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Les images de passage : dedans et dehors

In document DOKTORI (PHD) ÉRTEKEZÉS (Pldal 73-88)

I. La représentation de l’espace

2. L’espace poétique chez Maurice Carême

2.3 Les images de passage : dedans et dehors

Dans les poèmes, Carême évoque souvent l’abri, dans un contexte de protection, soit par les objets qui s’y trouvent, soit les parties qui le composent. Ils surgissent comme des synecdoques dans le discours poétique. Ainsi le mur, la porte, le seuil, la fenêtre suggèrent le monde intime, tout en révélant une perspective centrifuge. La porte et la fenêtre, au-delà de l’acceptation familière où elles s’intègrent au sein des lieux privés – pour ainsi dire défendus –, appartiennent à une constellation d’images tissées autour du passage, de la quête d’extériorité, et de la communication entre le « dedans » et le « dehors ». D’autres images dans les poèmes, en particulier celles de l’escalier, de l’échelle, de la tour, impriment un mouvement vertical entre le haut et le bas, ouvrant une même perspective de l’acte de passage dont les images seront traitées dans les chapitres suivants.

« Enfermé dans l’être, il faudra toujours en sortir. À peine sorti de l’être, il faudra toujours y rentrer. Ainsi, dans l’être, tout est circuit, tout est détour, retour, discours, tout est chapelet de séjours, tout est refrain de couplets sans fin316. » – dit Bachelard dans le chapitre La dialectique du dehors et du dedans de son livre La poétique de l’espace. Par ce dynamisme rythmique, Bachelard développe une théorie d’expérience-limite où le dehors s’intériorise et le dedans s’ouvre vers le dehors. Pour y arriver, l’imagination poétique dynamise les images de frontière et de passage, que nous tenons à relever dans la poésie de Maurice Carême.

La localisation des choses fait naître, par nécessité logique, des limites : mur, barrière, grille, seuil, bord, rive, orée, lisière, ourlet, horizon sont les mots le plus souvent utilisés dans l’énoncé poétique. Leur présence crée dans le paysage un relief, un espace qui délimite le regard. À partir des limites-points s’organise l’appréhension du monde ; la « forme » rejoint ainsi « l’informe », la limite aide le regard à percevoir l’espace. Ainsi en est-il de l’artiste peintre, prototype du créateur selon Carême qui, au sujet de la mer, « la fit tenir dans un tableau317 », citation prise du recueil Mer du Nord, un livre de dessins et de poèmes réalisé en commun avec son ami peintre Henri-Victor Wolvens.

Nous pouvons parler d’une quête de la limite, de l’importance des images de frontières dans la poésie de Maurice Carême ; elles indiquent une ambivalence et une intégration entre fermer et ouvrir, entre limité et illimité ; ambivalence et intégration inscrites dans les vers eux-mêmes.

316 BACHELARD,Gaston, La poétique de l’espace, Op. cit., p. 193.

317 CARÊME, Maurice, « Dans la chambre », In Mer du Nord (1971), Paris, Fernand Nathan, 4e édition, 1979, p.

11.

69 Parmi les exemples de limites évoqués ci-dessus, le seuil, sous des principes d’équilibre, symbolise à la fois la possibilité d’une alliance ou d’une union et d’une séparation. Dans les poèmes, les verbes appartenant aux champs associatifs du seuil sont : s’arrêter, attendre, s’asseoir, veiller, revenir, accueillir, se retrouver.

Pour exprimer l’union, l’évocation la plus prégnante est la concordance de l’image du seuil, de la mère et de ses bras de lumière, dans une perspective d’ouverture absolue, telle que l’explicite l’extrait suivant du poème Ma vie, recueil Souvenirs :

Marcher les bras ouverts Vers ma mère tendant, Sur son seuil grand ouvert, Ses deux bras de lumière318.

Chez Carême le seuil de la séparation est toujours couvert de feuilles sèches, éparses, mortes. Il est aussi le lieu marqué par le suspense d’un mouvement d’entrer et de sortir. Ainsi dans le poème La tour abandonnée du recueil L’envers du miroir :

Il frappa à la haute porte

Au seuil couvert de feuilles mortes.

Mais personne ne lui ouvrit, Et soudain la voix s’éteignit319.

