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DE L ’E MPIRE CONCEPTUALISÉ PAR M ATTHIAS C ORVIN

In document Matthias and his legacy (Pldal 120-134)

La recherche a jusqu’ici consacré assez peu d’attention à la conception de l’histoire chez le poète hongrois, Janus Pannonius. Je ne peux mentionner qu’une seule étude qui traite a priori cette question.1 D'ailleurs, on comprend le peu d’attention apporté à ce sujet. Janus Pannonius était un poète dont l'oeuvre ne contient pas trop d’éléments qui auraient des rapports essentiels avec l'historio-graphie. Mais Quintilien qui était un des maîtres favorisés de Guarino prétendait que l'historia est très proche de la poésie. Janus, en tant qu’élève de Guarino, a dû connaître cette conception de Quintilien qui devait être importante pour lui, et non seulement pour le poète mais aussi pour l’orateur, comme l’attestent ses orationes. Pour Janus, l’histoire signifiait avant tout un arsenal rhétorique, mais ce fait ne nous contraint pas à penser que l’approche historique assez souple de Janus n’ait pas eu de contours précis. Par la suite, nous ferons des essais afin d’éclairer ces questions, en tenant compte des contraintes des genres littéraires, comme Janus Pannonius nous éclaire, en présentant les catégories des genera examinés par lui-même, soulignant leurs caractères essentiels (Paneg, ad I. A.

Marcellum, 8–15).

Si nous voulons examiner l’accès de Janus Pannonius à l’histoire, c’est le panégyrique qui est, sur le plan du genre littéraire, le point de départ le plus convenable. En effet, cette forme présente un état transitoire entre l’ars oratoria et la poesis. Le poème écrit à la louange d’une personne illustre est en contact avec la laudatio comme genre oratoire, mais en même temps avec la poésie narrative et didactique, et par son recueil d’exemples puisés dans l’histoire, il s’approche souvent de l’histoire elle-même. De ce point de vue il est très instructif pour nous d'étudier surtout le Panegyricus ad Iacobum Antonium Marcellum Venetum, qui a été créée, selon la tradition, après le Panegyricus praeceptori Guarino Veronensi, c’est-à-dire dans les années 1456–58. Pour cette période, nous pouvons déjà considérer le poète assez mûri du point de vue

1 Birnbaum, Marianna D., «Janus Pannonius’ View about History», In: Jankovits, László–Kecs-keméti, Gábor (eds.), Janus Pannonius és a humanista irodalmi hagyomány [Janus Pannonius et la tradition littéraire humaniste]. Pécs, 1998. 37–39.

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artistique et politique. Ce panégyrique que la recherche n’a pas apprécié jusqu'ici selon ses mérites (la monographie de L. Jankovits fait une exception), donne des renseignements détaillés sur la vision historique, la conception politique et littéraire et sur les préparatifs artistiques du poète humaniste. La praefatio rend évident que pour l’humaniste hongrois, Virgile était le vrai modèle de ce poème et pas Claudien – contrairement à tous les avis antérieurs dans les recherches2 – qui a été le maître le plus parfait du panégyrique en vers dans l’antiquité romaine.

Janus suit l’Énéide, cf. nunc ego si divi sequar alta exempla Maronis (préf., v.

23), qui est une allusion évidente à l’épopée, puisque Virgile avait reçu cet ordre fictif de Mécène : Duc age Dardanias Lavina ad litora classes (ibid., v. 17). Ce qui montre que nous pouvons compter sur une forme d’approche historique dans le poème suivant de Janus, au moins dans la manière dont l’humaniste hongrois applique l’exemple du passé à son époque. En effet, pour lui I. A. Marcellus signifiait ce que César Auguste signifiait pour Virgile (ibid., v. 24).3

