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Histoire de l'Esprit Public en France, depuis 1789 des causes de son alteration et de sa decadence

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CHAPITRE I I I .

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Louis XVIII. — Ce prince pousse jusqu'au cynisme son mépris pour la pudeur publique. — Stupide aveugle- ment. — Hypocrisie. — Rapacilé. — Tous les principes de droiture et d'honneur sont foulés aux pieds par la royauté légitime.

Cependant la politique de Louis XVIII eut un moment.les honneurs de la mode.

On convint d'admirer la haute sagesse d'un prince qui venait sceller la paix entre les plus malhonnêtes gens de son royaume,

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et se chargeait lui-môme de prouver qu'il n'y avait rien de plus indifférent aux yeu$

du chef de l'État que la trahison ou la fidé- lité. On se prit d'un bel enthousiasme pour les raffinements de sa mauvaise foi, pour sa manière de tromper les plus habiles , pour cet immoral système de bascule qui consistait à se servir ou plutôt à se jouer de toutes les opinions. Et l'on trouva encore des éloges pour cette manie de bel esprit qui ne sut jamais épargner ni une épi- gramme à la vertu ni une insulte au dé- vouement.

Mais ce n'était pas seulement dans l'in- térieur dé son palais, en versant à ses maréchaux le vin de Vermouth, qué Louis XVIII aimait à tourner en ridicule les puritains de la république ou les hommes

bien pensants de la Vendée, c'est-à-dire les seuls honnêtes gens qui conservassent une foi politique. Il avait fait toute sa vie pro- fession d'insulter la religion des partis ; et

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l'on en trouve une nouvelle marque pu- blique dans l'humiliante amnistie dont il flétrit à son retour de Gand ceux qui ve- naient de se dévouer à la cause royale. Or, ce fut sans doute encore par des motifs de compensation, et pour qu'un parti n'eût rien à envier à l'autre, qu'on le vit tout à coup donner comme pendant à cette san- glante ironie la condamnation du maréchal Ney, que tant de gloire recommandait à la clémence royale, et que devait protéger avant tout le traité de Paris, si lâchement méconnu.

A la vérité, Louis XVIII, pour diminuer l'horreur d'une pareille sentence, se dé- fendait d'avoir signé la capitulation de Paris. Mais cette excuse, si mauvaise qu'elle soit, ne porte encore que sur une odieuse fourberie. Car, puisqu'il faut qu'on le sacbe , lorsque les alliés, après la défaite de Waterloo, menaçaient de détruire nos ponts et nos arcs de triomphe, ce fut par

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une note écrite de la propre main du roi, et qui invoquait les clauses favorables de la capitulation, que se trouva paralysé leur mauvais dessein. Or, celte pièce qui ren- fermait une ratification formelle du traité et qui devait sauver la vie du maréchal, il ne s'agissait plus que de la présenter à ses juges, quand on apprit que par la faiblesse même de celui qui en avait fait usage, autant que par la perfide adresse de Louis XVIII, elle était déjà rentrée dans les mains de son royal auteur1. Est-ce donc en recourant à de pareils moyens qu'un prince s'ima- gine donner l'exemple du profond respect que l'on doit à la morale publique , sans laquelle il n'y a ni rois, ni empires, ni na-

tions? . . . ·

Et comme si cette époque n'eût point

1 C'est là, d u reste, le fameux secret qui jadis afaittant de bruit à la tribune, et dont certain député se plaisait à menacer la Restauration, quoique, dans l'intérêt de son : propre honneur, il d û t être lui-même peu jaloux de le di-

vulguer. . '

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amassé déjà assez de honte sur le trône, il faut qu'elle donne aussi le spectacle d'un monarque impotent joignant à la perver- sité naturelle de son caractère la perver- sité plus dégoûtante encore de ses mœurs.

Louis XVIII, presque moribond, étale, au milieu de ses hideuses infirmités, le faste d'une débauche royale; et, croyant appa- remment se venger de la nature en l'ou- trageant, il se plonge dans toutes les dis- solutions, et fait revivre en lui ces vices infâmes qui souillèrent la couronne sur le front de Henri 111. Du reste, même abus des choses saintes, même mélange de vo- luptés et de pratiques superstitieuses : femmes et mignons , complots et con- fréries sont encore là, et il ne manque au podagre monarque que de pouvoir suivre les processions et courir les rues avec de nouveaux flagellants. Arrêtez un momént vos regards sur la sacrilège dévo- tion de ce prince, et vous verrez avec

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quelle facilité d'hypocrisie il sait tour à tour enrichir l'Église et doter ses favoris, dresser des autels expiatoires et bâtir des palais à ses maîtresses. Gros en peint les salons et les voluptueux boudoirs en même temps que la coupole de Sainte-Geneviève;

et une Bible ornée de vignettes par Isabey fournit au prince l'heureuse occasion de couvrir de billets de banque les pieux des- sins dont il a lui-même donné le sujet.