Une autre image de la limite est le mur qui protège autant qu’il enferme. Dans plusieurs poèmes de Carême, la symbolique du mur est plus proche de la conception bachelardienne320 pour laquelle le mur circonscrit un espace et l’enveloppe afin de lui donner son intériorité par rapport à l’extérieur, préserver l’intimité intérieure d’une maison et la mettre à l’abri de toute appréhension métonymique. Dans ces exemples, les murs sont des supports, ils donnent des ombres protectrices, ils sont des refuges. Mais l’image du mur sous-tend aussi l’idée d’enfermement, de séparation, de coupure de communication, comme dans l’extrait suivant du recueil Chansons pour Caprine, un des recueils du début de la carrière poétique de Carême, paru en 1930, et marqué d’un ton âpre : « J’entends des voix qui se brisent contre de grands murs et dont l’écho emporte l’agonie321. » Dans un autre extrait, tiré du recueil posthume Défier le destin, l’image d’un « mur blanc » symbolise la part inconnue du monde dans les vers suivants :

Ce mur blanc derrière lequel, Quoi qu’il pût faire, il ne pourrait Jamais voir ce qui se passait322.

318 CARÊME, Maurice, « Ma vie », In Souvenirs, p. 179.

319 CARÊME, Maurice, « La tour abandonnée », In L’envers du miroir (1973), Jersey, Gecibis Ltd, 4e édition, 1993, p. 49.

320 Cf. BACHELARD,Gaston, La terre et les rêveries du repos, Op. cit., p. 109.

321 CARÊME, Maurice, « Spleen », In Chansons pour Caprine, p. 44–45.

322 CARÊME, Maurice, « Le mur blanc », In Défier le destin, p. 76.

70 Mais dans la plupart des poèmes, le mur représente le contraire de ce cloisonnement :

« un mur blanc contre le malheur323 » ; il est fait de verre : « Les murs de ma maison pourraient être de verre324 » ; exemple dans lesquels le mur symbolise la négation des limites ou la possibilité d’une transparence totale, une déclaration de communion avec l’univers entier.

La vie d’enfance, le souvenir de la mère qui remplit et élargit l’espace entre les murs transforme encore davantage la signification du mur. Dans les deux exemples du recueil Mère, à l’inverse d’une clôture, le mur devient la source de féeries, il reflète les images miraculeuses, comme un miroir :

Des sources pleines d’anges Naissaient de chaque mur.

Et le cœur de ma mère Montait comme une étoile Au bord d’une berceuse325.

Ou bien il reflète la tristesse, la douleur de la perte de l’enfance, de la mère, si ces images familières devaient disparaître.

La lampe s’est éteinte Dans mes paumes lassées,

Et je cherche en vain, sur les murs, L’ombre des grandes ailes326.

Le mur comme un voile rassemble les ombres, reflète la vie et son histoire :

« Longtemps encor les murs où j’aimais m’appuyer / Sentiront doucement sur eux passer mon ombre327. » Comme un miroir, il participe à l’image, et, par cette participation, il subit une transformation. Comme dans le poème Le mur, dans le recueil Petites légendes, où le mur, par une inversion des rôles, incorpore le mouvement : « Le mur a la forme d’une ombre / Il avance vers le château328. »

Dans le poème Où t’en vas-tu ? cité ci-dessous et écrit sous forme de dialogue (procédé de discours souvent utilisé chez Carême), extrait du recueil Être ou ne pas être, l’image du mur revient trois fois en guise d’avertissement.

– Où t’en vas-tu sans jamais te soucier du temps Tout le long de ta vie comme au long d’un mur blanc ? – Ma joie, pour le savoir, n’a pas besoin d’échelle.

Elle grimpe à la corde aux nœuds clairs des voyelles.

323 CARÊME, Maurice, « Ne vous pressez pas tant, nuages… », In Brabant, p. 104.

324 CARÊME, Maurice, « À de lointains amis », In La maison blanche, p. 29–30.

325 CARÊME, Maurice, « Sommeil », nº XVI, In Mère, p. 32.

326 CARÊME, Maurice, « Tu as mis ton cœur », nº XXII, Ibid., p. 41.

327 CARÊME, Maurice, « Longtemps encore », In La maison blanche, p. 42.

328 CARÊME, Maurice, « Le mur », In Petites légendes, Paris, Les Éditions du Sablier, 1949, p. 54.

71 – Que sais-tu de ta vie sinon qu’à l’infini

Elle suit ce haut mur couvert d’étranges signes ? – Moi, je n’ai dessiné, sur une pierre blanche,

Qu’un enfant qui dansait sa chanson sous les branches.