Bien que Janus parle de son oeuvre comme materia incomptum...opus (ibid., v. 52), cette oeuvre est tout de même un travail réfléchi, du moins du point de vue historique. La première partie du panégyrique qui raconte les actes et le sort du héros, est prononcée par Pallas Athénée-Minerve, ce qui signifie que c’est la déesse qui doit vérifier le passé, mais qui, par son inspiration apollinienne, connaît également le futur. Par contre, dans la deuxième partie du poème, c’est Clio qui présente les preuves de la descendance de Marcellus qui est issu d’un héros antique, surnommé «l’épée de Rome» qui avait pris Syracuse lors de la deuxième guerre punique. Ainsi, c’est Clio, la Muse de l’historiographie, qui donne la garantie du passé lointain. Ce fait souligne la conception selon laquelle l’histoire est continue, car la translatio imperii s’y fait valoir et, dans cette con-tinuité, le nombre précis des années des différentes époques présente une impor-tance accentuée. Par contre, en ce qui concerne l’avenir, Clio – contrairement à Athénée – en a seulement des pressentiments, mais, il faut ajouter que dans ce domaine, sa conception est en parfait accord avec celle d’Athénée. Tout cela signifie une répartition et un arrangement du temps voulus de la part du poète humaniste. Cela est présent, entre autres, dans le fait que les différentes parties du poème qui sont destinées à exprimer des buts variés sont placées sous l’égide de diverses déesses, étant donné que les attributions des deux déesses ne sont pas les mêmes. Du caractère littéraire du panégyrique résulte que le discours de Minerve est plus accentué, car il a pour fonction de présenter le héros, Marcellus et ses actes.

Par contre, les paroles de Clio, qui ont une proportion moindre dans le poème, sont placées à la partie finale, par sa position fortement accentuée. Les déesses ont

2 V. Jankovits, László, Accessus ad Janum. A műértelmezés hagyományai Janus Pannonius költészetében. Budapest, 2002. 83 sqq., surtout 107 sqq.

3 Pour la survie humaniste des épopées homériques et virgilienne v. Klecker, Elisabeth, Dichtung über Dichtung. Homer und Vergil in lateinischen Gedichten italienischer Humanisten des 15.

und 16. Jahrhunderts. Wien (Wiener Studien, 20), 1994.

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ainsi, toutes les deux, une importance particulière et donnent sa perspective historique à tout le poème. Mais ce n’est pas seulement le passé lointain que cette première partie évoque, elle fait sentir également l’avenir prochain qui pourrait avoir lieu. De ce fait, l’essentiel du poème se compose, d’une part, de la vie du héros et, d’autre part, du passé et même du présent, ce dernier établissant le futur.

De cette manière, l’arrangement du poème est conforme aux critères du panégyrique. Les deux composants structurels fournissent ainsi l’excellent sujet au poème qui aura une grande renommée, digne du talent du poète, ce qui est exprimé par le poète, lui-même (vv. 22–23). Selon Janus Pannonius, c’est le panégyrique qui, grâce à son sujet, est le genre littéraire apte à rivaliser avec l’épopée, puisque, dans le cas de notre poème, il existe une série d’événements historiques récemment passés (tout comme le protagoniste est contemporain) mais qui ont une valeur historique d’après la présentation poétique. Pour nous, il n’est point important que Marcellus chanté par le poète n’était qu’une figure épisodique de l’histoire militaire de Venise. De même que la lutte entre Venise et Milan n’est comparable ni à l’importance guerrière de la Rome ancienne qui reste présente au cours des événements historiques ultérieurs et récents de la ville de Venise, ni aux actes politiques de l’empereur Auguste. Ce qui est important pour nous, c’est que l’humaniste hongrois pensait être élevé à la hauteur de l’épopée historique après avoir exécuté son devoir poétique. Dans ce sens, son oeuvre mérite d’être comparée aux épopées d’Homère ou de Virgile. Donc, la première partie du poème, suivant la conception de arma virumque cano, est une série de scènes de bataille qui doivent souligner l’importance du héros placé devant l’arrière-plan mythique. Selon le poète, le monde contemporain, comparé au passé, n’est point négligeable, ce qui est prouvé par la parole de Minerve (vv. 47–48), puisque le temps présent est, peut-être, plus glorieux que l’époque ancienne (vv.

