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Quelle dynamique pour les interactions en classe de langue ? Quelques remarques sur l’enseignement / apprentissage d’une L2 en milieu institutionnel

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S ebastian Pio tr o w ski

Quelle dynamique pour les interactions en classe de langue ? Quelques remarques sur l’enseignement / apprentissage d’une L2

en milieu institutionnel

La fagon dönt se construisent les interactions en classe de langue influe directement sur le processus d ’enseignement / apprendssage d’une L2. Dans cet article, nous proposons de réfléchir sur les questions suivantes : á quoi ressemble une interacüon en classe de L2 ?, quelles stratégies se laissent-elles observer dans les échanges enseignant - apprenants, quels comportements communicatífs peuvent étre favorables/défavorables á l’acquisition de L2 ? La reflexión s’appuie sur un large corpus d’interacüons enregistrées en milieu formel polonais dans des cours de frangais langue étrangere.

1 Perspective acquisitionnelle

Dans le processus d’acquisition d’une langue étrangere (ci-aprés désignée pár

« L2 »), tout apprenant dóit saüsfaire deux besoins fondamentaux (Klein 1986): il dóit communiquer et il dóit restructurer són interlangue pour qu’elle se rapproche le plus possible de la langue cible. La restructuration du systeme intermédiaire (ici synonyme d’ interlangue) ne peut se fairé que sous certaines conditions qui réferent, entre autres, á la capacité cognitive de traitement de données pár l’apprenant et á l’environnement qui fournit á la fois des données langagieres en L2/ sur la L2 et des informaüons en retour (feedback) servant á corriger/ affirmer/ infirmer des hypothéses sur le fonctíonnement du nouveau code linguistique.

Ce processus peut connaítre des dynamiques sensiblement variées en foncüon notamment des milieux (le pluriel s’impose parce que les parcours acquisitionnels sont le plus souvent hétérogénes, impliquant des situations diverses d’exposition á des données en L2) dans lesquels il a lieu. II n’est sans doute pás fondé de postuler l’existence d’une limité imperméable entre le milieu formel (désigné aussi á l’aide de termes comme institutionnel, captif ou scolaire) et le milieu natúréi. Comme le rappellent Porquier et Py (2004 : 11), « [...] la frontiere entre le dedans et le dehors de l’école n’est pás aussi claire qu’on le erőit souvent:

l’école n’est pás étanche [...] ». Mais du point de vue des conditions offertes á l’acquisition, ces deux milieux différent sous plusieurs aspeets. La différence la plus saillante tient, semble-t-il, á l’input - structuré, calibré et standardisé, dans le premier cas, et largement aléatoire, hétéroclite et multiforme, dans le second, ainsi qu’á la spécificité des activités communicatives - peu contextualisées en milieu formel, et clairement contextualisées, avec un fórt ancrage situationnel, en milieu natúréi.

Pour ce qui intéresse notre propos, la classe de L2 apparait comme un milieu social spécifique, ou des activités de communication sont fortement ritualisées et des roles interactionnels implicitement pré-définis. On у observe aussi « une asymétrie

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dans la distribution et l’évaluatíon de la parole » (Gajo et Mondada 2000: 52).

Phénomene étudié et souligné pár de nombreux auteurs (Porquier 1994; Matthey 2003; Vasseur 2005 ; Piotrowski 2011), l’asymétrie semble merne étre un trait constitutif de la classe de L2 en tant que téllé. L’apprenant у est fortement dépendant de l’enseignant qui régule l’ensemble des activités qui s’y déroulent.

Dans un tel environnement, c’est donc l’enseignant qui est en grande partié chargé de satisfaire les deux besoins fondamentaux de l’apprenant, mentionnés ci-dessus : le besoin de communiquer et le besoin de restructurer són systéme intermédiaire. Du point de vue de l’acquisition de la L2, les activités de communication doivent alors comporter deux traits essentiels : 1) elles doivent étre porteuses de signification, de téllé fagon qu’elles soient pergues pár les apprenants comme authentiques et stimulantes, et 2) elles doivent fournir des informations adéquates, transmises de téllé fagon qu’elles favorisent le déclenchement du processus de restructuration de l’interlangue, cette derniére référant á une compétence intermédiaire, instable et incertaine, qui se trouve á mi-chemin entre la langue source (Ll) et la langue cible (L2).

