• Nem Talált Eredményt

L'APPORT DES TRADUCTIONS DES PSAUMES A L'ESTHETIQUE DU BAROQUE POÉTIQUE FRANÇAIS (1590—1630)

Malgré un certain nombre de divergences, la critique s'accorde à peu près à la fois sur les critères thématiques ou stylistiques et sur la périodisation pour définir un baroque poétique français, né vers 1575, avec d'Aubigné et du Bartas, qui s'épanouit rapidement entre 1600 et 1620 pour de multiples raisons: liens des poètes entre eux, large diffusion par les recueils collectifs, renouvellement profond des mentalités, de la sensibilité et de l'esthétique.

Qu'on pose la question selon des approches historiques, psychologiques ou stylistiques — toutes sont bonnes, voire nécessaires dans leur complémentarité — le baroque poétique redonne au poème sa valeur d'objet à déchiffrer, évoque un monde d'apparences, une création mystérieuse et dynamique, une créature double et déchirée.

Psychologiquement, la poétique est un «art chargé de passions qui veut entr'ouv-rir les âmes en passant par les sens» (P. Kohler), stylistiquement elle construit des

«arabesques d'ordre idéologique», avec un goût pour « l'alliance des dissemblables par argument dynamique » (A. Boase).

On conçoit que bien des poètes aient opéré alors une véritable redécouverte des Psaumes, riche terreau d'un authentique nouvel humanisme chrétien, par delà les confessions.

*

La traduction poétique des Psaumes n'est pas nouvelle. En latin, J. de Canaye (1545), Castellion (1547), H. Estienne (1560), G. Génébrard (1581) en donnent des versions plus sûres. Guy Coquille en fait une traduction complète en vers latins (1592).

On sait la vogue chez les calvinistes des traductions de Marot et de Th. de Bèze sur la musique de Goudimel. En 1557 L. Desmasures édite à Lyon 20 psaumes re-faits sur la version hébraïque.

Les catholiques, avec Dorât1 qui les commente et Baïf qui en élabore une version intégrale, ont tôt pris le relais.

Avant de triompher en politique, avec la série des édits couronnés par celui de Nantes, la tolérance s'est tôt installée en littérature: on admire Du Bartas dans les deux camps et Sponde, converti au catholicisme, n'a pas à retoucher ses Stances de ta Cène.

Ce seront d'ailleurs les catholiques Desportes, Vigenère, Chassignet, P. de Marbeuf, Motin, Racan, Marillac qui s'y intéresseront désormais, en poètes autant qu'en chrétiens.

* · .

La matière est belle. Les psaumes offrent tout: une perspective du monde:

Création, Providence, dynamisme animé; une définition de l'homme dans ses

rap-ports avec le Divin, une esthétique simple et savoureuse, dans une rare alliance de l'humble réalité quotidienne et son dépassement métaphorique constant, une gamme rythmique exceptionnelle.

Le-monde apparaît-constamment dans les psaumes dans une belle imageriè a n i - — mée, familière, émerveillable, sans qu'on puisse vraiment séparer vision sensorielle, métaphore ou symbole.

L'animisme est constant:

— Les fleuves applaudiront de la main... (XCVII, 8).

— Les torrents de l'iniquité m'ont troublé (XVII, 4).·

— La fumée a monté dans sa colère et un feu ardent a jailli de sa face: des chardons en ont été embrasés (XVII, 8). _ .

— Je suis un ver, et non un homme...

Je me suis épanché comme l'eau...

Mon coeur est devenu une cire qui fond...,(XXI, 6, 14).

Collines, lacs et fontaines, sentiers et bosquets, toutes les plantes, surtout odoran-tes, chiens, taureaux et boucs, serpents et biches, et toute la gamme des oiseaux pénè-trent le langage populaire et métaphorique du psalmiste:

« Je traverse les bois, je traverse les plaines Les fleuves, les déserts, de son amour ravi Comme un cerf altéré qui cherche les fontaines ) Traverse monts et vaux, du chasseur poursuivi »

(Hopil, 1603) Au centre de cette vision anthropomorphique, l'Homme, avec ses sens élémen-taires, oeil, main, pied, voix, coeur et reins:

— Mon oeil s'est troublé de courroux, mon âme et mon ventre s'en seichent. (XXX, 11).

— Leur gosier est un sépulcre ouvert... le venin de l'aspic est sous leurs lèvres... Leurs pieds courent pour verser le sang.

