Quel bonheur ! A li! m onsieu r le sénateur, Je suis votre hum ble serviteur.

Certain soir à sa cam pagm ; Il nous m ena par hasard ; Il m ’ enivra de Champagne , Et R ose fit lit à part :

(29)

C H A N S O N S Mais de la m aison, m a foi, Le plus beau lit fut pour m oi.

Quel honneur ! Quel bonheur ! Ah ! m onsieur le sénateur,

•le suis votre hum ble serviteur.

A l'en fan t que Dieu m ’ en voie.

Pour parrain je l ’ ai donné.

C’ est presque en pleurant de jo ie Qu'il baise le nouveau-né ; Et m on fils dès ce moment Est mis sur son testament

Quel honneur ! Quel bonheur ! Ah ! m onsieur le sénateur, Je suis votre humble serviteur.

A table il aime qu’ on rie ; Mais parfois j ’ y suis trop vert J’ai poussé la raillerie Jusqu’ à lui dire au dessert : On croit, j'e n suis convaincu , Que vous m e faites c . ..

Quel honneur ! Quel bonheur ! A h ! m onsieur le sénateu r, Je suis votre hum ble serviteur.

(30)

1) E D E R A N G E R . 7

L’ A C A D É M I E E T L E C A V E A U .

C H A N S O N D E R E C E P T I O N

AU CAVEAU MODERNE.

1 8 1 3 .

A i r : T ou t la lon g de la r iv iè r e . Au Caveau j e n ’ osais fra pper ; Des m échants m ’ avaient su trom per.

C’ est presque un cercle académ ique . Me disait m aint esprit caustique.

Mais , que v o is -je i de bons amis Que rassem ble un couvert bien m is.

A sseyez-vou s, m e dit la com pagnie.

Non, n o n , ce n’ est point com m e à l’ A cadém ie, Ce n ’ est point com m e à l’ A cadém ie.

Je m e voyais pendant un m ois , Courant pour dispu ter les voix A des gens qu’ appuîrait le zèle D’ un grand seigneur ou d ’ une b elle ; M ais, faisant m oitié du chem in , V ous m ’ a ccu eillez le verre en m ain.

D’ ici l’ intrigue est à jam a is ban nie.

Non, n on , ce n’ est point com m e à l’ A cadém ie, Ce n ’ est p oin t com m e à l ’ A cadém ie.

Toussant, crachant, faudra-t-il d o n c , Dans un discours superbe et long, Dire : Q u el'hon neur vous me fa ite s ! M essieurs, vous êtes trop honnêtes ;

(31)

C i l A N S O N S Ou quoique chose d'aussi fort ? Mais que j e m ’ effrayais à tort ! On peut ici m ontrer m oins de gén ie.

Non, non, ce n ’ est point com m e à l’ A cadém ie.

Ce n 'est p oint com m e à l ’ A cadém ie.

Je croyais voir le président Faire b âiller en répondant

Que l ’ on vient de perdre un grand hom m e.

Que m oi j e le vaux, Dieu sait com m e.

Mais ce présiden t sans façon * Ne pérore ici qu’ en chanson : Toujours trop tôt sa harangue est finie*.

Non, non , ce n ’ est point com m e à l’ A cadém ie, Ce n ’ est point com m e à l ’A cadém ie.

Admis enfin, aurai-je alors , Pour tout esprit l'esp rit de corps ? Il rend le bon sens, quoi qu’ on dise , Solidaire de la sottise ;

Mais dans votre société , L’ esprit de corps c'est la gaîté.

Cet esprit-là règne sans tyrannie.

Non, n on , ce n ’ est point» com m e à l’ A cadém ie, Ce n ’ est point com m e à l’ Académ ie.

Ainsi j'e n ju g e à votre a ccu eil, Ma chaise n’ est point un fauteuil.

Que j e vais chérir eet asile, Où tant de fois le V au deville A renouvelé ses grelots, Et sur la porte écrit ces m ots . Joie, am itié, m alice et b onhom ie!