2 Formats interactionnels

La spécificité de la communication en milieu formel tient sans doute aussi á des formats interactionnels bien caractéristiques. Depuis les années 70 du siécle dernier, divers travaux (Sinclair et Coulthard 1975 ; Mehan 1979) ont démontré que les échanges en classe de L2 se construisent selon un schéma ternaire : initiative - réaction - évaluation. Comme c’est l ’enseignant qui prend en principe en charge la gestion des échanges, l’interaction correspond dans la trés grande majorité des cas á : une question de l ’enseignant - une réponse de l’apprenant — une évaluation de l ’enseignant portant sur la réponse de l ’apprenant. II s’agit donc d’une structure qui refléte une hiérarchie et une asymétrie dans la distribution de la parole : le premier et le dernier mot appartiennent á l’enseignant-expert. On peut observer ce phénomene dans cet extráit de notre corpus :

Extráit 1. MK/29112007/1F1

1 E qui pourrait me dire ce qui se passe dans le texte ? Ewelina tu рейх ? alors qui rentre á la maison ? qu’est-ce que Guillaume a etc.

2 EW [commence la lecture]

3 E non Ewelina je ne veux pás la lecture со si? dzieje ? [que se passe-t-il ?]

4 EW aha

Б E pás de lecture mais le résumé + qui rentre á la maison ? 6 EW Guillaume est á la maison

7 E oui Guillaume rentre ou est á la maison + qu’est-ce qu’il a ? qu’est-ce qu’il a ? ++ alors qu’est-ce qu’il a ? qu’est-ce qu’il a Nela ?

1 Le corpus a été recueilü dans des établissements scolaires de l’enseignement secondaire en Pologne et il comprend plus de 150 legons de frangais langue étrangére enregistrées. Nos conventions de transcription sont les suivantes : E - enseignant, EW, NE, AS, etc. - apprenants, [xxx] -commentaire, [xxx] - glose/

traductlon, (xxx) - transcription phonétique, ? - intonation montante, + - pause courte, ++ - pause longue, x/x - autocorrection.

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Sebastian Pi o t r o w s k i, Quelle dynamique pour les interactions en classe de langue ?

8 NE il a une (fo te) et une...

9 E oui il a .../ c ’est une photo de qui ? c ’est la photo de qui ? Wiktoria 10 WK yy de són correspondant

11 E oui c’est la photo de són correspondant + comment s ’appelle-t-il ? Asia

12 AS Marék

13 E il s ’appelle Marék

La structure ternaire de l’interaction est constamment gardáé : tous les échanges sont lancés et évalués pár l’enseignante qui profité pár ailleurs de la phase d’évaluation (celle-ci référe ici á une correction d’un élément jugé défaillant (énoncé 9), á une confirmation (énoncé 7), ou encore á une rectification (énoncé 11) pour relancer immédiatement un nouvel échange avec un autre apprenant, comme on peut le voir dans les énoncés 7, 9 et 11. Les répliques se succédent á un rythme soutenu et les productions des apprenants, trés bréves, peu élaborées, apparaissent comme des éléments á mettre dans un moule préparé á l’avance pár l’enseignante.

Si ce type de schéma interactionnel semble présent dans de nombreux contextes scolaires (c’est notamment le cas de notre corpus), imperméable en quelque sorté á des méthodes et approches adoptées, у compris celles qui revendiquent le titre de communicatives, c’est que l’asymétrie des échanges et la gestion de la parole pár l’enseignant sont des traits inhérents et constitutifs, bien que implicites, de l’institution. Dans la relation apprenants - enseignant, si l’on en erőit Cicurel (1984 : 55), l’adaptation á l’interlocuteur se fait de fagon automatique :

II est remarquable de constater avec quelle rapidité des apprenants venant á un premier cours de langue étrangere s ’adaptent (c’est nous qui soulignons) á la classe sans en connaitre au préalable le fonctionnement. Généralement, l ’enseignant n’explique pás le mode d’emploi des échanges. II se contente de « fairé la classe » et les participants se glissent spontanément dans le rőle qu’on leur demande implicitement de jouer.

En dépit de són schéma pré-défini, l’interaction en classe de L2 reste une construction sociale (Gajo et Mondada 2000; Matthey 2010; Pekarek-Doehler 2002) et, en tant que téllé, elle offre un cadre á une négociation du sens. L’apprenant est ámené а у chercher des éléments qui alimentent són processus d’acquisition de L2, notamment des données linguistiques et des informations en retour, indispensables pour l’évolution de sa compétence transitoire. Selon Germain (1991 : 108), bien que didactique, l’interaction « génére une construction collective des discours ». C’est dans cette co-construction que dóit s’élaborer une base linguistique et pragmatique pour une réelle compétence de communication en L2.

