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France-Hongrie XX e siècle

In document Cahiers d'études (Pldal 135-139)

Introduction

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Réfléchir sur l'évolution de la Hongrie et de la France au XXème siècle, tout en cherchant à comprendre les relations nouées entre ces pays, exige un effort de clarification important de tous les partenaires impliqués. Les enjeux sont scientifiquement et politique-ment importants, car dans les deux pays on a pu constater l'accumulation de préjugés néfastes, dont l'essentiel porte sur les suites de la première guerre mondiale. Le colloque tenu en Sorbonne les 20 et 21 janvier 1994, et dont nous ne publions ici que ce qui touche à l'histoire, a marqué une étape que j'espère significative à plusieurs points de vue.

Tout d'abord il a fait connaître en France l'avancée notable des travaux hongrois sur la genèse du traité de Trianon, et en écho il a donné l'occasion aux collègues hongrois d'entendre le point de vue de chercheurs français et allemands sur la responsablilité hongroise avant et après 1920. Je tiens à souligner ici que la vision hongroise savante fait maintenant une large part aux conditions immédiates qui ont très largement contribué à faire du traité de paix ce qu'il a été, c'est-à-dire pour les Hongrois, un découpage territorial fort injuste. Il faut également noter que l'ampleur de cette injustice est ramenée par tous les auteurs à des proportions nettement plus réduites que l'illusion arithmétique qui voudrait que le tiers des Hongrois ait pu, sans risque d'entraver le développement national d'un peuple voisin, être « rattaché » à sa mère-patrie. Ce premier point n'est pas négligeable mais il repose sur une deuxième idée force qui s'est imposée au cours de la conférence : il n'y a pas, en France, de tradition anti-hongroise qui soit comparable à la méfiance à l'égard des Allemands, par exemple. Et les précurseurs de Trianon sont bien difficiles à trouver, surtout avant la guerre. Car la sympathie pour les peuples slaves n'impliquait pas une haine de la Hongrie, même si les slavistes français ont souvent pris fait et cause pour les nationalistes slaves. D'ailleurs le troisième éclairage qui nous a été offert portait sur la date de la décision de tronquer la Hongrie historique. A en croire Français et Hongrois, on peut maintenant affirmer qu'au plus tôt elle remonte à novembre

1917, et que des doutes ont subsisté pendant onze mois au moins après cette date. En estimant que le choix s'est opéré en 1918, on mesure bien l'importance de la conjoncture à court terme ( notamment des événements de Russie ) et le désir de croire que Vienne va finalement tenter de séparer son sort de celui de Berlin.

Au-delà de Trianon même, la position de la Hongrie entre les deux guerres a fait l'objet de contributions qui ont montré l'importance de la responsabilité propre des petits

1 Les textes publiés ici ont souvent gardé leur forme initiale. Nous remercions les auteurs, qui ont mis de côté leur fierté littéraire, d'avoir bien voulu nous permettre de publier à temps ces contributions.

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Etats d'Europe centrale, surtout pour ce qui est de leurs relations entre eux. Qu'un collègue allemand insiste sur ce sujet n'est pas indifférent, mais ses réflexions rejoignent celles des diplomates et militaires français de l'époque. Plus généralement, tout au long du colloque, on a pu percevoir en filigrane une interrogation sur la façon dont une « petite puissance » pouvait peser ou non sur son sort dans l'arène internationale. La question est ouverte, mais le collègue hongrois qui a étudié l'après-1945 montre bien que même dans le cadre du « bloc soviétique », la Hongrie a su manifester une spécificité qui n'a pas laissé la France indifférente.2 En se plaçant dans une perspective centenaire, on voit d'ailleurs que malgré Trianon les ponts entre les deux pays n'ont jamais été coupés. C'est notam-ment vrai dans le domaine des échanges intellectuels.

Outre les relations bilatérales proprement dites, deux intervenants se sont penchés sur les migrations et ont tenté de donner des pistes pour combler une carence. Actuellement les travaux sur l'émigration hongroise en France sont très datés, pour l'essentiel, et ne permettent pas de comprendre les modalités d'insertion sociale des centaines de milliers de Hongrie installés en France depuis une centaine d'années. Utilisant l'expérience acquise lors de l'étude des Hongrois d'Amérique, Z. Fejős a intégré dans sa contribution écrite les remarques faites au colloque par Michel Dreyfus ( CNRS ) sur les émigrés polonais, espagnols et italiens en France, et notamment sur la surreprésentation des militants dans les études, alors que les élites immigrées entrepreneuriales ou religieuses étaient beaucoup moins bien connues. Toujours est-il que cette approche a permis de remettre en cause l'idée d'une identité nationale immuable et montré la multiciplicité des identités nationales d'un même individu, tout particulièrement dans des situations liées aux migrations.

Enfin, en étudiant la façon dont la gentry hongroise d'il y a un siècle, puis une partie de la population juive hongroises après 1945, ont converti leurs avantages sociaux et politiques en fonction des mutations de la société hongroise, notre dernier contributeur a levé le voile qui couvre habituellement le caractère social et non seule-ment politique de l'histoire hongroise récente.

Pour qui lit attentivement les textes qui suivent, il est clair qu'il n'y a pas unité de vue sur tout, mais les divergences ne recouvrent pas la nationalité des auteurs. Le travail historiographique et historique, ainsi que sociologique continue, et le Centre Interuni-versitaire d'Études Hongroises compte bien continuer à réunir les spécialistes de la Hongrie et de la région pour déchiffrer, avec nos collègues hongrois notamment, cette histoire parallèle et commune.

Les présidents de séances, Jean Bérenger et Béla Köpeczi, outre leur active contribution aux débats, sont impliqués dans les travaux en cours et ont, depius des années, contribué à la remise en cause des schémas simplistes hérités de l'entre-eux-guerres. Le colloque a donc permis de constater que la génération suivante d'historiens polongeait les travaux de ces spécialistes de l'époque moderne, notamment en évitant les obsessions nationales si typiques issues du XIXème siècle. Cette évolution est sans aucun doute une des conditions nécessaires à la réflexion globale qui reste à mener sur la région danubienne.

Par manque de temps, la contribution écrite de Michel Prigent, portant sur les perceptions de la guerre froide, n'a pu être intégrée à ce dossier.

Les minorités hongroises issues de Trianon :

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