– Bien qu’un oiseau parfois fasse jaser le houx, Tu sais bien que le mur sera là jusqu’au bout.

– Mais Dieu m’aura parlé si souvent des colombes Que je n’aurai pas trop de son éternité

Pour me ressouvenir de ma vie en ce monde329.

Le mur long, haut, illimité dirigeant et limitant la vie prend un sens ontologique. En tant que support « d’étranges signes », il devient plus énigmatique, plus oppressant. Les réponses s’en échappent : par les voyelles (qui riment avec l’échelle au sens d’élévation) et par les dessins « sur une pierre blanche » (l’art poétique), par la présence des oiseaux,

« l’œuvre-volière » de Carême, l’effet de clôture du mur se dissout. Dans cette ambivalence de fermer et d’ouvrir la nécessité de la limite protectrice, n’est pas remise en cause, mais l’irrépressible désir d’ouverture entraîne la recherche des images de passage.

Le désir de l’écart, du découvrir, du dévoiler est souvent exprimé par l’image de la trouée qui assure la capacité de passer au-delà. Le trou est une image récurrente dans l’écriture carêmienne, les creux dans les surfaces sont désignés, même dessinés différemment : par une image très picturale concernant la terre et le ciel : « les champs étaient troués d’oiseaux330 »,

« Sous un ciel troué d’hirondelles331 » ; par l’entrelacement du chant et de la clarté : « Que les oiseaux trouant l’ombre des peupliers / Fassent chanter plus haut que jamais la clarté332 » ; par le motif du rayon de lumière qui troue et vainc l’ombre et la nuit : « Le réflecteur découpe un trou / Dans la nuit pour nous livrer passage333. » ; « Un soir ardent qui troue le feuillage des hêtres334 » ; ou un autre exemple où le trou est un comparant mis en corrélation avec le miroir :

Et, dans le miroir abîmé,

Ouvrant comme un trou dans le mur, Il découvrait une figure

Qui le regardait, étonnée, Avec des yeux naïfs d’enfant

Qui pleuraient sous des cheveux blancs335.

329 CARÊME, Maurice, « Où t’en vas-tu ? », In Être ou ne pas être, p. 62.

330 CARÊME, Maurice, « Rien ne pouvait m’étonner », In Du ciel dans l’eau, p. 45.

331 CARÊME, Maurice, « Fatalité », In L’eau passe, p. 60.

332 CARÊME, Maurice, « Le jour où je mourrai », In Heure de grâce, p. 176.

333 CARÊME, Maurice, « Nocturne », In Chansons pour Caprine, p. 27.

334 CARÊME, Maurice, « Oui, c’est encore un soir… », In Brabant, p. 47.

335 CARÊME, Maurice, « Le souvenir », In Entre deux mondes (1970), Paris, Fernand Nathan, 4e édition, 1979, p. 57.

72 Le miroir est une image souvent évoquée dans l’œuvre de Carême dans le sens d’une traversée. Étant une image très complexe, le miroir accomplit la synthèse entre les orientations d’extériorité et d’intériorité donnant la possibilité d’une inversion et d’une fusion des extrêmes spatio-temporels. D’après Jalel El Gharbi : « Le miroir donne à voir une image reproduite selon le chiasme, cette figure qui conjugue répétition et inversion, c’est-à-dire autant de constructions poétiques336. »

Après la possible porosité des champs, de la nuit et du mur par les trous et les miroirs, nous passons à deux images de passage très récurrentes chez Carême : la porte et la fenêtre.

La porte

L’image de la porte, partie de la maison est un espace de passage et de communication avec le monde du dehors. Elle signifie aussi l’ouverture et la fermeture, l’accueil ou la séparation, elle se lie aux images de la serrure, de la grille, du verrou bouclé ou ouvert dans les poèmes de Carême. Mais comme le démontrent les vers suivants extrait du poème L’autruche du recueil posthume Fables, dans un ton simplifié, voire humoristique, la fermeture de la porte a deux significations possibles : « Alors, parce qu’une porte est fermée, / Sait-on si l’on est dedans ou dehors337 ? »

D’après Bachelard, la porte schématise deux possibilités, deux types de rêveries : l’une est la porte entrouverte ou grande ouverte, l’autre bien fermée, verrouillée. Ouvrir la porte, cela signifie l’accueil du monde du dehors et la communication avec le monde.