51–53), étant donné qu’il n’existe pas seulement une ville d’Athènes, mais tot nostras cernis Athenas (v. 58), c’est-à-dire, par rapport au passé, le nombre des centres culturels a bien augmenté et le nombre des grands artistes est beaucoup plus important. Ainsi on est en droit de demander: ...qui tot videre Linos, tot Arionas anni ? (v. 82) et la réponse est aussi évidente: le temps présent surpasse tous les précédents avec sa richesse culturelle. Il s’agit d’un nouvel âge d’or qui est interprété par Janus Pannonius même du point de vue géographique. Bien que, dans les trois zones climatiques, la terre ait en abondance des peuples, des villes et des citoyens, il n’existe aucun territoire pareil à l’Italie, où Venise excelle d’une manière particulière, parce que cette ville est le dépositaire par excellence du nouvel âge d’or. Les circonstances extraordinaires de sa fondation en sont déjà un signe, ainsi que son caractère exceptionnel. Sa vraie grandeur et son apparence exclusive ne viennent pas en premier lieu de son aspect extérieur, mais de sa formation et de son développement intérieurs et organiques, car – comme Minerve le raconte et après, les paroles de Clio le fortifient – on trouve ici le point commun des deux sortes d'explication de l'histoire du panégyrique. Il

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serait facile d’évoquer les sources antiques sur lesquelles Janus Pannonius a basé cette conception, en utilisant, entre autres, une réminiscence de Florus (cf.

Quippe cum populus Romanus...corpus fecit ex membris et ex omnibus unus est – 2,6 /3,18/,1). Mais ce qui est le plus important pour nous, c’est que Janus, décrivant la ville sur les côtes Adriatiques, a bien appliqué à Venise la théorie antique de civitas mixta, ayant trouvé dans celle-ci la façon idéale de gouverner la cité. En effet, selon l’humaniste hongrois, c'est l’équilibre interne qui a assuré la paix stable et l’ordre légitime pour l’État vénitien. C’est le fait que les trois éléments gouvernementaux y avaient trouvé l’harmonie: d’une part, c’est le peuple (plebs) qui était dans l’antiquité le gage de la démocratie, d’autre part, c’est la noblesse (nobilitas) qui a été l’élément décisif de la direction aristocratique, enfin, on peut parler encore, dans le cas de Venise, d’une sorte de caractère monarchique de l’autorité, plus précisément du règne (regnum) qui, selon les idées de Janus, revient aux pères (patribus), c’est-à-dire aux personnalités éminentes, aux patriciens (cf. patriciae...stirpes – vv. 138–9). À travers ce troisième élément, Janus fait certainement allusion au pouvoir du doge, en tant que trait caractéristique de la ville commerciale des Vénètes et le poète peut encore penser aux magistrats de la ville tels que Marcellus, le héros de son panégyrique.

Selon certains, ce dernier fonctionnait comme provveditore: il était un type de transporteur pour l’armée mercenaire, selon d'autres plutôt un quasi agent politique prépondérant.4 En effet, cette interprétation était nécessaire pour que le goût de l'époque puisse accepter Marcellus comme héros d’un panégyrique. Ce qui est le plus intéressant dans la conception politique de l’humaniste hongrois, c’est que Janus semble entrelacer, dans l’esprit aristocratique, l’idée de la civitas mixta, qu’on peut retrouver chez les auteurs antiques comme Aristote, Polybe, Cicéron, Tacite,5 dans la fable de Menenius Agrippa dont la version la plus connue est due à Tite-Live, mais ce thème a été très favorisé aussi par d’autres auteurs (Liv., 2,32,8 sqq., cf. Dion. Hal., 6,96,1 sqq., Flor., 1,17 /23/, 1–2 etc.).6 Cette

4 Cf. King, Margaret L., The Death of the Child Valerio Marcello. Chicago, 1994. L’auteur esquisse la carrière de Jacopo Antonio Marcello surtout dans les parties suivantes : 3 sqq., 60, 67–79, 97–117. Pour la fonction de provveditore v. ibid. 80. Selon King, bien que Marcellus ait été présent aux événements militaires, il n’a pas eu le rôle clé que les «elogiasts» lui attribuent, étant donné qu'il n’a pas été «the winner of battles», comme ils le présentent.

5 Cf. Nippel, Wilfried, Mischverfassungstheorie und Verfassungsrealität in Antike und früher Neuzeit. Stuttgart, 1980 et Coleman, Janet, Political Thought: From Ancient Greece to Early Christianity. Oxford, 2000, surtout 216–222 (cf. avec le chapitre «Polity: Mixed and/or Middle Constitutions»). V. encore Keyt, D.–Miller, F. D. (eds.), A Companion to Aristotle’s Politics.

