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Mariann Körmendy

In document Notre seNtiNelle avaNcée (Pldal 119-123)

Université eötvös loránd, Fondation Franco-Hongroise pour la Jeunesse

au lieu de passer en revue les différents lecteurs qui se sont succédé en Hongrie dans les établissements d’enseignement de tous niveaux, permettez-moi de formuler quelques idées concernant le rôle des lecteurs francophones et, en particulier, les changements que ce rôle a subi en Hongrie depuis le début des années 1990.

le mot lecteur ne signifie pas exactement la même chose pour tout le monde : pour un Français, c’est une sorte d’assistant, un jeune professeur qui part à l’étranger pour enseigner sa langue maternelle, alors que pour un Hongrois, c’est un professeur de langue natif, certes, mais aussi le représentant d’une langue et d’une culture étrangères auxquelles on ne peut pas forcément accéder autrement.

avant les changements politiques, ces lecteurs, peu nombreux, représentaient pour les étudiants un monde dont ils avaient des connaissances incomplètes : ils connaissaient la France telle qu’elle apparaissait dans la littérature, ils s’expri-maient dans un français archaïque, ils étaient capables de parler de racine et ne savaient rien de la France de Monsieur tout le monde. À cette époque-là, la présence des lecteurs représentait une entrée précieuse dans ce monde inconnu ; pour nombre d’étudiants, ils étaient les seuls Français « vivants » jamais vus.

les étudiants d’alors n’étaient pas encore blasés, tout ce qui venait de l’autre côté du rideau de fer était particulièrement apprécié, et, de toute manière, ils entraient à l’université suite à une sélection tellement dure que les professeurs, y compris les lecteurs, n’étaient sûrement pas confrontés aux mêmes difficultés que leurs successeurs du XXie siècle.

Je me souviens de certains de nos lecteurs qui faisaient beaucoup d’efforts pour nous faire parler, pour nous inciter à exprimer nos idées ce que nous n’étions pas habitués à faire, en hongrois non plus, d’ailleurs, car les connais-sances ont toujours prévalu dans les traditions scolaires. les lecteurs avaient un rôle très important dans le développement de notre esprit critique et ils

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essayaient également de nous transmettre – parfois sans succès – une culture de travail jusqu’alors inconnue, avec des compositions, des dissertations et autres résumés.

ils étaient surtout présents dans l’enseignement universitaire, majoritaire-ment dans les départemajoritaire-ments de français des facultés des lettres, même si un lecteur français travaillait déjà depuis 1972 au lycée Horváth Mihály à szentes.

leur travail était centré sur l’enseignement de la langue vivante puisque les professeurs hongrois de français – faute de contact – parlaient une langue littéraire fort poussiéreuse.

le rôle des lecteurs a commencé à changer quand les Hongrois ont commencé à faire des voyages et que les professeurs de français ont pu bénéficier de diffé-rentes bourses pour se perfectionner. Nous sommes dans la deuxième moitié des années 1980 : le nombre de lecteurs augmente, les lycées bilingues émergent (à Budapest, en 1987), les contacts se multiplient. les lecteurs enseignent tou-jours la langue, bien sûr, mais ils participent aussi à différents projets, à des échanges scolaires qui deviennent plus fréquents car plus faciles à organiser.

après les changements politiques de 1989, une grande ouverture s’est produite dans ce domaine comme dans pratiquement tous les domaines de la vie et l’en-seignement du français connaît alors un essor spectaculaire grâce à la suppres-sion du russe comme langue obligatoire. À ce moment-là, la Hongrie manque d’enseignants de langue : on renforce la formation initiale des professeurs, on reconvertit les professeurs de russe en professeurs de langue « occidentale » et un plus grand nombre de lecteurs participe à l’enseignement ainsi qu’à la for-mation universitaire. c’est dans ce contexte, en 1992, que la Fondation Franco-Hongroise pour la Jeunesse apparaît dans le paysage de l’enseignement avec la mission d’assurer un nouveau cadre pour l’emploi des lecteurs. Jusqu’alors, les enseignants natifs travaillaient dans le cadre des accords de coopération bila-térale et ils étaient envoyés par le Ministère des affaires étrangères Français.

la FFHJ, créée par le Ministère Hongrois de l’éducation et co-financée par les gouvernements français et hongrois encadre donc depuis 20 ans un nombre variable de lecteurs. au milieu des années 1990, ils étaient environ 90 à travailler dans les établissements de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur.

leur mission consistait avant tout à assurer les cours de langue, mais ils ini-tiaient des projets, ils assistaient les enseignants et ils servaient de relais entre la France et la Hongrie, très souvent au sens propre du terme, en organisant des programmes d’échanges, en présentant des régions, etc. leur travail était donc différent de celui des lecteurs d’avant et la FFHJ, qui recrutait des jeunes

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en début de carrière ou de jeunes retraités à cette époque, permettait d’acquérir quelques années d’expériences aux premiers, des années de retraite actives aux autres. la Fondation se chargeait également de la formation continue de ses enseignants, activité qui la distinguait et la distingue toujours des autres organismes dont la mission est de faire venir des enseignants natifs.

au bout de quelques années, malheureusement, cette effervescence s’est calmée, le français a perdu de son élan, les effectifs ont baissé pour des raisons démographiques, autant de facteurs qui ont contribué à la diminution des demandes. Quelques départements de français ont été fermés, dans les écoles primaires, le français n’est presque plus enseigné et le nombre des étudiants qui choisissent le français diminue également. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les lecteurs envoyés par le Mae soient en voie de disparition.

la FFHJ a, de son côté, 21 lecteurs qui travaillent dans 48 établissements en Hongrie dont 4 font partie de l’enseignement supérieur. comme les contacts avec l’étranger ne sont plus difficiles, les lecteurs sont fort sollicités pour trouver des partenaires français aux établissements dans lesquels ils sont affectés, et, si les contacts existent déjà, on leur demande souvent de travailler avec leurs collègues hongrois à la réalisation de projets, typiquement organisés dans le cadre d’un programme européen. leurs activités sont bien plus variées que celles de leurs prédécesseurs à qui on demandait seulement de donner des cours de langue, parfois de littérature. les lecteurs actuels font un travail plus riche : ils dirigent des ateliers de théâtre, ils organisent des concours et des soirées, ils animent des clubs de cinéma ou de cuisine ; ils représentent ainsi la France et surtout leur région dans les établissements où ils travaillent.

la FFHJ s’efforce de maintenir, voire d’augmenter le nombre de postes dans la mesure du possible et grâce à nos bailleurs de fond nous pouvons continuer notre mission malgré toutes les difficultés auxquelles nous sommes actuelle-ment confrontés et notre financeactuelle-ment semble se stabiliser après une perte de fonds importante en 2011.

le collegium a 100 ans, la FFHJ est plus jeune, nous allons fêter nos 20 ans en 2012. Nous espérons que ce programme important continuera à fonctionner sur le long terme, grâce aux gouvernements français et hongrois, et que nos lecteurs contribueront encore longtemps à faire connaître la langue et la culture fran-çaises, même s’ils n’égalent pas leur prédécesseur éminent, aurélien sauvageot.

Laudatio

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