Désaugiers.

(32)

D E B É R A N G E II

<)

N on, n on , ce n ’ est point com m e il l’ A cadém ie, Ce n ’ est point com m e à l’ A cadém ie.

L A G AU D RIO LE.

A i r : L a b on n e a v e n tu r e . M om us a pris pour adjoints

D es rim eurs d ’ é cole : Des chansons en quatre points

L e fro id nous désole.

M irliton s’ en est a llé.

Ah ! la m use de C ollé, C’ est la gaudriole,

O g u é , C’ est la gaudriole.

M oi, des sujets polissons Le ton m ’ affriole.

M inerve dans m es chansons Fait la ca b riole.

De m a grand’m ère, après tout, T artufes, j e tiens le goût

De la gaudriole , O gué , De la gau driole.

Elle am usait à d ix ans Son m aître d 'é c o le . Des cordeliers gros plaisants

Elle fut l’ id ole.

Au prêtre qui l ’ exh ortait.

En m ourant elle contait Une gaudriole,

(33)

C H A N S O N S O gu é, Une gaudriole.

C’ était la R égence alors ; E t, sans h y perb ole, Grâce aux plus drôles de corps,

La France était folle.

Tous les hom m es plaisantaient.

Et les fem m es se prêtaient A la gaudriole,

O gu é, A la gaudriole.

On ne rit guère aujourd’hui.

E st-on m oins friv o le ? T rop de gloire nous a nui :

Le p laisir s’ envole.

Mais au Français attristé Qui peut rendre la ga îté?

C’ est la gaudriole, O gué , C’ est la gaudriole.

Prudes, qui no criez plus Lorsqu’on vous viole, Pourquoi prendre un air confus

Y chaque p a role?

Passez les m ots aux rieurs : Los plus gros sont les m eilleurs

Pour la gaudriole, O gu é, Pour la gaudriole.

(34)

D E U E l l A N G E II.

R O G E R B O N T E M P S .

18

U .

A i r : R o n d e d u c a m p d e G r a n d p r c .

A ux gens atrabilaires Pour exem ple donné , En un tem ps de m isères R og er Bontem ps est né.

V ivre obscur à sa guise.

N arguer les m écontents ; Eh g a i! c’ est la devise Du gros R og er B ontem ps.

Du chapeau de son p ère, C oiffé dans les grands jo u rs , De roses ou de lierre Le rajeunir tou jou rs ; M ettre un m anteau de b u re, V ieil am i de vin gt ans ; Eh gai ! c ’ est la parure Du gros R o g e r B ontem ps.

P osséder dans sa hutte Une tab le, un vieu x lit.

Des ca rtes, une flûte, Un b r o c que Dieu rem plit . Un portra it de m aîtresse, Un co ffre et rien dedans : Eh gai ! c’ est la rich esse Du gros R oger B ontem ps.

Aux enfants de la ville M ontrer de petits je u x ;

(35)

Etre un faiseur habile De contes graveleux ; Ne parler que de danse Et d ’almanachs chantants, Eh gai ! c'e st la science Du gros R oger Bontem ps.

Faute de vin d 'élite, Sabler ceu x du canton ; Préférer M arguerite Aux dames du grand ton , De jo ie et de tendresse Rem plir tous ses instants ; Eh gai ! c’ est la sagesse Du gros R oger Bontem ps.

Dire au ciel : Je me fie, Mon père, en ta bonté : De m a philosophie Pardonne la gaîté ; Que m a saison dernière Soit encore un printem ps ; Eh gai ! c ’ est la prière Du gros R oger Bontemps.

V ous, pauvres pleins d ’ envie, Vous, riches désireux, V ous, dont le char dévie Après un cours heureux ; Vous, qui perdrez peut-être Des titres éclatants, Eh gai ! prenez pour maître Le gros R oger Bontemps.

12 C H A N S O N S

(36)

P A R N Y . R O M A N C E .

