• Nem Talált Eredményt

Le XVIIIе siecle dans les dissertations scolaires d’un lycéen fran^ais (1894-1902)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Ossza meg "Le XVIIIе siecle dans les dissertations scolaires d’un lycéen fran^ais (1894-1902)"

Copied!
9
0
0

Teljes szövegt

(1)

Le XVIIIе siecle dans les dissertations scolaires d’un lycéen fran^ais (1894-1902)

C est á la rentrée de 1894 que le lycéen en question, qui ne s'appelle pás encore Jean-Richard, mais simplement Jean Bloch, entre en 6e « au beau lycée Condor- cet », comme il lecrira non sans fierté dans un devoir sous forme de lettre á un camarade provinciái, supposé éleve au lycée de Nantes1. Ses études secondaires, il les terminera dans l’année de la réforme de 1902. La derniére décade du siecle est précisément celle de l’organisation de l’enseignement secondaire moderné, en pleine transformation depuis 1880, en ce qui concerne notamment l’enseigne- ment littéraire1 2. Ce qui change radicalement pár rapport á la tradition séculaire, c ’est le statut de la rhétorique en tant qu’apprentissage littéraire3 : « Tart decrire cesse detre l’objet principal de lenseignement littéraire » :

... les éleves continuent d’étudier La Fontaine ou La Bruyére, mais ils n’ont plus l’occa- sion de les imiter, puisquon ne leur demande plus decrire des fables ou des portraits, mais des dissertations portant sur la fable ou le portrait, lesquelles ne doivent pás étre écrites dans la forme de leur objet4.

La rhétorique traditionnelle entendait initier les éleves aux genres littéraires qu’un manuel en usage dans la jeunesse de Flaubert énumérait ainsi5 : « fables,

1 Un grand nombre de dissertations scolaires de Jean-Richard Bloch sont conservées au Fonds Bloch de la Bíbliothéque natíonale de Francé, t. XXXVI, Dissertations et poésies de jeunesse (682 ff.). Le devoir est daté du 24 décembre 1894 (ff. 1-2).

2 Voir sur ce sujet l’ouvrage remarquablement documenté de MASSOL, Jean-Fran^ois, De l’insti- tution scolaire de la littératureJranfaise (1870-1925), Grenoble, ELLUG Université Stend- hal, 2004.

3 Cf. GENETTE, Gérard, « Rhétorique et enseignement » (1966), in Figures II, Paris, Édi- tions du Seuil, [1979], p. 23 -4 2 .

4 Op. cit., p. 29. Dans le cadre de la réforme du secondaire, le franqais, l’histoire et la géogra- phie deviennent des matiéres d’enseignement á part entiére comme les langues vivantes et les Sciences. Avec la suppression des vers latins qui ne seront pás remplacés pár les vers fran^ais, comme du discours fran^ais,« le développement pour lui-méme de lenseignement du frantpais aboutit á la mórt de la rhétorique », constate á són tour J.-F. Massol (Op. cit., p.

37). C ’est lenseignement du fran<;ais dans les classes de franc^ais qui explique l’adjonction du mot aux termes devoir, exercice, dissertation, ce dernier n’ayant pás encore, du moins dans les classes de college, la fonction dönt parié Genette. Tous les devoirs se font en prose et en classe de seconde professeurs et éléves ont á leur disposition des morceaux chosis de prosa- teurs et de poétes des XVIе ; XVIIе, XVIIIе et XIXе siécles (MASSOL, Op. cit., p. 3 7 -3 8 ).

5 Cité pár GENETTE, Op. cit., p. 26.

(2)

Tivadar Go r ilo v ic s

narrations, discours mélés de récits, lettres, portraits, paralléles, dialogues, déve- loppement d’un m ot célebre ou d’une vérité morálé, requétes, rapports, analyses critiques, éloges, plaidoyers ».