Refermer la porte à clé, c’est se protéger des influences mauvaises, ou s’enfouir dans une demeure intime. Cependant la porte « c’est tout un cosmos de l’Entr’ouvert338 ».

Par rapport à l’image de la porte, Dominique Raynaud, suivant la théorie post-bachelardienne de Durand Gilbert dans Les Structures anthropologiques de l’imaginaire339, parle d’« un schème divergent » se référant à la quête d’extériorité, et d’« un schème convergent » vers l’intériorité. Ces schèmes sont régis par des gestes comme fermer-ouvrir, commencer-finir. Entre les deux « il existe tout un monde de l’intermédiaire fondé, non plus par des schèmes unidirectionnels divergents ou convergents, mais par des dynamismes intégrateurs […]340 ».Dans la suite de notre analyse, nous nous intéresserons à ce dynamisme

336 EL GHARBI, Jalel, Maurice Carême, poétique du miroir, miroir d’une poétique, Op. cit., p. 3.

337 CARÊME, Maurice, « L’autruche », In Fables, Lausanne, Éditions de L’Âge d’Homme, 2014, p. 26.

338 BACHELARD,Gaston, La poétique de l’espace, Op. cit., p. 200.

339 DURAND,Gilbert,Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 1992.

340 RAYNAUD, Dominique, « Le symbolisme de la porte – Essai sur les rapports du schème à l’image », Architecture & Comportement / Architecture & Behaviour, Vol. 8, nº4, Lausanne, 1992, p. 342. URL : https://www.epfl.ch/labs/lasur/wp-content/uploads/2018/05/RAYNAUD.pdf [consulté le 19/05/2020]

73 intégrateur : être dans le monde de l’intermédiaire, dans cette limite entre-deux, qui donne même le titre d’un des recueils de Maurice Carême : Entre deux mondes341, paru en 1970, dans lequel nous prenons la plupart de nos exemples.

Le thème plus fréquent associé à la porte « entre deux mondes » est la signification d’une traversée de la vie à la mort. Aux actes de fermer, appartient, dans les poèmes, le sens ontologique de finir que stigmatise la mort. En relation avec la porte, apparaît, comme pour le seuil, une image de l’entrée irréversible dans le monde des morts. Les seuils et les portes sont couverts des feuilles mortes (« Voyant des feuilles mortes / Errer de porte en porte342 »), et la porte par une radicalisation de sa fermeture – « la porte se referma sur lui343 » – prennent une importance presque contradictoire par rapport à la recherche de l’intimité derrière la porte.

La porte représente dans ces poèmes le passage de la vie au trépas. La mort qui frappe à la porte, qui passe devant la porte, c’est une image souvent utilisée dans les poèmes344. Les clés des portes sont détenues par la mort « Et que, seule, la mort / En possédait la clé345 », allusion biblique à l’Apocalypse346. Même les portes de secours, orientation inversée, vers le dehors, aboutissent au renfermement :

Il faudrait pourtant prévenir Le vivant qui l’habite encore ; Toutes les portes de sortie

Donnent sur le jardin des morts347.

En-dehors de cette signification particulière, nous trouvons dans les poèmes une autre signification de la porte, celle qui est connexe à la découverte, à la lumière. Les gestes et les actions associés à l’acte d’ouvrir une porte sont : entrouvrir, lancer, déferler, frapper, pousser, creuser, bondir, franchir exprimant la force, tant pour l’oreille que pour l’œil, par émanation de la lumière, par exemple : « une lampe entrouvrit la porte348 ».

La porte, au sens de moyen de création, est une image constante chez Carême. Créer des portes, entrer dans un domaine hermétique, atteindre l’essentiel ; à proprement parler, le

341 Son ami, Géo Norge, dans une lettre écrite le 21 novembre 1970 à Saint-Paul-de-Vence, s’exprime ainsi par rapport au recueil : « Mais oui, c’est entre ces deux mondes qu’il nous faut vivre ! Mais c’est la magie de Maurice Carême de les pénétrer de merveilleux, tant l’un que l’autre. » Manuscrit conservé auprès de la Fondation Maurice Carême.

342 CARÊME, Maurice, « La bise », In Petites légendes, p. 46. Un autre exemple du recueil Entre deux mondes, dans le poème qui porte le titre lui-même de La porte en feuilles mortes : « Il s’aperçut que la porte / Était tout en feuilles mortes. » p. 22.