Dans le fragment ci-dessous, on peut observer comment une apprenante s’éloigne du formát habituel d’interaction pour amorcer un échange non seulement riche, mais aussi équihbré du point de vue de la distribution de la parole.

Extráit 2. ABM/130308/3

1 E écoutez regardons l’exercice un

2 AG la deuxiéme fémmé a encore un probléme parce qu’elle a peur que ses.../

que ses enfants restent...

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3 E elle a peur d’étre séparée de ses enfants alors quand une famille n’a pás d ’argent quand ils sont au chőmage on risque

4 AG la famille recomposée

5 E comment ?

6 AG la famille recomposée

7 E la famille recomposée ? c ’est quoi ? 8 AG quand les parents et les enfants sont séparés

9 E la famille recomposée c ’est plutőt quand une fémmé se remarie

10 AG aussi

11 E aussi mais c ’est une famille avec la mére et le pere

12 AG oui mais la famille recomposée c’est aussi la famille quand les enfants et les parents sont séparés

13 E moi je ne sais pás да je dois vérifier je ne рейх pás dire si c’est vrai 14 AG j ’ai appris да pendant mon cours á l ’Alliance frangaise

15 E alors moi je vais vérifier parce que je sais pás j ’ai pás entendu parler 16 E bon alors regardons qu’est-ce qu’il faut fairé dans l ’exercice numéro un

lisons la consigne

L ’échange de (2) á (15) est une parenthese initiée pár AG qui veut apporter un complément d ’informations référant á une activité qui vient d’étre réalisée en classe.

L’apparition du terme famille recomposée fait réagir l’enseignante et déclenche un échange au cours duquel AG fait valoir ses droits comme un partenaire á part entiére dans la discussion. Elle argumente et défend avec succés sa position d’expert.

L’enseignante, quant á elle, s ’abstient d’user de són autorité pour imposer un point de vue alternatif: elle coopére pleinement et n’hésite pás á confirmer le statut inhabituel de són partenaire (énoncé 15).

3 Q u’est-ce qu’un bon apprenant de L2 ?

Une question cruciale reste á prendre en considération, á savoir celle des comportements propices au déclenchement du processus d’acquisition d’une L2.

Depuis les premieres recherches autour du bon apprenant, menées au Canada dans les années 70 du siécle dernier, la question a souvent été abordée en termes de stratégies. Divers travaux ont eu pour bút d’identifier des stratégies assurant un apprentissage efficace d ’une L2 (Corder 1983 ; Oxford 1990 ; O’Malley et Chamot 1990; Bange 1992 ; Naiman et coll. 1996; Grenfell et Macaro 2007 ; Biedrori 2011; Seretny 2016). Mnémotechniques, stratégies de production et de réception de messages, stratégies de communication, la recherche dans ce domaine en est arrivée á proposer des typologies référant á des réalités fórt variées, allant du fonctionnement de la mémoire au fonctionnement dans le discours.

L’idée était et reste sans doute encore de pouvoir transférer, sous forme d’un enseignement ou d’un entrainement, de bonnes stratégies á des apprenants qui en ont particuliérement besoin, en clair á ceux qui ont connu des échecs et n’arrivent pás á acquérir une L2 de fagon satisfaisante. Le projet n’est pás dépourvu de fondement théorique, notammant avec ce que.l’on sait de la capacité de l’homme d’apprendre á apprendre (Edmondson 1991). Dans cette optique, une bonne stratégie serait transférable et utilisable pár des apprenants de L2 en difficulté. Certains chercheurs

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Sebastian Piotrowski, Quelle dynamique pour les interactions en classe de langue ?

en viennent ainsi á prőner l’introduction d’un entraínement stratégique á l’école (Mystkowska-Wiertalak 2009).

Les résultats obtenus jusqu’ici dans ce domaine sont lóin d ’étre satisfaisants, et cela pour de nombreuses raisons. II páráit en effet illusoire qu’il suffit de doter un individu de bonnes stratégies pour qu’il réussisse dans l’apprentissage d’une L2.