Or, dans les années detudes de Jean-Richard Bloch cette pratique, non exempte de régies pédantesques, est maintenue pour l’essentiel dans les classes de college et parfois mérne au-delá6. Quelques exemples parmi d’autres : « Dis­

cours de Dión Chrysostome aux légions de Scythie révoltées », exercice classi- que s’il en fut, en date du 11 juillet 1898 (ff. 3 4 -3 7 ) - « Trait de caractére d’un Romain », ff. 5 7 - 5 9 (histoire du général Fulvius), 31 octobre 1898, Bloch est en classe de seconde - Un « développement» sur la montagne et la plaine « au point de vue physique, esthétique et utilitaire » (f. 85), 2 février 1899 - Saint-Simon supposé écrire en 1715 une préface á ses futures Mémoires, 27 décembre [1901], ff. 2 9 7 -3 0 0 - « Lettre de Desmoulins á un ami de province - sur le M ariage d e Figaro », 16 mai 1902, Bloch étant en classe dite de Rhétorique Supérieure (ff. 3 2 3 -3 2 5 ). Ce qui explique la condamnation sans appel que celui-ci a portée sur les professeurs de rhétorique dans une note qui date de 1900 et qu’il a eu sóin de garder pour lui-méme (XXXVI, f. 5 6 4 ):

Pédants de l’ancienne sottie vous netes pás morts ! Sots grecs de Moliére, о Trissotin, о doux Vadius, Thom as fils de Diafoirus, pére de petits Diafoirus, о vous tous, pédants Basiles, pédant La Harpe, pédant Guizot, pédant Nisard, vous netes pás morts ! vos fils vivent encore, et vos petits-fils, pleins du mérne sang, vides du mérne sens, gras de textes, maigres d’esprit, mérne chair, mémes os, mémes cránes, la viande de votre viande, fils obéses de vos femmes échalas, les professeurs de Rhétorique !

II nem péche que la fonction de la vieille rhétorique en tant qu’initiation á l’art decrire a pleinement joué chez le lycéen de quatorze ans qui écrivait déjá pour són plaisir et révait dans sa solitude de sa future vocation d’écrivain, comme en témoignent les réflexions consignées dans sa dissertation frangaise du 21 octo­

bre 1898 (ff. 5 2 - 5 3 ) :

Les lettres, de quelque cőté qu'on les voie, sont l’étude de la natúré humaine et de l’homme. [...] Ces études, les plus belles qui existent [...] occupent l’esprit sans re- láche ; elles le poussent á un examen réfléchi de tout instant, á des efforts continus.

[...] Quel noble bút que de setudier, d’étudier tout ce qui vous entoure, et dessayer de communiquer aux autres ses réflexions. Cár, quelque forme que prennent les ceuvres littéraires, le fond reste et restera toujours le mérne. On comprend donc comm ent elles occupent constam m ent l’esprit [...] Comment, dans les longues veilles, ou il est obsédé pár les miile pensées qui naissent toujours dans la nuit, quand, lassé pár de récents travaux, il n’a pu encore trouver dans le sommeil le repos réparateur, les étu­

des littéraires [sont], pour ainsi dire une détente morálé. [...] Quel plaisir aussi Гоп a, soi-méme, de transcrire ses impressions, de voir ses pensées prendre la forme qu’on

6 J.-F. Massol insiste sur le caractére progressif, voire les lenteurs de l’application, dans les classes, des réformes du secondaire (Op. cit., p. 22).

(3)

veut leur donner. Peu á peu, l’esprit, captivé, n’est plus obsédé pár les noires images qui rassaillent7.

On a plus d’une fois l'impression qu’on a affaire á un écrivain en herbe qui, tout rempli de réminiscences littéraires mais aussi de sensations réellement vé- cues, profité de certains sujets de devoir pour se fairé la main, comme c est le cas avec « Les Ruines » (ff. 1 0 1 -1 0 2 ), rédigé en mars 1899 et qui fait penser sinon á Volney, du moins á l’auteur consacré de manuels que fut Chateaubriand. Parler de la poésie des ruines, améne notre lycéen á évoquer le Parthénon et, plus parti- culiérement, les arenes de Paris, ce qu’elles représentent « au milieu de notre vie active et vaine ».

Quoi de plus saisissant que ces mornes restes d’un ágé passé qui se dressent encore dans les villes modernes ? Ces ruines me font l’effet d’un solitaire qui viendrait établir són ermitage en plein milieu de Paris.

Et maintenant va t’asseoir sur ces ruines quand le soleil se leve ou quand le jour est á són déclin, у reste quand la nuit tombera, et reviens me dire si une émotion poignante et inaccoutumée ne t’a pás saisi tout entier !

Comme le fait observer Genette : ces « exercices pratiques de littérature » permettaient « chez les plus doués, un passage insensible des derniers exerci­

ces scolaires aux premieres oeuvres »8. C ’est aussi le cas de Jean-Richard Bloch.

