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Diversité linguistique à l'intérieur de l'Etat français

3. La politique linguistique française dans l'actualité 3

3.2.3. Diversité linguistique à l'intérieur de l'Etat français

L'idée générale de la diversité à l ' i n t é r i e u r de l'Etat f r a n ç a i s , telle qu'elle est conçue et m o d e l é e par le gouvernement se révèle clairement d a n s les propos suivants :

« Notre engagement pour le plurilinguisme sera d'autant plus crédible que nous favoriserons, en France, la diversité linguistique » [p. 3J.

Bien sûr, une politique linguistique qui prône le plurilinguisme à l ' e x t é r i e u r de l'Etat f r a n ç a i s et qui s'engage très peu p o u r la diversité linguistique à l'intérieur, est peu convaincante ; et M. Lionel Jospin n ' e s t pas le premier à signaler l ' e f f e t p o s i t i f q u e pourrait p r o d u i r e une telle o u v e r t u r e de la politique linguistique f r a n ç a i s e " . V u e sous cet angle, la préconisation de la Charte e u r o p é e n n e des langues régionales ou minoritaires s e m b l e être logique et conséquente. M a i s en examinant les choses de plus près, d ' a u t r e s aspects de la diversité linguistique apparaissent à travers le texte: Il est question de 1'« héritage linguistique » [p. 3], de la « richesse d e notre culture » [p. 3], du « patrimoine » [p. 3] qu'il faut protéger, et qui, par la signature de la Charte, geste purement s y m b o l i q u e pour le m o m e n t , devraient être valorisés :

« Par la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires [...], le Gouvernement avait voulu donner un signe concret de sa volonté de valoriser un patrimoine riche, diversifié et parfois menacé » [p. 3J12.

De façon b e a u c o u p moins précise se dévoilent les m e s u r e s qui pourraient être envisagées à l ' é g a r d des langues d i f f é r e n t e s en France1 3, et il n ' y a pas de doute q u ' o n attribue à ces langues des qualités tout à fait d i f f é r e n t e s1 4 :

10 Quant à la « Frankophonie als sprachpolitische Einheit », cf. Schmitt 2000b, 715ss.

11 Cf. Poignant 1999, 6 «On ne défend bien sa langue chez les autres qu'en respectant toutes les langues chez soi ».

12 Le caractère symbolique de la signature de la Charte est également souligné par Cerquiglini 1999, 2.

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« Certes, leur diffusion et leur audience sont très variables » [p. 3] ;

« Nous sommes prêts à consentir des financements substantiels pour le développement de certaines langues régionales » [p. 3J.

D ' u n e manière plus explicite s ' e x p r i m e n t , entre autres, Pierre E n c r e v é et Jean-Marie Woehrling au c o u r s du débat sur la C h a r t e européenne au début de l ' a n n é e 1999 :

« Ces 75 langues peuvent être reconnues du point de vue de la partie 11 [de la Charte], comme patrimoine culture! national. Mais du point de vue de l'enseignement, la question est beaucoup plus compliquée. Reconnaître une langue n 'implique pas nécessairement qu 'elle soit enseignée de façon scolaire classique. Le berbère ou les langues canaques se portent plutôt bien tout en connaissant surtout une transmission maternelle orale. Tout ne doit donc pas être simplement vu du côté de l'enseignement. On peut faire énormément de choses culturellement pour une langue, comme lui donner une radio et aider à l'enseignement non scolaire. Il faut répondre aux demandes, qui sont très différenciées »

(Encrevé 1999, 16; j e souligne).

Et :

« Un autre aspect est celui de la différenciation des langues. On ne peut pas traiter toutes les langues de la même manière: elles n 'ont pas les mêmes caractéristiques et donc il faut non pas un statut pour les langues régionales mais en quelque sorte, un statut pour chaque langue régionale minoritaire adapté à son cas particulier : la situation de la langue régionale en Alsace n 'estpas la même qu 'en Bretagne ou, par exemple, à Tahiti »

(Woehrling 1999, 7; je souligne).

Diversité linguistique c o m m e élément de la politique linguistique française ne veut d o n c pas dire é g a l i t é des langues différentes. Et une « a p p r o c h e territoriale » des langues régionales, revendiquée par leurs défenseurs (Guillorel 1999, 13)1 5, n ' e s t pas prévue par la politique linguistique officielle qui exclut en m ê m e temps toute sorte d ' « idée de repliement identitaire» (Guillorel 1999, 7 )1 6. Une telle conception s ' o p p o s e aux principes f o n d a m e n t a u x de la République f r a n ç a i s e selon lesquels « les langues régionales

J Dans son recensement des « Langues parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République » Cerquiglini compte 75 langues différentes ; cf. Les Langues de la France. Langues parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République (http://www.culture.gouv.fr/culUire/acliialites/communiq/langues-franc-liste.htm du 20-V-1999. 1-3).

14 Parmi les ouvrages spécialisés qui traitent le sujet de la qualité de la langue, cf. Eloy 1995 et, dans le même ouvrage, l'article de Pierre Encrevé, La « qualité de la langue »: une question de politique linguistique ?, 1995, 367-386.

'" Cf. Guillorel 1999, 13 : « [Les défenseurs des langues régionales revendiquent l'approche territoriale de ces langues] car le principe de territorialité est pour eia le meilleur instrument pour protéger, promouvoir, voire

« réimplanter » leur langue [...] ».