(XIII, 5).

Ces sensations primitives font une large place au subconscient — sommeil, songe, prophétie — qui ouvrent pleines portes à l'ailleurs de l'imaginaire.

Avec l'évolution visualisée de l'infini stellaire ou l'éclat aveuglant du soleil se nouent des rapports infinis avec le Dieu biblique, terrible et bon, omniprésent:

« Là sur les diamans, les perles, les saphirs, Autour de ton palais flottent des cieux liquides, Et là ton seul regard défend mesme aux zéphirs D'agiter dans ces mers de vagues ni de rides »

(CIII — Racan, 1620).

Il regarde, punit, venge, secourt, éveille, endort, anime, modèle, oublie, nourrit, délivre...

Qu'il soit Père ou Juge, pour lui l'homme n'est qu'un jouet, un roseau, un souffle en sa main.

Moteur de l'histoire, il rythme la vie des peuples et des nations, comme les heures de chacun de ses moindres servants.

-Selon un périple étrange, traversé de tempêtes, d'appels séducteurs des superbes et des mondains, d'abandons inexpliqués et de sauvages succès, mais réglée finale-ment par une certaine justice globale, l'Histoire se fait, labyrinthiquefinale-ment pour la petitesse de l'intelligence humaine, qui, malgré ses efforts pour comprendre, ne peut que mettre ses pas tremblants, aux jours de joie ou de tribulation, dans les voies re-connaissables du Seigneur, confiante en sa seule Parole, plus ou moins «enveloppée

V ' des liens des pécheurs » et « Comme une outre dans la gelée », mais si « son âme est collée à la terre », elle « marche au large », savourant les paroles divines « plus douces que le miel à la bouche ». (CXVIII, passim)

*

La vie de l'homme apparaît, en des métaphores emblématiques innombrables et convergentes, simple et fragile. Images du temps et de l'espace, qui le relient aux abîmes du ciel et de la lointaine création comme à l'humble brin d'herbe — dont le psalmiste tire d'infinies variations symboliques :

— Couvert de lumière comme d'un vêtement: étendant le ciel comme une tente...

— Vous qui couvrez d'eau son faîte, montez sur un nuage, marchez sur les ailes des vents....

— L'abîme comme un manteau l'enveloppe, les eaux se dresseront plus haut que les monta-gnes...

— De hautes montagnes .pour les cerfs, un rocher refuge aux hérissons...

(CXIII, 2, 3, 6, 18).

Les psaumes définissent la nature des rapports avec le Divin.

Sujet et objet de « l'inconstance blanche » ou de « l'inconstance noire » (J. Rousset) tour à tour ou plutôt dialectiquement, selon sa double nature de boue, attirée vers la terre originelle, et de lumière, puisqu'il dépend de lui d'être au nombre des « saints », l'homme connaît sa vocation et sa voie :

«Vous m'avez percé les oreilles, vous m'avez enseigné, vous m'avez éclairé,' Seigneur...».

Quête et désir dè Dieu sont les dispositions premières dont l'homme doit con-server un sens aiguisé, car rien ne le guette que la torpeur de l'âme, l'attirance des méchants ou le découragement devant l'injustice de leur triomphe :

— Ne cache point de moi ta face — ou je serai semblabe à ceux — qu'on a scellé dedans la fosse...

Fais-moi connaître le chemin — par où il faudra que je marche — car j'ai levé mon âme à toi...

Ton bon esprit me conduira — en une terre de droiture — pour l'amour de ton nom, Sei-gneur — vivifie moi en ta justice.

(CXLII—Vigenère, 1587).

Cette disponibilité quasi affective permanente se double de réflexion : beaucoup de psaumes sont appelés didactiques. Le terme peut prêter à confusion ; certes il faut méditer la Parole et connaître la Loi. Mais les psaumes ne s'adressent pas seulement aux simples, mais aux humbles de coeur: l'intelligence a peu de part à cette commu-nion par le truchement des objets familiers : c'est Dieu sensible au coeur, avec tout ce qui peut nourrir la sensibilité élémentaire, puisque la créature du psalmiste « connaît Dieu dès le ventre de sa mère » (LXX, 7). Et la bouche et la langue et les lèvres se ter-nissent de crainte ou s'emplissent de louanges, à satiété, accordées au chant de la Création :

