fans qu’ils fuífent encore en âge de connoître ce qu’ils fouflfroient.
U n Religieux qui pour confo- ler ce Prince dans fa prifon avoit eu avec luy quelque relation de lettres , fut accufé de luy avoit é-
crit 5 il Pavoiia , 6c fans aucune \ conviction devoir aide fon évafion il fut condamné à une prifon per
pétuelle , comme fi c’étoit un cri
me de conioler un prifonnier en luy écrivant.
La vengeance fut encore pou- fée plus loin , & quoy que le M aî
tre des Poftes de J avarin n?eût pas reconnu le Prince à fon palfage ,
ce qui étoit ii juftification ÔC fon exeufe , il fut arrêté ; & pour à- . voir donné des Chevaux à un in
connu , fans avoir aucunes défen
d s d'en fournir, on luy fit ion
procès , & on le condamna à un <
banniffement hors des Etats de j ’Empereur.
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m in guerre des Mécontents9 45 Enfin pour comble de rigueur l’on arrêta le Capitaine le Heman, qui avoit fourni au Prince un ha
bit de dragon , il avoiia qu'il en avoit reçu cinq cent Schequintsou Ducats , & après avoir eu la tor
ture la plus rude , il fut condam
né à avoir la tête tranchée, le poing coupé auparavant, & ion corps mis en quartiers fur quatre poteaux le long du chemin de Neuftat, & fon Lieutenant qu’on 11e put convain
cre que d’un peu de negligence, fut condamné à avoir fon épée rompue fur la tête , & à un banniifement;
ce qui fit retarder l’exécution du Capitaine jufqu’au 24. Décembre, que le Heman fut exécuté avec la
derniere rigueur.
Voilà de quelle maniéré le Con- feil de Vienne entroit dans la paf- ü on de T E m preur, & traita ceux
que l’on croyoit avoir eu part à l’ç- vafion du Prince. Les fuites ont
bien
4# La vie du Prince Ragot zi.
bien fait voir que cette dureté n'e- ftoit pas fondée fur la prudence,
& que le Confeil de V ienn e, qui prétend que tout doit plier fous Tes Volentez , s’imagina avec trop de préfomption qu'il n’y auroit jamais de retour pour ce Prince. Cepen
dant l'Empereur & fon Confeil ne tardèrent pas long-temps , fans fe ïependirdes’eftre abandonnez trop
facilement à une fi grande p e rfe c tion. Car cette rigueur outrée,
loin de difpofer les cnofes à un ac
commodement , qui fut bien - tôt défilé, & loin d'être utile à l’Emr-
pereur, acheva d'augmenter le mé
contentement des Hongrois. Le Prince Pagótzi alors piqué de la maniéré dont on le traitoit fi in
dignement à Vienne, au lieu d’é
couter les propofitions, aigrit foh couroux S' fon indignation , 8c étant reparte de Pologne en H on grie,il y fut fi agréablement reçu ,
que
ou la guerre des Ale contents. 4 7 que d'une voix commune on le re
connut pour le C h e f de tous les Mécontens, & le principal des Comtes Hongrois , qui avoit pris les armes pour la défenfe de la li
berté , & des privileges de fa Pa«*
trie. Et c’eft luy qui depuis ce mo
ment à conduit une guerre dont l’Empereur fe trouva fort emba-
raifé. Il efl pourtant vray qu’il fouhaitoit de rentrer dans fes bon
nes graces ,* mais la neceffité de fe mettre à couvert des perfections qu'on luy faifoit à V ienn e, luy fit prendre un parti contraire aux pro
jets de la maifon d'Autriche. Il entreprit donc de délivrer tout de bon fa Patrie des fers de cette Maifon , & d’y rétablir l’ancienne autorité des loix fondamentales qui régloient le Gouvernement, & qui établiifoient le pouvoir des C om tes, & la liberté de l’éle&ion vo
lontaire d'un Roy choiii par lés
fuf-48. La vie du Prince Ragotzj.
iuffrages de la Nation. D e forte que ie voyant perfecuté par le Con- feil de Vienne , & dépouillé de tout, il ne balança pas fur le feul parti qu'il avoit à prendre, & que les rigueurs outrées de Vienne le forçoicnt d’embralfer. C e Prin
ce voyant d'ailleurs les Hongrois très bien difpofés à rendre juftice à fes vertus, à fon malheur, & à fa qualité, il accepta le choix qu’ils firent de luy pour eftre leur Chef.