Oxford, 1991 et Huxley, G. L., “On Aristotle’s Best State”, History of Political Thought, 6 (1985) 139–149.

6 Cf. Nestle, Wilhelm, «Die Fabel des Menenius Agrippa», Klio, 21 (1927) 350–360; Havas, László: «Mese és történelemszemlélet az ókorban» [Fable et pensée de l’histoire dans l'Antiquité], MTA I. Oszt.Közl., 33 (1982) 111–121, cf. Havas, László, «L’idée d'État dans les discours consulaires de Cicéron», Ciceroniana, 7 (1990) 133–147 et Havas, László, Corpus Rei Publicae. Studia Historico-philologica collecta. Debrecen, 2002. 51–64.

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civitas mixta vénitienne qui montre plutôt un aspect de la dominance aristocratique selon l’interprétation de Janus, a enfin eu son succès historique. Car ce ne sont pas des tyrans (tyranni) qui y ont régné pendant mille ans, mais c’était la libertas, cette sorte de liberté dont la base était le peuple, qui, par l’intermédiaire des patres, a suivi fidèlement l’autorité de la noblesse. Cette civitas mixta vénitienne a été aussi capable d'exercer un pouvoir oecuménique, à l’exemple de la Rome antique, qui a été pareil à un empire que Florus, l'historien romain a décrit dans la partie finale de son oeuvre en relation avec l’empereur Auguste. Cet auteur romain a souligné que le pouvoir de l’empereur a été étendu sur l’Ouest et le Sud, tout comme sur le Nord et l’Est, pareillement à Venise dont la mitis ditio s’est fait valoir dans l’île de Crète, dans les Alpes, dans la montagne du Balkan (cf.

Aemonium – Haemonium, et non Aeminium, comme certains le pensent), près du lac de Côme (cf. Larius), de même que près de l’Ebre (Hebrus), au-dessus de l’Océan, de même qu’au-dessus de la Mer Rouge (vv. 134–137). Par ce fait Venise a pris en possession tout le commerce mondial (v. 137), ainsi que la Rome d’Augustel'avait fait qui a obtenu la puissance mondiale : cum Romana maiestas toto orbe polleret (Flor., 2,13,8). Mais il faut dire que cette vision oecuménique du pouvoir a déjà existé dans la littérature latine de l’époque d’Auguste, surtout chez Virgile et Horace, par contre, ce n’est pas dans la littérature humaniste de l’époque de Janus Pannonius que cette vision est devenue topique.

Ainsi posé dans le contexte de l’histoire mondiale, le sujet du panégyrique se développe par la présentation du héros, n'omettant pas les clichés obligatoires de ce genre littéraire, comme p. ex. l’énumération des aptitudes physiques et des talents d’esprit du héros, mentionnant en même temps son origine, sa famille, ses études et ses actes, afin de pouvoir vérifier, par cette présentation, aussi la justesse de l’ancienne maxime : per aspera ad astra (Sen., Herc. fur., 437).7 Tout cela ne signifie pas que le poète se tienne exclusivement aux formules anciennes du panégyrique. Janus qui semble prendre le rôle d’Athénée-Minerve présente les choses, comme s’il était, lui aussi, prêt à raconter tous les événements historiques vécus par Marcellus, dans leur richesse et leurs détails, c'est-à-dire prêt à composer une grande épopée historique véritable, mais, faute de temps, il doit se contenter d’un abrégé ou, pour mieux dire, d’un extrait quelconque.

Nous avons déjà constaté les racines antiques de la conception biologique et organique de l’histoire et de la politique dans le panégyrique de Janus. Pourtant il faut voir que, pour le poète, même certaines idées chrétiennes ont fait autorité avec la même valeur que les pensées païennes antiques. Il n’y a en cela rien d’étonnant si on tient compte de la pensée chrétienne, basée d’une manière biologique, remontant à saint Paul, selon laquelle les chrétiens sont réunis dans le Corps mystique du Christ (cf. Rom 12,4-5, v. encore 1 Cor 10,17; 12,13; Eph

7 Sur le rôle de la sententia dans la littérature ancienne, y compris l’historiographie, v. de nouveau: Biville, Frédérique (ed.), Proverbes et sentences dans le monde romain. Lyon, 1999.