« Que son nom glorieux de Monarque des Anges Retentisse aux échos des rochers et des bois Que l'Océan charmé du concert de nos voix Fasse bruire en ses flots le bruit de nos louanges. »

(XCVII—Racan, 1610)

*

Cette relation à Dieu implique une certaine relation au monde. Contrairement au détachement monastique ou à la rupture àscétique radicale, l'homme, à sa place dans

une création, dans une vie individuelle et collective constamment réglée et supervisée de Dieu, est participant à plusieurs titres ; présent au monde, il en chante à tout instant la beauté, l'ordre et le mystère. Membre de la tribu, il en subit les malheurs, souhaite avec une allègre férocité la vengeance sur ses ennemis, vit dans une inébranlable confiance ; individu, il participe à l'oeuvre du salut en annonçant aux autres la beauté de la Loi, en préférant plutôt vivre « abject en la maison de Dieu » que « puissant chez ceux qui l'oublient et l'abreuvent de sarcasmes ou d'injures ».

\ Aveuglément fidèle à la vérité et la bonté infaillibles, il évite le seul péché, le désespoir:

« Pourquoi donc m'as-tu oublié? Pourquoi vais-je plein de tristesse — pendant que l'ennemi m'opprime.

Pendant qu on me brise les os — je suis tout accablé d'opprobes — par mes envieux malveil-lants.

Espère au Seigneur, car encore — rendray-je grâce à celui — qui est le sauveur de ma face...

*

Sans avoir tenté de rapprochements systématiques, qui exigeraient un long, exposé, nous croyons que l'esprit des Psaumes, tel que nous l'avons dégagé, répond plus encore qu' à des thèmes admis du baroque, à un ensemble à'attitudes cohérentes, qui nous semble être l'essence du baroque.

S'il est d'abòrd une réaction contre les recherches subtilement sophistiquées et irréalistes du maniérisme et un retour à une réalité perçue sensoriellement et surtout visualisée, ce perpétuel regard sur la création, cette nature animée, où l'on puise tout un monde de correspondances répond à ce premier aspect.

Si le baroque est un cri de sentiments essentiels, dans un perpétuel échange entre l'abstrait et le concret, plus une interrogation sur le sens de la vie et la valeur des actes humains fondamentaux, le psalmiste exprime cette inlassable quête.

Si le baroque manifeste les profondeurs de l'apparence (Cl.-G. Dubois), s'il est

« passage dans l'invisible » ou du moins « raccourci entre le visible et l'invisible » (Yves Bonnefòy) en poésie comme dans les beaux-arts, les longs chants rythmés des Psaumes, expérience séculaire d'un peuple obsédé par son destin, répondent à cette angoisse dominée, qui est l'une des constantes du baroque poétique français...

*

Il y manque encore l'essentiel... Les Psaumes avaient retenu l'attention des poètes de la Renaissance, l'âge classique les traduira. Où est la différence?

La forme seule permet de parler de baroque. Si de purs poètes, comme Despor-tes, Vigenère, Motin, Du Perron, qui ne sont pas tous authentiquement religieux ou simplement « métaphysiques » ont rencontré les Psaumes, c'est plus souvent pour leur caractère formel qu'ils s'y sont attachés. La langue directe, audacieuse, succulente, le jeu métaphorique constant, les images insolites, jaillissantes et convergentes, le rythme enfin pesant, saccadé, obsédant ont puissamment contribué au renouvellement, d'abord esthétique, du baroque.

Les Psaumes exprimaient en termes adéquats ce monde du pathos et du sym-bole, fortement enraciné sur une réalité familière et dynamique, constantes de l'archi-tecture, de la peinture, de la scénographie, de l'urbanisme, du roman et du lyrisme baroques.

La vigueur réaliste, mais familière domine: elle n'exclut pas la brutalité ni le macabre, mais s'y complaît d'autant moins que les os, le. ventre ou les plaies ont presque toujours valeur métaphorique.

Si le propre de la métaphore baroque est sa vigueur accrue par l'imprévu de l'équation analogique, cette distance a un double effet : elle atténue la relation immé-diate à une réalité charnelle, elle s'inscrit, grandie, dans l'imagination :

— Vous avez fait dessécher mon âme comme une araignée...

(XXXVIII, 11).

— Ainsi comme une eau répandue, — je me suis du tout écoulé — tous mes os hors de leurs jointures — se sont démentis et ouverts. .

(XXI, 14 — Vigenère).