L’acquisition de L2 est d’abord un processus multifactoriel d’une extrémé complexité, s’échelonnant sur une période longue, juxtaposant une variété de contacts et de contextes. Le succés acquisitionnel ne peut donc étre expliqué de fa^on simple et univoque (Pawlak 2011). Les meilleurs apprenants de L2, capables de maítriser plusieurs langues étrangéres á des niveaux trés avancés, sont ceux qui savent adapter, tout au long de leur parcours d’apprentissage, leurs stratégies á leurs besoins (Biedrori 2011). Autrement dit, il n’y aurait pás de stratégies universelles assurant en quelque sorté un succés á tout apprenant de L2, quel que sóit le contexte, la trajectoire ou encore les objectifs de l’apprentissage. II у aurait en revanche des stratégies et des techniques évolutives et ciblées, changeant en fonction des situations, des táches et des interlocuteurs. Devenir un bon apprenant serait alors une entreprise á long terme, demandant une prise de conscience et une prise en compte de nombreux facteurs référant á la fois á l’individu (besoins d ’apprentissage) et á són environnement (enjeux d’apprentissage).

4 Stratégies de communication en classe de L2

En simplifiant considérablement la question, on peut admettre qu’il existe trois fagons de se comporter face á des difficultés émergeant dans la communication en L2 : 1) poursuivre l’activité de fa^on autonómé á l’aide de moyens alternatifs, 2) renoncer á poursuivre l’activité, 3) demander secours (Piotrowski 2013).

La premiere solution est, semble-t-il, la plus bénéfique pour le processus d’acquisition de L2 parce qu’elle consiste á mobiliser différents acquis, á la fois linguistiques et communicationnels, et incite l’apprenant á dépasser ses propres limites. II s’agit la de stratégies de prise de risque, comme la création de mots nouveaux, le recours á des synonymes, á une description, á l’hypéronymie, á l’approximation, etc. Appelées aussi stratégies de réalisation (Faerch et Kasper 1983) ou stratégies d ’élargissement (Bange 1992), de tels comportements mettent au centre non le code, mais la communication. L’apprenant qui у a recours adapte les moyens dönt il dispose á l’objectif poursuivi, tout en acceptant des savoirs incertains, non stabilisés ou encore non vérifiés dans l’interaction.

Des travaux étudiant l’acquisition de L2 pár des migrants en milieu natúréi (Broeder et coll. 1988) rapportent de nombreux cas de tels comportements, c’est-á- dire de stratégies de réalisation des buts de communication. Á l’opposé, en milieu institutionnel, ce phénoméne ne se laisse observer que trés peu, ce qui est dü, semble-t-il, á une forte présence de stratégies scolaires2 dönt l’objectif est d’assurer le minimum de communication, et qui sont donc l’antithése des stratégies de réalisation. Dans notre corpus, des situations oü les apprenants en viennent á

2 Le terme s t r a t é g ie s c o la ir e est de Porquier (1979).

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résoudre des problémes de communication de fagon autonómé sont aussi trés rares.

Dans le fragment ci-dessous, on peut identifier une stratégie de réalisation consistant á insérer (énoncé 4) un élément provenant d ’une langue autre que la L1 ou la L2 en acquisition.

Extráit 3. MK/141108/3

1 OL salut Pauline je suis trés trés fatiguée 2 PL pourquoi qu’est-ce que tu as ? 3 OL j ’ai le bac approcheet да m’angoisse

4 PL ne t’inquiéte pás il faut manger beaucoup de (tf oklet) et il faut rigoler bien beaucoup

5 E il faut rigoler beaucoup

6 PL oui et il faut fairé du sport et sera bien

Gráce au recours á un élément provenant d ’un autre code, PL arrive á dépasser les limites de sa compétence intermédiaire en L2 pour exécuter avec succés la táche qui lui a été confiée. Une téllé stratégie serait sans doute efficace aussi en milieu natúréi, face á des locuteurs natifs de L2, cár PL a mobilisé un item provenant d’une langue largement répandue (l’anglais) et connue de trés nombreux utilisateurs dans le monde.