II existe dans notre corpus un devoir fran^ais, du l er juin 1900, sous forme de dialogue portant sur une sentence de Voltaire : « Le bút de la vie est l’action » (ff. 1 9 1 -1 9 4 ). Bloch est alors en Rhétorique B. C est un dialogue entre Cicéron et Diogene que són professeur a apprécié en des termes flatteurs (« D’un tour parfois assez vif, agréable. »), en lui accordant 15 sur 20. Ce dialogue, avec une exergue modifiée (« L’action dóit étre le bút de la vie »), sera remis sur le métier dans l’intention manifeste de l’améliorer au point de vue de la composition et du style9.

Dans un devoir remis le 27 mars 1899 (« De quel genre sont les livres quon dóit emporter en vacances »), féleve Bloch a donné la priorité, comme on pou- vait s’y attendre, aux « auteurs classiques du XVIIе et du XVIIIе siécles ». Ce qui frappe pourtant dans ses dissertations scolaires, quand on compare la part qu’y détiennent respectivement le XVIIе siecle, d’une part, et le XVIIIе d’autre part, c ’est le prímát des sujets tirés de la littérature ou de l’histoire du Grand Siecle.

7 Les deux dernieres phrases sont marquées sur la marge d’un point d’interrogation du pro­

fesseur qui dévait les trouver déplacées dans un devoir scolaire, ne comprenant pás ou ne voulant pás comprendre qu’il vénáit de lire une confidence.

8 GENETTE, Op. át., p. 26.

9 Le texte en est conservé, á tort, me semble-t-il, dans le t. XVIII des CEuvres (CEuvres ina- chevées. Fragments autographes et dactylographiés), Fonds Bloch de la BnF, ff. 6 5 -6 6 .

(4)

Tivadar Go r ilo v ic s

Á titre d’exemples, mentionnons « La prise de Dole. Lettre de Mme de Sévigné á M me X m » (ff. 1 0 4 - 1 0 6 ) ; « Quel satirique Boileau vous semble-t-il étre ? » (f. 1 0 7 ); « Le théátre de Corneille est une école d’héroisme » (f. 1 2 3 ); « Racine et Port-Royal. Conversation de Boileau », 2 juin 1899 ; « discours frangais » :

« Louis XIII á Gaston d’Orléans, 1632 », 12 janvier 1900 (ff. 1 6 0 -1 6 2 ); disserta- tion sur les trois unités (ff. 169-173).

Pour ce qui est du XVIIIе siécle, il apparait dans ces devoirs frangais sous un éclairage fórt partiéi et qui n’en montre pás vraiment le cőté ou l’apport pro- prement littéraire. Suivant une pratique pédagogique qui na rien perdu de sa vigueur á la fin du X IX е siecle, on met volontiers les auteurs classiques au service de leducation morálé, com m e il ressort de la « Lettre de Jean-Jacques Rousseau á un jeune hőmmé qui, á són image, épris de l’état de natúré, voulait se retirer dans la solitude, lóin de la société des hommes » (20 avril 1899, ff. 11 5 -1 1 7 ). Léiévé Bloch, qui se fait alors probablement l’écho de l’enseignement de ses maitres, se charge de len dissuader en ces termes :

En ce m om ent, monsieur, vous étes dans la force de lage ; vous vous devez á vos sem- blables, quelque méchants qu’ils so ie n t; vous vous devez á vos parents, et célúi qui ne remplit pás ces devoirs, les plus sains de tous, est plus criminel qu’un sacrilége.

Certes, en développant le sujet « II est des livres quon aime á lire » (f. 103), Bloch cite lexemple de Lesage, associé á célúi d’Anatole Francé, admiré pour són esprit et són style : « Quelle délicate jouissance ne cause pás la lecture d’un livre fin, spirituel et enjoué comme ceux de Lesage, comme certains d’Anatole Francé », sans citer cependant un seul titre. Dans la thématique des devoirs sco- laires, des écrivains tels que Montesquieu, Marivaux, l’abbé Prévost ou Diderot n’existent pour ainsi dire pás, sans quon puisse affirmer pour autant qu’ils n’en- traient pás dans celle de l’enseignement órai. Mais en tant que romanciers, ils n’étaient certainement pás donnés en exemple, á en juger du moins pár la fagon dönt Bloch répond dans un devoir frangais du 17 mars 1899 (ff. 1 0 8 -1 1 0 ) á la question « Que faut-il penser de la lecture des romans ? » Si le román médiával у est apprécié, á cette réserve prés que ces romans deviennent « fatiguants » « á la longue », il n’en va pás de mérne du román précieux du XVIIе siécle, rejeté sur la fői des maitres, sinon á partir de l’image caricaturale qu’en donnent Les Pré- cieuses ridicules. Le premier romancier frangais nommément cité est le Victor Hugó des M isérables, type du « román social », « un genre trés élévé et qui mu­