Toute la Création, en images simplifiées, défile en un kaléidoscope animé : frelons bourdonnants, veaux qui têtent, chiens enragés de famine ; ... cendre, fumée, fange ; aube et couchant, · lumière aveuglante ou secourable, eaux dévorantes ou purifica-trices...

Ce qu'apportent les Psaumes, ce n'est pas un répertoire nouveau, c'est une forme spécifique constante d'utilisation de la métaphore: échange continu entre l'abstrait et le concret, jaillissement et suppression de la relation grammaticale, qui privilégie le verbe comme support de la métaphore:

— Pourtant que jour et nuit sur moi—ta main s'est ainsi aggravée jeme suis vautré de douleur

— lorsqu'on me fichait des épines —.

(XXXI, 4).

— Je suis confit en amertume — et prosterné jusques au bout — je ne fais que braire sans cesse — des piteux plaintifs de mon coeur.

(XXXVII, 8).

Outre ses caractères d'imprévu et de simplicité, si on isole l'image, le propre de la structure poétique baroque est une construction savante qui, sur la trame continue d'images disparates, construit des arabesques, qui se rassemblent en un faisceau convergent. Qu'elles expriment plainte, angoisse ou louange, — et souvent leur mélange — les images se font, se défont ou se succèdent, mais l'impression finale est d'un même registre.

La métaphore, par un savant jeu de transfert sémantique, glisse souvent vers 1a.

polysémie du symbole.

Ainsi de la variation sur la Neige du Laudate par Martial de Brives :

« Celeste et delicate faine, Neige dont les flocons liez Sont de grands tapis depliez Sur la surface de la plaine ; Litiere de l'air espessy, Marbre sous l'yvoire adoucy, Couche des perles distillées;

Louez d'un estude jaloux L'adorable Lys des vallées,

Qui vous faict la faveur d'estre blanc comme vous. »

(M. de Brives, Lyon 1653).

Ainsi hissée souvent au niveau du symbole, la métaphore biblique exerce sa double fonction de signe organisateur et, à travers la trame des correspondances, d'instrument ontologique.

Symbolisme simplificateur qui donne à cette part au moins de la poésie baroque son caractère populaire, en intention, sinon en fait.

Les Psaumes offrent de la société une série d'images d'un dualisme élémentaire : Puissants et humbles, aigles et colombes, riches et pauvres, hommes de proie et de

•sang et victimes, boucs et brebis, avides et désintéressés, justes et transgresseurs,

•coeurs endurcis à mal faire et âmes baignées et arrosées, perméables à la grâce où à la juste vengeance divine...

Le-lecteur le moins initié-retrouvait lesfiguresemblématiques du pouvoir qui lui étaient familières : glaive et balance, trône et donjon, Main et Parole.

Rythme de la nature, rythme de la vie... Les saisissants symboles du foin brus-quement séché, du chemin pierreux, du pain amer, du lit baigné de larmes se tra-duisent en accords discordants. Mais « l'homme, vêtement lentement usé, sera mué

•comme une robe»... (CI, 26—27).

*

Si le poème, comme la musique est un déroulement dans le Temps, le verset, mieux accordé à la double mesure humaine du souffle respiratoire et de la marche -que les savants assemblages strophiques, traduit en outre plus expressément le

ruminement intérieur d'un langagè répétitif ou à demi formulé.

La paraphrase poétique du psaume ne fuit pas les jeux d'allitération, mais use moins des calembours géniaux du baroque amoureux (tel le célèbre sonnet des yeux de Laugier de Porchères). Elle recherche plutôt les cadences régulières et fortes, -et la densité d'accents de longueur ou d'intensité, étrangère aux trop fluides

harmo-nies, qui laissent évaporer le sens avec le son. Cadences rugueuses, contrebatteries de mots, que déjà regrettent les malherbiens, Bertaut ou Racan, plus sensibles aux seules délicates disonnances internes:

« Et vous eaux qui dormez sur un lit de pavots

Vous qui toujours suivez vous mêmes fugitives 1 Faites un peu cesser, pour vous rendre attentives

Les paisibles combats des zéphirs et des flots. »

(XCVII — Racan) En fait le classicisme est en marche, simultanément à la floraison baroque, non

•en réaction contre elle, mais dans un réemploi assagi de l'image, sans en perturber profondément la fonction organisatrice du langage poétique.