Il jura d’ eftre inviolablcment atta
ché à leurs intérêts, & de mourir plûtoftque de mettre les armes bas,
& que leurs Privileges ne fuflent rétablis. Ce fut dans ce temps-là que les Mécontents commencèrent à donner de l’inquiétude à V ien - (qui juiquçs-là les avoit méprifés)
& à faire tête aux Troupes de l’Em pereur, qui avoit toujours crû qu’il luy férőit facile de les mettre à la
raifon.
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ou la guerre des Mécontents. 49 L e Prince voyant donc qu'il n'y avoit pour luÿ aucun efpoir de re
tour vers l’JEmpereur, que fa vertu
& fa perfonne étoient odieufes au Confeil A u liq u e, que l’on y pre- noit fes fou million s exceffives pour
des crimes, & que fes ennemis re
vêtus & enrichis des biens confié qués fur fa M aifon , y triomphoi- ent, préfera fes fûretez & fa gloire aux premiers empreifemens qu'il qu’il avoit témoignez de rentrer dans les bonnes graces de la maifon d’Autriche , & fe déclara le C h e f des Mécontents de Hongrie, & de ne point fe réconcilier , que l'on n'eut donné une pleine fatisfaétion aux peuples fur tous leurs griefs.
Pour cet effet, éclairé des veritez Catholiques , il changea de Reli-«
gion, quitta la Luthérienne, em- brafla la Catholique , & ne le fut pas plûtoft, qu'il fe vit proclamer Prince ou Vaivoide de
Transfil-C » vame.
j o La vie du Vrince Ragotnîy
vanie y dans une AiTemblée gene
rale qui ie tint pour ce fujet. Il en prit en 1703. le T itre de Sou- yerainj& fit entendre à la Cour de Vienne y que jamais il n’y aurait d’accommodement avec l u i , que l’on ne luy cédât la poffcffion ab- foluë & indépendante de cette Pro
vince y fur laquelle il prétendoit . que la marfon d’ Autriche n’ avoit aucun droit que la force , & que celuy des armes contre toutes les
Loix.
Fin du premier Livre.
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a r g u m e n t d u s e c o n d l i v r e »
Ce Livre contient une exafte defcrip- tion du cours du Danube, depuis Vienne jufquk Belle grade ; C*
Fleuve partegant en deux le Roy-
^ Hongrie 9 & le d ivi■
Jîwf Defcrip
-tion ées Rivieres qui Je jettent dans ce Fleuve à droit &
the de la Jituation des prin
cipales Places de la Hongrie.
| Omme la Géographie eft la BoufFoîe de l’H iftoi-
re , & que l’on ne peut que difficilement con v
C z pren**
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j 2 Ltf w afw Prince Ragotzi.
prendre une guerre qui fe fait dans un Pais 5 fi Ton ne le connoît par
le cours des Rivieres, & par la fi
liation des Places ; celle que je veux décrire, ayant pour Theatre la Hongrie ;je fuis obligé d'en fai
re une defeription depuis V ienne jufqu’à Bellegrade, le Danuble cou
rant du couchant au levant, depuis l ’une jufqu’à l'autre, & coupant en deux la H ongrie, dont il laiffe la haute fur fa rive gauche, & la baffe
fur la rive droite.
Le Danuble eft fe feul fleuve de la Hongrie , qui ait l ’honneur de porter fon nom & fes eaux jufqu’à
la mer. Il fe dégorge dandk Pont- Euxin par quantité de bouches dif
ferentes, & ramaffe en chemin tou
tes les autres riviers, qui à droit &
à gauche viennent luy rendre leur tribut, & il les porte comme je l ’ai d i t , dans la mer Noire. C ’eft le 7 plus beau & le plus grand fleuve
de
,
ou la guerre des Mécontents. 5 3
„ de l’Europe', il eft large audeflfous de Vienne au moins d’une demie lieuë, & d’une lieuë en beaucoup d’endroits. A in ii, il fuffit d’ap
prendre depuis Vienne jufqu’àBel*
legrade le cours de ce fleuve , &
des Villes qui en font arrofées, &
le cours des autres rivieres qui s’ y jettent ; on fçait parfaitement cc
qu’il faut fçavoir de la Hongrie.
J*ay donc dit, que le Danube cou- poit en deux parts la H ongrie, la haute du côté gauche, & labalfe du côté droit.
Il
faut pourtant en excepter Presbourg Capitale de la bafle Hongrie,& qui ie trouve neanmoins fur la gauche de ce fleuve. Lors qu’on part de Vienne & qu’on le defeend, le premier objet qui fe pre- fente à la vue, c’eft l’embouchure de
la Morava fur le côté gauche. C et
te riviere fépare la Hongrie de la Moravie, & de la haute Autriche j
& c’eft en la paflant, que les H
on-C 3 grois
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