ciié á tout ce qui intéresse l’humanité », oeuvre d’un esprit « éminemment supé- rieur » : « C est le “román universel”, dönt la lecture éléve á la fois le coeur, l’áme et la pensée. Cependant l’incohérence qui semble résulter de l’immensité de cette conception, peut dérouter et brouiller un esprit un peu superficiel. » Á propos du román d’aventure, allusion est certes faite dans ce mérne devoir au « román d’un ordre beaucoup plus élévé, qui a pour bút de fairé le tableau des moeurs, des passions ». On ne risque guére de se tromper en mettant un nőm derriére cette

(5)

assertion, célúi de Balzac dönt les romans attendent encore d’entrer dans les pro- grammes. Comme en général ceux des romanciers du XVIIIе siecle10 11.

Parfois, c est pár le détour d’un devoir qui ne touche qu’indirectement á la littérature que téllé oeuvre narrative du XVIIIе siécle - il s’agit en l’occurrence des contes de Voltaire - est mentionnée, visiblement en connaissance de cause. Dans le devoir en question, du 9 décembre 1898, sur « Les Livres illustrés » (ff. 6 9 -7 0 ), on peut lire :

Une illustration ne peut étre bonne qu’autant que le dessinateur aura compris le texte qu’il dóit illustrer. Avant donc qu’il exécute són dessin, il faut qu’il ait lu attentive- ment louvrage, qu’il s’en sóit imprégné, qu’il découvre la vraie pensée de l’auteur. [...]

Une autre condition nécessaire pour qu’une illustration sóit bonne, c'est sa qualité matérielle. II faut qu’un dessin parié aux yeux, qu’il sóit net et clair [...] Mais surtout la facture du dessin dóit étre bien en rapport avec le genre du morceau á illustrer. Est-ce quelque chose de délicat, de charmant ? Que le crayon du dessinateur sóit fin, láger, que ses couleurs, s’il у en a - s’harmonisent agréablement, et que le tout sóit aima- ble et gracieux. C ’est dans ce genre doux et élégant que s’est immortalisé Watteau.

Ou bien, si l’on veut illustrer un ouvrage dans le genre des contes de Voltaire, il faut donner une gráce vive, légére et moqueuse11.

Á lire cet éloge des contes philosophiques auxquels leur auteur attachait si peu d’importance, on ne peut s’empécher de penser á l’auteur dramatique et au poéte épique que fut Voltaire et dönt on ne trouve la moindre trace dans nő­

ire corpus. Une explication en est donnáé, indirectement, dans une méditation (XXXVI, f. 564.) qui, sans prendre la forme d’un devoir scolaire, constitue une sorté de témoignage complémentaire. Elle date probablement de 1901 et traite d’un vieux probléme de l’évolution interné de la littérature franchise.

- Qui est-ce qui a dit que la Francé n’avait pás le génié épique ? Elle a Rabelais. Elle a L a Légende des Siécles. Elle a les Burgraves. Elle a Zola. Tout cela fait des poétes épiques, mais cela ne fait pás une épopée. [...] Le vrai ágé, ágé fórt et puissant, l’áge de séve naturelle et vigoureuse d’un peuple est célúi des grands palais et des grandes épopées. [...] La Francé a cela d’universel qu’elle n’a jamais eu deg ra n d hau t ni de bas.

Shakespeare et Goethe, Job et Hőmére ne sont point pour naitre sur són s o l: Moliére est d’un horizon plus humain ; je ne dis pás moins profond, mais plus commun, autre.

Pás un fran^ais n’a vu au -d elá ; surtout pás Hugó.