Louis XVIII engloutit ainsi dans de hon- teuses prodigalités les trésors de l'État ; et il laisse en ruines les villages de la Vendée, et il dénie à nos vieilles bandes de Wagram et d'Austerlitz le prix de leur sang versé sur le champ de bataille1.

Cependant, il était réservé à la restaura -

" C'est u n fait que M. de Blacas a emporté de France plus de vingt millions, et qu'une dame assez fameuse de ce temps-là en a reçu pour le moins une douzaine. E t cette femme touchait en outre une pension de 40,000 fr., tandis que l'on donnait à la veuvede Bonchamp 1500 fr., et 300 fr. à celle de Cathélincau.

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lion d'aller encore plus loin, et de dépouil- ler jusqu'à la pensée révolutionnaire de ce qu'elle avait de grand et de noble. On ne demande pas mieux que de consacrer les violences et les spoliations de la révo- lution , pourvu que la révolution à son tour abjure ses intérêts moraux; c'est-à- dire les sentiments de patriotisme et de liberté qui peuvent seuls racheter le souve- nir de tant de crimes et de malheurs. Tous les moyens sont pris dès lors pour tourner l'esprit de la nation vers les intérêts maté- riels. Pour lui donner le changé, on la porte à l'agiotage, oh l'excite à d'infâmes spéculations * on la fait avide, trompeuse, rampante. Or i cette politique ne pouvait être que celle de Louis XV11I, et c'est à sa cour aussi qu'il faut chercher les premiers s exemples d'une cupidité effrénée qui en-

trait si bien dans les desseins du pouvoir et dans son odieux système de corruption et d'avilissement.

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Jamais on ne vit partir de si haut le si- gnal du pillage, ni la soif de l'or éclater dans des rangs si élevés. Tout devient oc- casion de fortune et source de richesses pour des hommes que ne guide plus le sentiment de l'honneur. Ils vendront in- différemment les charges, les distinctions, les récompenses ; ils feront payer des droits à la prostitution, et s'assureront un revenu sur la ferme des jeux. Et le chef de l'État, touché des progrès de sa conci- liante politique, pourra verser encore des larmes de joie en apprenant l'heureux ac- cord qui régné entre les courtisans de l'an- cien et du nouveau régime au partage des pots-de-vin et des gratifications de police

1 Un très-grand seigneur de l'ancien régime recevait d'un ministre favori de Louis XVIII, toujours en crainte de quelque disgrâce, 100,000 francs par an pour espion- ner le foyer royal. Et nous trouvons d'ailleurs des ducs et des généraux de l'Empire inscrits sur les listes secrè- tes des pensionnaires d e l à Restauration, et gratifiés de sommes énormes, Dieu sait à quel titre !

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Nous ne pouvions manquer de recueillir bientôt les tristes fruits de cet esprit de rapine et de brigandage qui déshonorait-le pouvoir; e t , en effet, c'est à la corruption même du cabinet de Louis XYIII qu'il faut rapporter la première cause de notre rup- ture avec le dey d'Alger, et par consé- quent cette guerre affreuse qui depuis dix ans engloutit en Afrique le sang et les tré- sors de la France. A la vérité , ce fut sous

Charles X que notre consul reçut du dey le coup d'éventail qui nous brouilla; mais ce soufflet ne fut point donné sans motif, et depuis longtemps le gouvernement le méritait sur sa joue. Plus corsaires et plus pirates que les Barbaresques eux-mêmes, nos hommes d'État, après avoir d'abord essayé de tromper le dey sur l'évaluation des sommes que nous lui devions , finirent par se faire un cas de conscience de payer

un infidèle, et trouvèrent qu'il valait mieux partager en bons chrétiens les millions

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qu'on lui destinait. De là le premier mou- vement de colère du dey, et pour nous la nécessité de le châtier.