Une autre solution á adopter, face á des problémes de communication liés á une compétence insuffisante en L2, consisterait á renoncer á poursuivre une activité ou á esquiver une difficulté. Dans nos données, ce type de comportement ne se laisse observer que de fagon sporadique, ce qui peut s’expliquer pár un contröle fórt des interactions pár les enseignants. Dans un tel contexte, l’apprenant ne peut abandonner une táche en cours d ’exécution : une pause, une hésitation ou un silence sont immédiatement interprétés comme des appels á l’aide implicites et provoquent une réaction de l’enseignant, comme dans l’échange ci-dessous :

Extráit 4. MK/12112007/3E

1 E le rugby Martyna s’il te piait la définition 2 MTN dans ce sport chaque... +

3 E chaque joueur

4 MTN chaque joueur (rempli)

5 E remplit

6 MTN remplit un röle précis et rien ne peut se passer sans les (ötre)

7 E les autres

8 MTN les autres ce sport apprend á (travaj) (ekipe) 9 E á travailler en équipe bon

On remarque que MTN prend la parole, mais n’arrive pás á terminer són énoncé (2).

Són hésitation et le silence qui suit déclenchent une réaction de l ’enseignante qui reprend l’élément problématique et relance l’activité. L’interaction est strictement guidée, ce qui ne laisse á l’apprenante aucune marge de manoeuvre : en dépit de sérieuses difficultés de formuládon, MTN dóit mener la táche jusqu’á són terme.

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Sebastian Piotrowski, Quelle dynamique pour les interactions en classe de langue ?

Enfin, une troisiéme solution, face á des problemes liés á des déficits linguistiques, consiste á demander explicitement de l’aide á un locuteur expert (Piotrowski 2016). En classe de L2, ce róle est presque exclusivement joué pár l’enseignant. Dans nos données, demander secours apparait comme la stratégie la plus fréquente et la plus efficace. Dans Г extráit ci-dessous, une apprenante qui tente de fairé un récit, у recourt á plusieurs reprises.

Extráit 5. MK/07112008/3F

1 E alors pourriez-vous me raconter votre accident + Asia

2 AS mám opowiadac ze chodzilam gdzies po górach ? [je dois raconter que j ’ai marché dans les montagnes ?]

3 E alors tu рейх me raconter tón accident ? 4 AS j ’ai visité Zakopane j ’ai eu accident 5 E quel accident tu as eu ?

6 AS j ’ai voyagé dans les montagnes et j(e) tomb(e)

7 E je suis tombée

8 AS je suis tombée

9 E et qu’est-ce que tu t’es fait ? 10 AS et j ’ai eu une entorse á la cheville 11 E

[aider]

oui + + quelqu’un t’a aidée ? aider quelqu’un c’est quoi aider ? pomóc 12 AS j ’ai eu un... jak pomoc jest ? [comment dit-on ‘aide’ ?]

13 E aider chcesz powiedziec ze otrzymalas pomoc? [tu veux dire que tu as regu une aide ?] une aide aide

14 AS j ’ai eu une aide... od ? [de la part de ?]

15 E de qui de

16 AS de beau garzon

17 E d’un beau gargon + qu’est-ce qu’il a fait ? ce gargon

Au début de l’échange, AS veut s’assurer qu’elle a bien compris la consigne (2), plus lóin, elle pose explicitement une question concemant un mot non connu (12), enfin, vers la fin, elle piacé dans són énoncé un élement en L1 avec une intonation montante (14) dans l’espoir d’obtenir un équivalent en L2. Dans tous les cas, l’appel á l’aide est efficace : E apporté les éléments dönt AS a besoin et la communication se trouve débloquée.

L’efficacité de la stratégie utilisée tient au fait que tous les interlocuteurs possédent une L1 commune (le polonais en l ’occurrence). En dehors donc de la classe, dans un autre contexte, face á des locuteurs qui ne connaissent pás la L1 des apprenants, une téllé stratégie n’aurait aucune chance d’aboutir. II s’agit la d’un comportement spécifique qui référe á des stratégies scolaires : les apprenants s’adaptent á la situation pour satisfaire ce qui est requis pár l’institution, sans se soucier de la valeur acquisitionnelle de leur démarche.

Vu les déficits des apprenants au niveau de leur compétence transitoire en L2, demander de l’aide semble logique et entierement fondé. L’avantage du milieu guidé pár rapport au milieu natúréi apparait clairement: en classe, il у a un expert dönt le róle est de porter secours en toutes circonstances. Les modalités de secours

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ne sont pás cependant anodines pour le processus d’acquisition de L2. Si l’objectif est d’acquérir une compétence de communication en L2, un recours systématique á la L1 pour pallier les insuffisances (p. ex. les déficits lexicaux) n’est pás fondé. Une téllé démarche exonere en effet l’apprenant de l’obligation de chercher des Solutions altematives, de puiser dans són répertoire et d ’élargir ses ressources.