10 J.-F. Massol note á ce propos (Op. cit., p. 2 3 ): « C ’est au cours du XIXе siécle que le román va conquérir progressivement són statut actuel de genre majeur : d’un point de vue insti- tutionnel, la création de l’académie Goncourt lui assure une légitimité que les classes de fran^ais, de lettres surtout, mettront un certain temps á reconnaltre. »

11II va de sói que ces devoirs sont corrigés et commentés pár le professeur. Je citerai á titre d’exemple l’appréciation qui accompagne célúi que je viens de cite r: « Mélange d’assez bon- nes idées, dönt vous ne profitez pás suffisamment. Vous vous appesantissez trop, ou pás as- sez, trop rapidement. II у a ici des erreurs, la des réflexions justes. Soyez plus égal dans le fond et la forme. » La phrase sur Watteau, pár exemple, a été barrée, jugée étrangére au sujet.

(6)

Tivadar Go r il o v ic s

L’auteur de la H enriade, si copieusement cité dans Les Figures du discours de Fontanier, est donc complétement ignoré. Comme du reste l’auteur de Zaire, ce drame qui fut un triomphe dans són temps. Seul le poéte « moqueur » a échappé á cette critique pár le vide á la faveur d’une vue densemble du lyrisme franqais que nous allons précisément aborder á l’instant.

Ce n’est pás un hasard si la dissertation de type lansonien, au sens d’exposé sur un sujet relevant de l’histoire littéraire, ne fait són apparition dans les travaux écrits de Jean-Richard Bloch que vers la fin de són cursus scolaire. On possede le texte (le brouillon ?) d’une dissertation non corrigée, portant sur « Le lyrisme en Francé avant l’école Romantique », datée du 20 avril 1900 (ff.

183

-

184

.) . Le tón, la démarche change du tout au tout. La question de d ép art: « En quel sens et dans quelle mesure peut-on dire que le lyrisme ait été [sic] inconnu en Francé avant lecole romantique ? »

Le Lyrisme, diront les classiques, le lyrisme est une poésie élevée, noble, majestueuse, planant au milieu des dieux de l’Olympe, faisant appel aux plus hautes images pour rehausser són é c la t.» En ce sens, les Lyriques seraient Malherbe, Boileau et Jean- Baptiste Rousseau ; le modéle est Pindare. - Le Lyrisme, diront les romantiques, le lyrisme est une poésie subjective, calme ou passionnée, douce ou furieuse, mélanco- lique ou riante selon les sentiments ou la natúré du poéte. Le Lyrisme est une poésie qui emprunte toutes les formes, toutes les images pour rendre plus précisément les mouvements de 1 ame ; ce sont les Contemplations de V. Hugó, les Méditations et les Harmonies de Lamartine, c est Musset tout entier.

Cette dissertation distingue « en Francé deux renaissances littéraires », « la premiere, la plus importante, la plus féconde » « que Гоп est convenu de décorer du nőm de Renaissance, au X V Iе siécle » - « la seconde, plus bruyante, moins profonde peut-étre mais qui a été d’un trés grand poids dans le développement intellectuel et politique de notre pays, au X IX esiécle. » Suit l’éloge des « trois plus grands poétes que la Francé ait jamais produits avec La Fontaine : V. Hugó, La­

martine, A. de Musset. » Apres avoir caractérisé en termes critiques leur poésie, il exprime són admiration inconditionnelle pour Musset,

... ce vrai franqais, de la race des Rabelais, des La Fontaine, mais aussi de la race des cygnes dönt le chant de m órt est le plus beau. Les douleurs de cette áme souillée pár la vie mais ennoblie pár l’amour et la souffrance se sont répandues dans les plus ad- mirables m orceaux que possede notre langue. Les Quatre Nuits, les Stances, quelques sonnets, quelques poésies, ainsi que ses comédies d’un genre si original et si personnel ont suffi pour le placer au premier rang des lyriques franqais, comm e ses épitres, ses ballades, ses petites pieces en ont fait l’égal des maitres de la poésie lyrique et mo- queuse, de La Fontaine et Voltaire12.

12 II convient de signaler que, dans ce survol d’histoire littéraire, une mention est quand mé­

rne réservée aux « admirables chants » d’André Chénier.

(7)

Dans la mesure mérne ou la seconde moitié du XVIIIе siecle a vu la naissance de ce quon appelle maintenant le premier romantisme, avec en particulier Rous­

seau et le Chateaubriand de la période de transition entre Thermidor et l’Empire, tout ce qui touche dans les dissertations scolaires de Jean-Richard Bloch á l’oeu- vre de ce dernier, releve á la fois du siecle qui s’acheve et de célúi qui commence, avec la Révolution comme événement charniere. Parmi les pensées consignées en novembre 1901, on trouve celle-ci (f. 567) :

Depuis 500 ans, il n’est pás un chapitre de notre histoire, pás un chapitre de notre littérature au bout duquel on ne voie pointer une lueur. Lointaine d’abord elle se rap- proche, elle grandit, elle enfle, elle s’éléve, elle éblouit, elle inonde. Qu’est-ce ? La Ré­

volution.