M U S I Q U E D K B . W I L H E M .

Je disais aux fils d ’ E picure :

« R éveillez par vos jo y e u x chants

« P a rn y , qui sait de la nature

« Célébrer les plus dou x penchants.

Mais les chants que la jo ie inspire Font p lace aux regrets superflus :

Parny n ’ est plus ! Il vient d ’ ex p irer sur sa ly re :

Parny n ’ est plus ! Je disais aux Grâces ém ues :

«< Il vous doit sa céléb rité.

« M on trez-vou s à lu i dem i-n u es ;

« Q u 'il p eign e encor la volu pté. » Mais chacune d ’ elles soupire Auprès des P laisirs éperdus.

P arny n 'e s t plus ! Il vient d ’ ex p irer sur sa lyre :

Parny n ’ est plus ! Je disais aux d ieu x du b el âge :

« A m ours, rendez à ses vieu x ans

« Les fleurs qu’ aux pieds d ’ une voli

« 11 prodigu a dans son printem ps.

Mais en pleurant j e les vois lire Des vers qu’ ils ont cen t fois relus.

Parny n ’ est plus ! 11 vien t d ’ exp irer sur sa lyre :

Parny n ’ est p lu s !

(37)

C II A N S O N S .le disais aux Muses plaintives :

« Oubliez vos malheurs récents * ;

« Pour charm er l’ écho de nos rives,

« Il vous suffit do ses accents. » Mais du poétique délire Elles brisent les attributs.

Parny n ’ est plus ! Il vient d 'ex p irer sur sa lyre :

Parny n ’ est plus ! 11 n ’ est p lu s ! a h ! puisse l’ Envie S’ interdire un dernier effort ** ! Im mortel il quitte la vie ;

Pour lui tous les dieux sont d ’ accord.

Que la Haine, prête à m audire.

Pardonne aux aimables vertus.

Parny n ’ est plus ! Il vient d ’ expirer sur sa lyre :

Parny n ’ est plus !

M A G R A N D ’ M È R E .

Ai r: En r e v e n a n t de B d le en S u isse.

Ma grand’ m ère, un soir à sa fête, De vin pur ayant bu deux doigts.

Nous disait en branlant la tête : Que d ’amoureux j ’ eus a u trefois!

* A llusion à la m ort de Le Brun, de D elille, de Bernardin do S ain t-P ierre, de G rétrv, etc.

“ Autre allusion aux insultes faites à la m ém oire de l’ auteur de la G u erre des D ie u x .

(38)

D E 11 É 11 A N G E H C om bien j e reg rette N Mon bras si dod u , f Ma jam b e b ie n fa ite, i Et le tem ps perdu ! /

Quoi m am an, vous n ’ étiez pas sage !

— Non vraim ent ; et de m es appas Seule à quinze ans j'a p p ris l’ usage, Car la nuit je n e dorm ais pas.

C om bien j e reg rette Mon bras si dodu, Ma jam b e b ie n fa ite, Et le tem ps perdu !

Maman, vous aviez le cœ ur t e n d r e ’?

— Oui, si tendre, qu’ à d ix -s e p t ans, Lindor ne se fit pas attendre.

Et qu’ il n ’ attendit pas lon g tem ps.

C om bien je regrette Mon bras si dodu, Ma jam b e b ien fa ite, Et le tem ps perdu !

Mam an, Lindor savait donc p laire?

— Oui, seul il me plut quatre m ois ; Mais bien tôt j ’ estim ai V alère, Et fis deu x heu reux à la fois.

C om bien j e regrette Mon bras si dodu, Ma jam b e b ien fa ite, Et le tem ps perdu

Q u oi! m am an, deux amants en sem ble!

— Oui, m ais chacun d ’ eux me trom pa Plus fine alors qu’ il n e vous sem ble, J’ épousai votre g ran d-papa .

(39)

Ifi C H A N S O N S Combien je regrette Mon bras si dodu, Ma jam b e b ien faite, Et le tem ps perdu ! Maman, que lui dit la fa m ille?