Il n'y a chez les malherbiens et chez le maître lui-même ni reniement ni rupture ; l'animisme et le' dynamisme des métaphores est plus discret, mais non moins auda-cieux : - ι ' "

J

« Que ces monts dont on voit naistre et fondre les nuês Dans ce commun bonheur que nous venons d'avoir Comme dans leur printemps nous puissent faire voir Le mirthe et le jasmin sur leurs testes chenues ».

(ps. XCVII — Racan).

La place des Psaumes dans l'élaboration de l'esthétique baroque dépasse large-ment le constat de leur vogue dans les recueils de 1590 à 1630.

Ils sont, avec quelques autres oeuvres — et surtout La Semaine de Du Bartas — -à l'origine du puissant courant « métaphysique » qui traverse la poésie à cette date.

Chassignet, traducteur du psautier complet, dont le Mépris de la vie et consola-tion de la mort (1594), coupé de «Discours, de supplicaconsola-tions et de syndérèses, » élargit son inspiration et sa stylistique sur les thèmes obsédants du Temps, de la disso-lution de l'Univers et du mirage dangereux de l'attrait mondain.

La Ceppède, qui n'a paraphrasé que les 7 psaumes pénitentiels, publiés en 1613,

•développe dans ses Théorèmes, composés vers 1595—98, les grands mystères chrétiens,

dans une inspiration qui déborde largement le cadre thématique des psaumes. Son esthétique, avec ses « contrepointes antithèses, emblèmes hiéroglyphiques », garde la saveur réaliste du symbolisme biblique, la structure ramassée et convergente, la densité rythmique.

J. de Sponde avait été un initiateur. Ses Méditations sur les Psaumes (1588), — longues gloses en prose sur quelques-uns d'entre eux seulement d'ailleurs — dont il faisait des lectures publiques dès 1582, ont été le germe de ses Poèmes chrétiens, dont la couleur baroque tient surtout-à son utilisation des métaphores, véritables équa-tions analogiques par jeu d'images discordantes.

A ces grandes figures, bien connues désormais, il faut ajouter Motin, Fiefmelin, Hopil.

Le premier n'a traduit que quelques Psaumes, par occasion, et son inspiration est fort diverse. Son apogée date de 1620, avec 120 pages dans le Recueil poétique des Délices de T. du Bray en 1620.

Lui aussi, les Psaumes l'ont marqué dans son esthétique : structure géométrique, antithèses dialectiques, tonalité métaphorique du langage, jeux sonores et rythmes se retrouvent non seulement dans son long poème du Phénix ou sa justement célèbre Méditation sur le Christ mourant, mais dans sa fréquente inspiration amoureuse:

. André Mage de Fiefmelin n'a pas traduit de Psaumes. Mais ses Oeuvres (1601) qui contiennent entre autres le curieux bloc de L'image d'un mage, présentent prières, saints soupirs et méditations, dont le jeu combinatoire de relations secondaires au-tour d'antithèses, entrelacées d'images rompues et convergentes (voir par exemple le Débat de la chair et de l'esprit) nous reporte aux critères stylistiques analysés ici, — phénomène sans surprise chez cet admirateur avoué de Du Bartas, Desportes et Sponde.

Claude Hopil a publié trois grands recueils. Un Mélange de poésie en 1603 — bien titré — montre un poète qui se cherche.

Tout à l'inspiration amoureuse (à la fois mode littéraire et expérience mondaine vécue) il se consacre tout entier à l'inspiration religieuse dans les Oeuvres chrétien-nes (1603) et les Douces extases de l'âme spirituelle (1627).

Conversion intellectuelle et intérieure, qui se double d'une conversion esthétique.

Odes, Elégies, Stances ou Sonnets, sans avoir partout la même saveur biblique baroque, se ressentent d'un ressourcement à la poésie hébraïque :

« Retranchons par le pied tous ces surgeons extrêmes Qui germent en nos sens des passions de mesmes...

Sans cette pure humeur, nos âmes infertiles Sont comme un arbre mort, sèches et inutiles.

Entons l'amour divin au centre de nos coeurs...

L'inspiration des Psaumes est d'ailleurs partout directement perceptible :

« Que ferai-je, Seigneur, si tu n'es ma défense Las! ma faute s'accuse et je suis criminel Père, permettras-tu que mon inique offense

« Que ferai-je, Seigneur, si tu n'es ma défense Las! ma faute s'accuse et je suis criminel Père, permettras-tu que mon inique offense