Quand Jean-Richard Bloch décide, en juin 1899, de tenter sa chance au Con- cours général (dönt il remportera le premier prix en composition franqaise13) sur le theme « La Jeunesse et l’action », cest l’interprétation de René et le probleme de són influence sur la jeunesse qui lui serviront de matiere á réflexion14.

Quand, en 1905, Chateaubriand publia René, épisode détaché du Génié du Chris- tianisme, plusieurs de ses contemporains s’effrayérent de l’influence qu’un tel livre pouvait exercer sur une génération déjá troublée. Lui-méme, Chateaubriand, dévait déclarer dans les M ém oires d ’Outre-Tombe, que, si René nexistait pás, il ne l’écrirait p lu s: que, s’il lui était possible de le détruire, il le détruirait. II n’y dévait pás épar- gner ceux á qui il avait communiqué, selon són expression, « cette maladie de l’áme » - Une famille de René poétes et de René prosateurs a pullulé, on n’a plus entendu que des phrases lamentables et décousues ; il n’a plus été question que de vents et dorages, que de mots inconnus livrés aux nuages et á la n u it; il n’y a pás de grimaud sortant du collége qui n’ait révé étre le plus malheureux des hommes ; de bambin, qui á seize ans n’ait épuisé la vie, qui ne se sóit cru tourmenté pár són génié ; qui dans l’abime de ses pensées, ne se sóit livré au vague de ses passions ; qui n’ait trappé són front pále et échevelé et n’ait étonné les hommes stupéfaits d’un malheur dönt il ne savait pás le nőm, ni eux non plus.

[ - . ]

Són ami Joubert, esprit ouvert aux pensées et aux sentiments modernes mais clair- voyant et mesuré lui écrit, au lendemain de la publication pour lui fairé part de ses craintes.

[...]

Merci, mon cher ami, de m’avoir envoyé René [...] Vous savez avec quelle impatience j’attends toujours vos ceuvres nouvelles, sür de voir apparaitre á chaque fois un nou- veau chef-d’oeuvre. Mon espérance, celle du public entier n’a pás été déque; il est

13 Cf. ALBERTINI, Jean, Avez-vous lu Jean-Richard Bloch ?, Paris, Éditions sociales, 1981, p. 17.

14 Le texte se compose d’une premiere partié qui en est le résumé ou l’introduction (mis au net, f. 195.) et d’une lettre que Joubert est censée adresser á l’auteur de René et dönt on ne posséde que le brouillon (ff. 196-197.)

(8)

Tivadar Go r ilo v ic s

digne de ceux qui Iont précédé. Cet ouvrage qui vient encore de révéler quelle pro- fondeur de sentiments, quelle puissance d’émotion vous possédez en vous et soulevez chez les autres. Les lamentables infortunes de cette áme bien en accord avec la natúré sauvage et grandiose d’Amérique, développées avec la force et la douceur dönt votre génié connait le secret, m ’ont rempli d’un trouble inexplicable. C est encore sous le charm e de cet enchantement mystique causé pár ce je ne sais quoi de mélodieux et de mélancolique qui se dégage de votre style et de vos pensées, que je táche de vous résumer les impressions que [m a produit] cet étonnant ouvrage. Qui eüt pu prévoir que d’une épopée consolante, ferme et tendre á la fois, inspirée pár la confiance la plus solide en la Religion, l’espoir le plus indéracinable en l’Avenir düt sortir un román qui inspirát le trouble, l’irrésolution, le désespoir le plus complet ? Ne croyez-vous pás que cette brusque volte-face, expliquée en partié pour ceux qui vous connaissent pár la sensibilité de votre áme vibrante, ne déroute vos lecteurs, ne leur fasse douter de ce que vous avez appris á vénérer dans Génié du Christianisme ! Ce n’est pás [...] que je considére com m e criminelle toute aspiration de lam e á sortir du cercle étroit oü elle est enfermée ; je comprends tous les réves et toutes les fievres d’une époque tour- mentée de bien des désirs, de bien des espérances et de bien des désillusions. Mais je vois aussi le danger qu’il у aurait á encourager ces tendances peut-étre trop vives, á se plonger dans l’idéal et á oublier la réalité de la vie, á préférer á l’action un repos trompeur. Je sais bien que vous, mon cher ami, vous dönt la vie est faite d’énergie et de travail, vous étes dans le mérne avis ; mais pourquoi donner á notre jeunesse déjá suf- fisamment remuée pár les étranges destinées que le ciel semble réserver á la Francé, pourquoi leur donner un esprit si contraire á són intérét ? L’heure n’est pás aux réves maintenant, elle est á l’action plus que jamais15. Plus que jamais il faut arracher les jeu- nes gens á la tentation d’un sommeil auquel ils se préteraient volontiers sous les noms de mélancolie, de lassitude, de désespoir. [...] prenez garde qu’un jour ils ne vous dé- passent, que s’appuyant sur des théories que vous ne pourrez plus réfuter, ils affectent tous de noires maladies de lame et se dispensent ainsi de leur devoir d’homme. [...]