5 Envie de communiquer en L2

Un recours relativement important á la L1 ne peut s’expliquer que dans le contexte d ’une certaine culture éducative qui admet, sinon promeut ce type de comportements. Les séquences de communication avec une forte présence d ’éléments provenant de L1 se déroulent en principe sans accrocs, comme s’il existait un contrat didactique implicite sanctionnant ce mixage de codes. S’agit-il la d’une solution de facilité unanimement approuvée pár les apprenants ? Certains échanges, bien que peu fréquents, démontrent le contraire. On у voit des apprenants prendre des initiatives pour communiquer dans la langue cible, alors que la dynamique interactionnelle pousse vers l’emploi de la langue source, comme dans le fragment ci-dessous.

Extráit 6. MK/08112007/3E

1 KAM oui je viens tu viens il elle vient nous venons vous venez ils elles viennent 2 E oui c ’est trés bien et qu’est-ce que vous ajoutez ? venir plus ?

3 Ax de

4 E de plus ?

5 Ax infinitif

6 E infinitif

7 E alors dites en frangais wlasnie zrobilam cwiczenie [je viens de fairé un exercice]

8 E Michal nie spij [ne dors pás]

9 MIB je ne dors pás 10 E tu ne dors pás ?

11 MIB non

12 E si si

13 MIB je viens de fairé mon exercice

14 E oui trés bien je viens de fairé mon exercice

L ’activité qui se déroule est fortement métalinguistique (formádon et emploi du passé récent) et peu propice á une communication spontanée. Et c’est dans ce cadre qu’apparaít une remarque - sans rapport apparent avec l’activité en cours - adressée pár l’enseignante á un des apprenants (8). La remarque est formuláé en L l, la réplique est en revanche donnáé en L2 (9). Le comportement de MIB défie donc en quelque sorté la logique de l’interaction. Alors que la remarque de l’enseignante ouvrait un espace pour communiquer en L l, il choisit de són plein gré de répondre en L2. Bref, mais authentique, cet échange montre que les apprenants n’hésitent pás á revendiquer leur droit de communiquer en L2.

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Sebastian Pi o t r o w s k i, Quelle dynamique pour les interactions en classe d e langue ?

Remarques conclusives

La reflexión autour de l’importance de la communication dans le processus d’acquisition de L2 dóit prendre nécessairement en compte la réalité des classes de L2. Or, celle-ci reste toujours relativement peu connue. Force est de constater que bon nombre de propositions didactiques relévent de l’intuition et ne prennent en compte que de fagon trés générale (p. ex. les résultats au baccalauréat) les modalités réellement mises en piacé de l’enseignement/ apprentissage de L2.

Les pratiques didactiques évoluent lentement et se renouvellent nettement moins vite que les méthodes, approches ou manuels de L2. Alors que nous vivons apparemment dans le post-communicatif (dans l’actionnel, diraient certains didacticiens), nous savons trés peu de chose sur la maniére dönt ont été mises en piacé les approches communicatives. Ainsi l’impact des activités de communication - telles qu’elles se font dans des classes de L2 - sur l’acquisition de L2 a été relativement peu étudié. Or, une recherche expérimentale, menée dans des conditions contrőlées, ne peut apporter que des réponses bien partielles et peu en phase avec le vécu d’une classe de L2. Une recherche basée sur des analyses d’interactions de classe, ne füt-ce que pour jeter de la lumiére sur la relation communication en L2 - acquisition de L2, reste en grande partié á fairé.

Au terme de ce bref parcours, et en prenant en compte nos analyses, nous nous proposons d’avancer quelques pistes de réflexion concemant la construction et la dynamique de Finteraction en classe de L2 :

■ inciter les enseignants á sordr du röle d’un dictionnaire ambulant3, et réduire donc la part de L1 dans la communication en classe de L2 ;

■ modifier le rituel communicatif, s’affranchir du formát interactionnel habituel, pour permettre une communication plus stimulante et authentique ; celle-ci, comme on a pu le voir, peut parfois apparaítre sous forme de séquences latérales, de digressions, en marge du flux principal de Finteraction;

sensibiliser les acteurs du processus d ’enseignem ent/ apprentissage au fait q u ’un bon apprenant est célúi qui évolue, qui s ’adapte et qui recherche activem ent des Solutions alternatives pour com m uniquer non en degá, m ais au- delá de se s capacités.

Un iversité Cath oliq uede Lu b l in

professeur adjoint sepio@kul.pl

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