1 6 Aurore Maillet 2000, 90-99, essaie d'analyser le phénomène du « repli identitaire » face à la mondialisation ; cf.

entre autres le passage suivant (ibid., 9 8 ) : «La problématique de la sécession est symptomatique d'une mutation en cours, mutation de fond, qui ne vise pas à l'abolition de l'Etat ou à sa fragmentation en différents Etats-nations mais plutôt à sa transformation. Le sens même de la notion de territoire change. L'Union européenne débouchera-t-elle sur de nouvelles formes d'Etats et d'organisation du territoire ? Permettra-t-elle te développement d'une Europe des régions ou d'une Europe des villes, sur le modèle hanséatique ? II apparaît en tous cas que la construction européenne permet, sinon de contenir, du moins d'encadrer institutionnel! e ment et économiquement un certain nombre de ces nationalismes ».

Politiques Linguistiques en Europe

' Cf. aussi Moutouh 2000, 119 : « Quelques années à peine après m'oir proclamé /'inconstitutionnalité de la notion de «peuple corse composante du peuple français», au motif principal que le peuple français ne pouvait être composé que « de tous les citoyens français auxquels s'applique le principe d'égalité, sans distinction d'origine, de race ou de religion », le Conseil constitutionnel a récemment réaffirmé, dans sa décision du 15 juin 1999, son allergie à toute expression de cultures régionales. En déclarant contraire à la Constitution la

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, parce qu 'elle conférait des droits collectifs à des groupes particuliers et qu 'elle favorisait la pratique de langues autres que le français dans la vie publique, les neuf sages ont manqué l'occasion de rompre a\-ec une jurisprudence frileuse». Voir à ce sujet également Balibar 1995, 161-168.

1 8 Cf. Moutouh 2000, 120.

1 9 Ainsi le Président de la République à Bordeaux, le 5 juillet 1999, cf. « Le chef de l'Etat souhaite une loi-programme sur les langues régionales », in Le Monde, édition électronique du 7 juillet 1999, 1.

2 0 Cf. sur ce point aussi Chanet 2000, 59 : « Tout récemment, les prises de position de Lionel Jospin en faveur d'un statut public pour l'école associative en langue bretonne Diwan, puis de l'enseignement du corse dans

«l'horaire scolaire normal» en maternelle et dans le primaire pour les établissements de l'île l'ont confirmé ».

2 ' La place des langues dans les institutions européennes, 2000, 3.

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1999 de présidences assurées par des pays non f r a n c o p h o n e s (Royaume-Uni, Autriche et A l l e m a g n e ) »2 2

sont considérés c o m m e désavantageux, voire dangereux pour le maintien du principe de l'égalité des langues de travail et du plurilinguisme dans l ' U n i o n , p r i n c i p e qui « contribue à éviter de p r o m o u v o i r un seul modèle de pensée et d ' o r g a n i s a t i o n »2 3. Cela explique pour une grande part pourquoi la France essaie d ' a c c o m p a g n e r l'élargissement (aux pays d ' E u r o p e centrale et orientale) de la c o m m u n a u t é au p r o f i t de la langue française en e n c o u r a g e a n t la « formation aux langues de pays futurs adhérents de l ' U n i o n (hongrois, polonais, t c h è q u e et estonien) » : On espère que le français deviendra ainsi « une 'langue pivot' p o u r la traduction de et vers les langues de ces pays »2 4.

Mais tout cela suffit-il p o u r mettre en oeuvre u n e politique linguistique adaptée aux besoins du X X L siècle ? Et ne serait-il pas plutôt souhaitable de favoriser « un traitement équitable des langues d o m i n a n t e s , c o - d o m i n a n t e s et s o u s - d o m i n a n t e s de l ' E u r o p e », réclamé par Peter N e i d e et tant d ' a u t r e s2 5, et de mettre en place, dans l ' U n i o n européenne, un enseignement des langues étrangères approprié aux p r o b l è m e s , aux besoins et aux exigences du m o n d e moderne, et de mettre en route u n e politique linguistique concertée, et congruente à la situation. Car, quel sens peut encore avoir « l ' u n i f o r m i s a t i o n linguistique, [qui] a paru longtemps indispensable à la formation et à la consolidation des E t a t s - n a t i o n s » , « q u e l sens a-t-elle a u j o u r d ' h u i , à l'âge d'Internet »2 Ö, de la cyberculture, du c o m m e r c e électronique et de la mondialisation ?

Peut-être devrions-nous m o d i f i e r un peu le titre du livre de Bernard P o i g n a n t2 7 et dire, tout simplement, « Langues d ' E u r o p e , osez l ' E u r o p e ! »

22 La place des langues dans les institutions européennes, 2000, 3, et Les institutions de l'Union européenne, 2000, 1. Voir aussi Schmitt 2000a.

2j La place des langues dans les institutions européennes, 2000, 3.

24 Les institutions de l'Union européenne, 2000, 2.

2 5 Neide à paraître en 2001 ; cf. également Jucquois 1991 ; Calvet 1999, 81 ss.

2 6 Thiesse 2000, 51.

2 7 Poignant 2000.

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J U T T A L A N G EN B A C I I E R - L I E B G O T T

Les perspectives de l ' e n s e i g n e m e n t des langues é t r a n g è r e s pour les