Puissent mes craintes étre vaines ; elles ne laissent pourtant pás d’étre fondées ; la gé- nération qui grandit, maintenant encore tout énervée des espérances révolutionnaires et déjá brutalement froissée pár les horreurs sanglantes de la Terreur et pár la tyrannie naissant sur les ruines de l’anarchie, est disposée á chercher dans l’idéal un refuge au spectacle des temps présents; e t cet idéal, René le leur offre, conforme avec leurs sentiments. Je souhaite que la Francé ne voie jamais cette triste génération, mais que celle qui va naitre, guidée pár un autre chef-d’ceuvre vous suive sur une route moins dangereuse. Vous en avez le pouvoir, vous en avez mérne le devoir !

Le rőle auquel votre génié vous destine, célúi de chef morál d’un peuple, vous rend res- ponsable de la direction que vous lui avez donnée. Ne vous plaignez pás de cette lourde táche ; c ’est la plus béllé et la plus noble de toutes ; il peut étre heureux célúi qui est chargé de la conscience d’une nation ; ses soucis mérne sont un bonheur et une gloire pour lu i; mais quelle intelligence il lui faut, surtout lorsque le hasard lui a donné la mis- sion de préparer un ágé nouveau et de retremper lam e de tout un peuple. Avec quelle prudence il dóit lui fairé éviter les écueils vers lesquels il semble étre entrainé ! [...]

15 L’actualisation du propos applicable á la jeunesse de la Francé de 1900 n’échappera, je pen- se, á personne.

(9)

Ce n’est plus un simple exercice de rhétorique scolaire: ce texte est porté pár lelan des convictions de són jeune auteur qui, quelques années plus tárd, se caractérisera lui-méme comme un « contemplatif actif ». Ce n’est pás un hasard que ce sóit la crise de conscience née de la Révolution franqaise et personnifiée pár René qui lui a inspiré l’une de ses meilleures performances scolaires.

Hivatkozások

KAPCSOLÓDÓ DOKUMENTUMOK

Quelles sont les raisons qui ont permis à Gutenberg et à Érasme de s’ancrer ainsi dans la mémoire européenne et d ’y bénéficier d ’une appréciation plus ou moins homogène

L’auteur avait vu le jour et vécu dans cette Transdanubie qui formait la partie occidentale de la Hongrie, une terre qui recelait les vestiges romains et avait servi de point

L'autre changement important dans la construction est que, dans les deux sabres dont nous avons parlé jusqu'ici, c'est un tangent tiré á un point de la circonférence du cercle C,

Nous pouvons qualifier de mélancoliques les toiles analysées car dans le cas des tableaux de Poussin, le thème est évidemment la mort qui est une source de ce sentiment alors que

Les extraits choisis pour cette étude proviennent toutes de la seconde moitié du XVIII e siècle, de la prose préromantique. Cette période est caractérisée par l'éveil

Cela implique que cette troisième réduction (la réduction sartrienne à la corporéité) implique une réduction plus originelle à la passivité. Les plus

Synthèse 2018 « La langue française dans le monde » révèle que le français est la 5ème langue la plus parlée dans le monde, est aussi la langue officielle de

Cette « Stratégie de l’UE pour la région alpine » (ou EUSALP) est mené au sein de la politique de cohésion européenne, et est ainsi le quatrième plan de cette nature, après