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1,23; 2, 16; 4,12; 16; 5,23; 30; Col 1,18; 24; 2,19; 3,15). En outre, il était également simple de lier le rôle protecteur des saints à la conception organique de l’histoire, formulée dans l'antiquité classique. En effet, on peut tout à fait concilier la conception biologique de l’histoire de Janus avec la réaction défensive de Saint Marc pour sauver Venise, après avoir appris une défaite de sa ville. Il est clair qu’ici Venise ne figure pas seulement comme l’organisme vivant de la civitas mixta, mais aussi comme une sorte d’incarnation de Saint Marc, évoqué sous la figure du lion, qui a pour devoir manifeste de sauvegarder Marcellus aussi, le défenseur de sa cause, celui pour qui le but principal, c’est l’imitation de Scipion (vv. 2459–60), ce politicien et général victorieux d’autrefois qui a fait le plus pour soutenir le corps de l’État romain. Cette intervention de Saint Marc est aidée et assistée aussi par les trois autres évangélistes, comme, de sa part, Saint Ambroise tend aussi la main protectrice à Milan, sa ville préférée, au cours des événements de guerre.8 L’institution sociale et politique n’est donc pas liée à une seule époque, c'est-à-dire à l’Antiquité classique, mais elle a une valeur solide et globale. Pour notre poète cela n'est pas seulement une simple caractéristique du panégyrique, mais c’est un facteur déterminant des idées, qui revient souvent dans son poème, et également dans son oeuvre complète, avec la pensée du renforcement politique et culturel qui est surtout accentué par rapport à Venise.

C’est très conscient de la part de Janus que de fermer la première partie du panégyrique par la rénovation du royaume de saint Marc. La première partie du panégyrique, racontée par Athénée-Minerve qui représente le passé récent et le présent et qui laisse seulement prévoir le futur, est mise en parallèle avec la deuxième partie du panégyrique qui est prononcée par Clio et qui nous découvre le passé lointain de Venise. Cet aspect du temps qui diffère du précédent est mis en relief par Janus, car Athénée-Minerve, après avoir accompli son devoir, s’envole, et le poète s’adresse à la Muse.

La partie finale du poème est dédiée au passé reculé de la ville et de l’histoire légendaire d’une des familles vénitiennes les plus anciennes, les Marcelli. Mais dans cette présentation, l’avenir lointain se dévoile également sur les traces du passé, en invitant le public à voir que le passé est le dépositaire du futur, et cela ne diffère pas de l’idée fondamentale de Virgile dans l’Énéide. Pour vérifier cette pensée (notamment que les mots de Clio sur le passé lointain sont dirigés vers le futur), il faut observer un élément très important de l’histoire légendaire de la famille de Marcellus : un de ses ancêtres, après avoir pris la ville de Syracuse en 212 av. J.-C., et avant de rentrer à Rome, a consulté l’oracle, en questionnant en Sicile les Palici sur l’avenir de Rome. La question était de savoir si le royaume

8 Cf. King, The Death..., 191–192 et v. encore: Weinstein, Donald–Bell, Rudolph M., Saint and Society: Two Worlds of Western Christendom, 1000-1700. Chicago, 1982, surtout: 18 et 27. – Pour l’ensemble des problèmes «Venise, la grande puissance montante» v. p. ex. Norwich, John Julius, Venice: The Greatness and the Fall. London, 1981.

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fondé par Romulus, c’est-à-dire la Rome ancienne resterait ou non. En effet, l’oracle imaginé par Janus Pannonius et exprimé par Clio a garanti non seulement l’hégémonie mondiale de l’Urbs qui était vraiment réelle du point de vue historique (v. 2719), mais il a aussi prédit ce fait que l’Empire Romain s’effondrerait, car, comme Salluste l’avait prédit, omnia orta cadunt et aucta senescunt (Iug., 2,3), et comme l’humaniste hongrois en fait une paraphrase (vv. 2725–27). Par contre, selon l’oracle accepté par Janus Pannonius (vv. 2735–36) Rome restera non seulement comme capitale de la religion, mais une nouvelle Rome surgira des ruines d’Italie, ainsi que la Troie d’autrefois est renée à Rome au bord du Tibère.

Cette pensée met en relief de nouveau l’importance de la translatio imperii, dans

Cette pensée met en relief de nouveau l’importance de la translatio imperii, dans

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