— R ien, m ais un mari plus sensé Eût pu connaître à la coquille Que l’ œuf était déjà cassé.

Combien j e regrette Mon bras si dodu, Ma jam be b ien fa ite, Et le tem ps perdu ! Maman, lui fû tes-vous fid èle?

— O h ! sur cela je me tais bien.

A moins qu’à lui Dieu ne m ’appelle, Mon confesseur n ’ en saura rien.

Combien j e regrette Mon bras si dodu, Ma jam be bien faite, Et le tem ps perdu !

Bien tard, m am an, vous fûtes v eu v e?

— Oui, m ais, grâces à m a gaîté, Si l’ église n ’ était plus neuve, Le saint n’ en fu t pas m oins fêté.

Combien je regrette Mon bras si dodu, Ma jam b e bien faite, Et le temps perdu !

Comme vous, m am an, fa u t-il fa ir e ?

— E h ! mes petits-en fa n ts, pourquoi, Quand j ’ ai fait com m e ma grand’ m ère, Ne feriez-vou s pas com m e m o i?

(40)

I> K n K II A N Ci E H

17

C om bien j e regrette M 011 bras si dodu, Ma ja m b e b ien fa ite, Et le tem ps perdu !

L E M O R T V I V A N T . RONDE DE TABLE.

A i r des B o ssu s . Lorsque l’ ennui pénètre dans m on fort, P riez pour m oi : j e suis m ort, j e suis m ort!

Quand le p la isir, à grands cou ps m ’ abreuvant, Gaîm ent m ’ assiège et derrière et devant , Je suis viv an t, b ien vivan t, très -v iv a n t!

l ’ n sot fa it -il sonner son co ffr e -fo r t, Priez pour m oi : j e suis m ort, j e suis m ort ! V oln a y, Pom ard, B eau ne, et M ou lin -à -v en t *, Fa it-on sonner votre âge en vous servant.

Je suis vivan t, b ie n vivan t, très-viva n t ! Des pauvres rois v e u t-o n rég ler le sort, P riez p ou r m oi : j e suis m ort, je suis mort ! En fait de vin qu’ on se m ontre savant , Dû t-on pousser le su jet trop avant, Je suis vivan t, b ie n vivan t, très -v iv a n t!

F a u t-il a ller gu erroyer dans le N ord, Priez pour m oi : je suis m ort, je suis mort !

Noms do différents vins.

(41)

18

C H A N S O N S

Que près du feu , l ’ un l'autre se bravant.

On trinque assis derrière un paravent, Je suis vivan t, bien vivan t, très-vivant'.

De beau x esprits s’ annoncent-ils d’ abord, Priez pour m oi : j e suis m ort, je suis mort ! M ais, sans esprit, fa u t-il m ettre en avant De gais couplets qu’ on répète en buvant.

Je suis vivant, b ien vivant très-v iva n tî S u is-je au serm on d ’ un b ig ot qui m ’ endort.

P riez pour m oi : j e suis m ort, je suis m o rt!

Que l’ amitié réclam e un cœur fervent, Que dans la cave elle fonde un couvent, Je suis vivant, b ien vivant, très-v iv a n t!

M onseigneur entre, et la liberté sort, Priez pour m oi : je suis m ort, j e suis mort'.

Mais que T hém ire, à table nous trouvant.

Avec l’ Aï s’ égaie en arrivant,

Je suis vivant, bien vivan t, très-v iv a n t!

F a u t-il sans b oire abandonner ce b ord, Priez pour m oi : je suis m ort, j e suis m o rt!

Mais pour m ’ y voir je te r l’ ancre souvent, Le verre en m ain, quand j ’ im plore un bon vent.

Je suis vivant, b ien vivan t, très-v iva n t!

LE PRINTEM PS ET L’ AUTOMNE.

Ai r :

Deux saisons règlent toutes choses.

Pour qui sait vivre en s’ amusant :

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