343 CARÊME, Maurice, « La morte », In Petites légendes, p. 47.

344 CARÊME, Maurice, « Pas le temps », In L’envers du miroir, p. 36 ; « La mort passa… », In Entre deux mondes, p. 15.

345 CARÊME, Maurice, « La morte », In Petites légendes, p. 47.

346 Apocalypse 3,7. : « Ainsi parle le Saint, le Vrai, celui qui détient la clef de David : s’il ouvre, nul ne fermera, et s’il ferme, nul n’ouvrira. », La Bible de Jérusalem, p. 2124.

347 CARÊME, Maurice, « Le mur », In Petites légendes, p. 54.

348 CARÊME, Maurice, « La lampe », In Entre deux mondes, p. 64.

74 trésor « le château », c’est le statut du créateur, de l’artiste. Ainsi le poème L’artiste du recueil Entre deux mondes conclut :

Alors, il peignit une porte Au milieu même du tableau.

Elle s’ouvrit sur d’autres portes, Et il entra dans le château349.

Le château en tant que domaine de la création est aussi un sujet principal chez Carême, fortement inspiré par sa prédilection pour les contes. Comme dans l’exemple ci-dessus, il est la poésie même. Citant Jalel El Gharbi, la poésie « est mise en abyme en ce sens que le poème désigne d’abord les ”portes” du poème, ses entrées qui donnent sur cette fabuleuse construction : le château comme synonyme de poésie350. » L’acte de création même se définit ainsi comme un intermédiaire, un passage.

Dans les contes, le château est généralement situé sur les hauteurs ou au milieu d’une forêt. C’est une demeure isolée, séparée du reste du monde, difficile à atteindre et, pour cela, enviable. De cette séparation, résulte le fait que le château est une demeure de protection davantage encore qu’une simple maison. Le château apparaît dans les poèmes ou dans les contes351 du poète souvent comme insaisissable, rêvé. Les châteaux disparaissent comme des enchantements, quand quelqu’un s’approche. Dans la suite nous citons entièrement le poème Le château du recueil Entre deux mondes :

Il regarda si longuement, Si passionnément le château Qu’il finit par entrer dedans Sans quitter le pied du coteau.

Il fut d’ailleurs très étonné, Dès qu’il fut dans le vestibule, D’entamer un conciliabule Avec le coffre en cerisier Et bien plus étonné encore, Dès qu’il eut levé le couvercle, De voir son portrait dans un cercle En velours orné d’ellébores, De se voir au pied du coteau, Assis à l’ombre d’un bouleau D’où il regardait longuement

349 CARÊME, Maurice, « L’artiste », Ibid., p. 9.

350 EL GHARBI, JALEL, Maurice Carême, poétique du miroir, miroir d’une poétique, Op. cit., p. 23–24.

351 Par exemple dans le conte Le château sur la mer, un îlot avec un château naît miraculeusement sur la mer.

Quand les bateaux l’approchaient, ses contours en devinrent de plus en plus vagues. Une explication moderne de cet enchantement : Les photos faites par les cameramen de la télévision, si l’on tentait de joindre l’îlot, devenaient floues. Des aviateurs en hélicoptères ne voyaient rien d’autre qu’une masse de brouillard. Le château semblait d’être translucide. In CARÊME, Maurice, Le château sur la mer – Contes fantastiques. Contes insolites, Iaşi, Éditions Fidès, Collection « Phantasia », 2008, p. 155–158.

75 Et passionnément le château352.

C’est un bel exemple pour illustrer la tension perpétuelle entre le « dedans » et le

« dehors ». Arriver à entrer dans le château « longuement », « passionnément » perçu du pied du coteau ; le miracle se réalise : il est dedans. Et, dedans, se perçoit comme réel « son portrait dans un cercle / De velours orné d’ellébores », plante de malheur et de bonheur353. En image, il se voit à l’intérieur du cercle comme au-dehors, dans le même état, « au pied du coteau » désirant entrer dans le château. Il se perçoit dehors, dans son souhait d’être dedans et, dedans, dans son souhait d’être dehors, entre désirs et les possibilités de leurs réalisations réelles.

Dans le sujet du « dedans » du château, nous citons un autre poème, Le jet d’eau du

Dans le sujet du « dedans » du château, nous citons un autre poème, Le jet d’eau du

In document DOKTORI (PHD) ÉRTEKEZÉS (Pldal 73-88)