Ce que l'on peut imaginer de plus in- fâme dans la vie de ces hommes cupides ne les empêchait pas toutefois de donner l'exemple, de se montrer gens pieux et bons dévots, de courir les processions et les prédicateurs. îls savaient également mener de front les petites affaires de bourse et l'importante affaire du salut. Grands planteurs de croix, disciples zélés des missionnaires, ils délivraient eux-mêmes brevets d'orthodoxie et patentes de sain- teté. Jamais on ne vil à la fois tant de scru- pules de conscience et tant d'audace à se saisir de la fortune publique. C'était à qui ferait les plus longs jeûnes et obtiendrait les plus riches emplois; à qui ferait la plus humble génuflexion et parviendrait le plus vite aux honneurs. Çt voilà comme la res- tauration cherchait à nous ramener à la

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foi, et prétendait fermer en France l'abîme des révolutions !

C'est qu'il est aussi par trop révoltant de voir des hommes parler sans cesse d'une autre vie pour s'emparer plus com- modément des biens de celle-ci. C'est que maintenant on ne saurait plus s'habituer à faire dépendre la fortune de l'État de cette race de grands seigneurs dégénérés, q u i , perdant chaque jour de leur taille aristocratique, ont fini par n'être plus que des nains vaniteux et ridicules. Ne sem- blerait-il pas que Dieu lui-même, après les avoir autrefois placés au-dessus des peuples comme un ornement, ne leur ait voulu rendre dans ces derniers temps l'é- clat des dignités que pour nous montrer ce que peut devenir la grandeur destituée de vertus et de sentiments.

Enfin , comme si elle craignait de n'ar=

river pas assez vite au chaos, la restaura- tion étend jusque sur les lettres son s^s*

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tème corrupteur, et nous donne celte nouvelle école littéraire si bien dressée au mépris de la gloire nationale, si ingénieuse à dégrader l'art, si habile à avilir tous les sentiments. C'est, en effet, aux jours mêmes de l'invasion qu'il faut placer le berceau d'une école qui fit si longtemps trophée de nos désastres et de notre honte.

On ne peut taire ses premiers chefs-d'œu- vre, non plus que son origine. 11 faut bien que l'on sache comment a grandi sur les genoux de la police, à l'ombre de sa puis- sante protection, cette bande d'écrivains mercenaires fêtés, pensionnés et décorés pour dépraver l'esprit et les mœurs.

L'influence de cette école a été prodi- gieuse. Du moment où elle paraît, le style se corrompt, la langue s'altère , les lettres perdent leur dignité. Toute une génération s'accorde à dédaigner les grands maîtres, à proscrire le.noble etlebèau, comme pour se donner, le plaisir de retourner à l'en-

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fance de l'art. C'est le vice dans toute sa grossièreté, c'est l'enflure et la bassesse, du style, que l'oii vient applaudir sur la scène où régnèrent Corneille et Racine.

Et sans doute que cette rapide corruption du goût n'est pas un des symptômes les moins graves de notre décadence. II faut que le caractère national se soit déjà bien effacé pour que l'on endure de pareilles profanations, pour qu'on les subisse sans paraître même s'en offenser. N'est-ce donc pas montrer clairement que l'ignorance et la sottise ont déjà forcé la main à l'opinion publique ?

L'école romantique méconnaît un des plus magnifiques attributs de l'intelligence humaine, cette noble faculté de l'homme, par laquelle il sait encore rehausser de l'é- clat de son génie les propres beautés de la * nature. Elle ne l'ait aucun cas de la puis- sance créatrice de l'idéal, elle nie celte

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verve du sublime qui enfante les belles ac- tions comme les beaux vers, et imprime à toutes nos œuvres un caractère divin.

Pour rester dans le vrai, l'école roman-, tique veut que l'artiste copie servilement, entassant péle-mêle tout ce qu'il rencontre sous sa main, bon ou mauvais, ignoble ou gracieux. Encore donne-t-elle la préférence à ce qui peut généralement révolter le goût et la raison. Ce serait un crime à ses yeux de croire qu'il nous ait été donné d'em- bellir par les prestiges de l'art cette riche et puissante nature, dont elle ne voit pas que notre imagination est encore la plus rare merveille.

Que notre époque s'attache à nier le beau idéal, je le conçois. La haute poésie, fille du ciel, ne s'allie guère aux misérables spéculations de l'intérêt. On perd toujours avec ses sentiments généreux la faculté de les exprimer dignement. Les mœurs, les

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arts, le caractère, tout se tient'dans une nation : il ne se fait de grandes choses qu'où l'esprit public veille sur le goût et l'empêche de s'éteindre.

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